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Urgence d'une nouvelle gouvernance
Intermédiations pour la gestion des tensions sociales en Algérie
Publié dans L'Expression le 20 - 02 - 2021

Le constat de la situation actuelle concerne la gouvernance où les différents scandales financiers en Algérie, touchent l'ensemble des secteurs publics et privés, dépassant souvent l'entendement humain du fait de leur ampleur. Un ancien Premier ministre ayant présidé aux destinées du pays pendant plus de 20 ans, qui demandait à la population l'austérité, déclare publiquement qu'il se livrait à la vente de lingots d'or au marché noir suite aux cadeaux reçus de l'étranger pour services rendus, accentuant le divorce Etat-citoyens. Ces constats témoignent de la désorganisation des appareils de l'Etat censés contrôler les deniers publics et surtout le manque de cohérence entre les différentes structures où le président de la République Abdelmadjid Tebboune, récemment en janvier 2021, a mis en relief le résultat mitigé de l'action gouvernementale. Aussi, s'impose une nouvelle politique et la moralisation de la société du fait que la corruption constitue un frein à l'investissement national ou international créateur de valeur ajoutée Selon Transparency International dans son rapport de janvier 2021 pour l'Algérie, la majorité des institutions administratives et économiques est concernée par ce cancer de la corruption. L'on sait que les auteurs de l'IPC considèrent qu'une note inférieure à 3 signifie l'existence d'un «haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d'induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. Le rapport de janvier 2021, concernant l'année 2020, classe l'Algérie à la 104ème place sur 180 pays avec une note de 36 sur 100. Certes, à court terme, bien que la situation soit difficile avec les tensions budgétaires, contrairement aux supputations de certains méconnaissant la morphologie sociale, ou de certains faisant peur avec le calcul de préserver le statu quo en différant les réformes nécessaires versant toujours dans l'alarmisme, sans proposer de solutions réalistes, l'Algérie connaît certes, une crise financière avec la baisse drastique des réserves de change et de vives tensions budgétaires, mais souffre surtout d'une mauvaise gouvernance, expliquant les risques de vives tensions sociales en 2021.
Les partis politiques traditionnels et la société civile appendice du pouvoir vivant par la rente sont souvent incapables de servir d'intermédiation politique et sociale, car non crédible aux yeux de la population où en cas de malaise les forces de sécurité se retrouvent seules en face des citoyens. D'où l'importance de comprendre la nouvelle cartographie sociale afin de faire émerger de nouvelles forces politiques et sociales. Les partis traditionnels avec un nombre impressionnant de micro-partis créés pour la circonstance, moyennant une rente, se manifestent lors des élections meublant le vide, impuissants presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappe la majorité d'entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l'endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles ont une faible capacité aujourd'hui de faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d'apporter une contribution efficace à l'oeuvre de redressement national. Ce sont là des raisons suffisamment importantes pour envisager sérieusement de réorganiser le système partisan pour qu'il puisse remplir la fonction qui est la sienne dans tout système politique démocratique. D'où l'urgence de sa restructuration, loin des injonctions administratives. En effet, le discrédit qui frappe les formations politiques doit laisser la place à des formations crédibles non créées artificiellement supposant une appréciation objective du statut et du rôle qui doivent être les leurs dans une société qui ambitionne de rejoindre le rang des sociétés démocratiques et afin de mobiliser la société d'autant plus que pour les années à venir, les réformes différées pour une paix sociale fictive, transitoire, seront très douloureuses. Quant à la société civile force est de constater qu'elle est éclatée y compris certaines confréries religieuses qui, avec la désintégration sociale et une jeunesse parabolée, ont de moins en moins d'impacts contrairement à une vision du passé.
Comme pour les partis, la majorité ne se manifeste que sur instrumentalisation, vivant du transfert de la rente et non sur la base des cotisations de ses adhérents. C'est que la confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l'élaboration d'une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l'Etat ajoutent à cette confusion. Constituée dans la foulée des luttes politiques qui ont dominé les premières années de l'ouverture démocratique, elle reflétera les grandes fractures survenues dans le système politique national. Ainsi la verra-t-on rapidement se scinder en quatre sociétés civiles fondamentalement différentes trois au niveau de la sphère réelle et une dominante dans la sphère informelle. Le plus gros segment, interlocuteur privilégié et souvent l'unique des pouvoirs publics est constitué par des sociétés civiles appendice du pouvoir se trouvant à la périphérie des partis du pouvoir où les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente. Nous avons une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, certains segments étant l'appendice de partis islamiques légaux. Nous avons une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership. Et enfin, nous avons une société civile informelle, inorganisée, qui s'est retrouvée au niveau d'Al Hirak, atomisée qui est de loin la plus active et la plus importante, formant un maillage dense, tous les acteurs voulant un changement, mais du fait de tendances idéologiques contradictoires incapables de s'entendre sur un programme de gouvernement cohérent.
