Un crime contre l'humanité Les deux pays réouvriront demain une des pages les plus douloureuses de leur histoire commune pour commémorer la sauvage agression de l'aviation française durant la guerre de Libération nationale. L'Algérie et la Tunisie ce ne sont pas que deux pays qui ont une frontière commune. En plus d'un fonds linguistique, d'une culture, leurs deux peuples ont en partage une aire géographique qui a pour particularité de s'affirmer au fil du temps comme le berceau de l'humanité. Son apport à son histoire, à son évolution est en tous les cas, attestée. Son histoire moderne plus récente n'a par contre rien d'un long fleuve tranquille. 130 années de colonisation française en Algérie ont laissé des plaies béantes. La Tunisie les aura vécues à travers les bombardements de Sakiet Sidi Youcef. Les deux pays réouvriront demain une des pages les plus douloureuses de leur histoire commune pour commémorer la sauvage agression de l'aviation française qui a ciblé ce paisible village tunisien durant la guerre de Libération nationale. Un pan d'une mémoire collective entre les deux peuples algérien et tunisien, témoin de la lutte des peuples maghrébins contre le colonialisme qui doit être gravé dans le marbre. Ce à quoi s'attellent des universitaires, des chercheurs algériens qui estiment qu'il n'a pas été suffisamment étudié. C'est le cas de Djamel Ouarti, enseignant d'histoire à l'université Mohamed-Chérif Messaâdia de Souk Ahras, qui estime que les quelques études et recherches universitaires consacrées à ces évènements sont basées sur des informations rapportées par la presse d'alors ou dans le cadre des articles abordant ces évènements en tant qu'un «détail» de la Guerre de Libération nationale. Quels sont les auteurs de ces travaux? Cet épisode a été évoqué par le défunt Yahia Bouaziz, dans le second tome de son ouvrage «La révolution d'Algérie aux XIXe et XXe siècles» et par Abdallah Megalati dans sa thèse de magister sur «le rôle des pays du Maghreb arabe dans le soutien de la révolution de libération algérienne», souligne l'universitaire. Une thèse de doctorat sur «la révolution algérienne à travers les deux quotidiens La dépêche de Constantine et Le réveil de Sétif», où les événements de Sakiet Sidi Youcef constituaient un chapitre de l'histoire, avait été entamée en 1997 par Achour Bouchama qui enseignait l'histoire à l'université des sciences islamiques, Emir Abdelkader, de Constantine, il est décédé en 2019 avant de l'avoir terminée, a indiqué Djamel Ouarti qui a lancé un appel aux universitaires pour consacrer davantage de recherches à cet événement qui témoigne d'une solidarité séculaire entre les peuples tunisien et algérien que l'armée coloniale française leur a fait sauvagement payer, dans leur chair. «L'agression sur Sakiet Sidi Youcef traduisait la situation confuse de la IVème République et la suprématie de l'idée de l'Algérie française consacrée par la décision de la France prise le 1er septembre 1956 de poursuivre les unités de l'Armée de Libération nationale (ALN) même en territoire tunisien», a ajouté le même spécialiste qui a relevé qu'entre juillet 1957 et janvier 1958, l'ALN a mené 84 opérations sur la frontière algéro-tunisienne. Un harcèlement que l'armée française a cru pouvoir enrayer en bombardant le village de Sakiet Sidi Youcef. 26 chasseurs-bombardiers Corsair entrent en action et lancent le raid sauvage, meurtrier, contre le village martyr tuant 79 personnes dont 20 enfants, des réfugiés algériens regroupés par une mission de la Croix-Rouge, 11 femmes, blessant 130 autres et rasant des infrastructures, rappelle l'universitaire. Le bombardement a aussi détruit quatre camions de la Croix-Rouge suisse et du Croissant-Rouge tunisien chargés de vêtements qui allaient être distribués, selon des sources historiques convergentes. Des plaies béantes que le temps ne pourra cicatriser.