Il y a lieu de distinguer plusieurs formes de protections sociales. Outre toutes les entités religieuses d'assistance qui dans les sociétés traditionnelles jouent un rôle souvent important, fondamentalement nous avons quatre institutions qui jouent un rôle décisif dans la couverture des risques de l'existence, et ceci d'une manière à la fois concurrente, complémentaire et solidaire: la famille et la tribu, l'entreprise, les marchés et l'Etat. Premièrement, la famille et la tribu peuvent être considérées, d'un point de vue économique, comme une «petite société d'assurance», où l'on mutualise les risques. Encore que la contraction de la famille élargie, le développement de l'instabilité familiale, l'éclatement des tribus pour des raisons de mutations sociologiques et économiques surtout avec l'exode et le taux d'urbanisation ont en quelque sorte appelé de nouvelles formes d'interventions de l'Etat, qui, avec des moyens financiers limités, a accentué le divorce Etat/citoyens. Deuxièmement: l'entreprise est appelée à l'avenir à jouer comme facteur de gestion des risques de l'existence. Cette question du partage des risques ouvre le débat concernant le développement d'un nouveau mode de développement, ni capitalisme sauvage, ni bureaucratie-étatique, fondé à la fois certes, sur l'efficacité, mais également sur une profonde justice sociale. Le troisième acteur de la protection sociale, ce sont les marchés... L'épargne, l'assurance et la prévoyance ont été posées dès le début du XIXe siècle comme le principal moyen de se protéger contre les risques de l'existence. Quatrièmement, entre ces trois ensembles d'institutions famille/tribus, entreprise, marchés, intervient l'Etat dont la fonction a largement évolué en tant qu'institution en intervenant en matière de protection sociale comme employeur, pour aménager le statut des fonctionnaires et avec l'institution de la Sécurité sociale, l'Etat fait de la protection sociale une de ses fonctions fondamentales. L'action de ces différents acteurs doit s'insérer dans le cadre d'une vision stratégique conciliant l'efficacité économique et une profonde justice sociale, impliquant de profondes réformes institutionnelles et l'optimalisation de la dépense publique, une urbanisation maîtrisée, actuellement anarchique avec des coûts directs et indirects faramineux, de la protection de l'environnement et du cadre de vie qui se dégradent de jour en jour Pour rapprocher l'Etat du citoyen, il ne suffit pas de créer encore d'autres entités administratives, vision, bureaucratique, mais de réaliser une véritable décentralisation autour de cinq à six grands pôles régionaux, à ne pas confondre ni avec l'avatar néfaste du régionalisme et ni avec la déconcentration qui renforce la bureaucratisation. La vision centralisatrice jacobine annihile les créativités et la régionalisation économique est une voie salutaire pour bon nombre de pays évitant l'autoritarisme d'en haut de peu d'efficacité tant économique que sociale impliquant des institutions appropriées. Dès lors, s'impose une réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne. Les collectivités locales doivent se préparer à une mutation radicale devant faire passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités entreprises responsables de l'aménagement du développement et du marketing de leur territoire.
L'Algérie est un grand pays et a toutes les potentialités de relever les nombreux défis, devant définir clairement les objectifs stratégiques car un pays qui veut se développer doit préparer les choix qui permettent d'en saisir les conséquences qui doivent indiquer: comment se pose le problème; -quelles sont les contraintes externes (engagements internationaux de l'Algérie): -quels sont les contraintes socio-économiques, financières et techniques internes; -quels sont les choix techniquement possibles et les ensembles de choix cohérents et quelles sont les conséquences probables de ces choix, -quelles méthodes de travail choisir qui permettent de déterminer les paramètres (moyen et long terme) et les variables (court terme) dont dépend un système complexe. Après avoir décomposé la difficulté en éléments simples, il convient de se poser des questions et apporter des réponses opérationnelles, loin des théories abstraites, réalisations physiques et plan de financement sur chacun des éléments: -Quoi?-Qui?- Où? - Quand?- Comment?- Combien? Pourquoi? Comment faire? Dans cette conjoncture de tensions budgétaires et sociales s'impose également un large front national regroupant toutes les forces politiques, sociales et économiques et donc des intermédiations politiques et sociales crédibles, loin de ces organisations rentières, entre les citoyens et l'Etat afin de trouver des solutions opérationnelles loin des promesses utopiques. Cela implique la réforme du système politique mais également économique solidaire, dont la réforme de l'administration centrale et locale afin de lutter contre la bureaucratie paralysante enfantant la sphère informelle et la corruption.
Sur le plan économique, une des réformes majeure est celle du système financier qui est considéré, à juste titre, comme l'indice le plus probant de la volonté politique d'ouvrir ou non l'économie nationale à la libre entreprise.


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