Le communiqué commun que les ambassadeurs des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France et de l'Italie en Libye ont diffusé pour «appeler» les nouvelles autorités à tenir les engagements souscrits dans la feuille de route issue du Forum de dialogue politique libyen sous l'égide de l'ONU, notamment en ce qui concerne la tenue des élections générales «dans les délais prescrits» a eu l'effet d'une douche froide sur certains dirigeants et certaines instances parlementaires. C'est ainsi qu'hier, le Haut Conseil d'Etat libyen a réagi, vivement, pour qualifier la démarche des chancelleries occidentales d' «ingérence dans les affaires internes de la Libye», laissant entendre que la mention relative à l'abstention de tout changement de hauts responsables dans les circonstances actuelles comme une injonction à peine déguisée. Quelle que soit la conjoncture, estime le Haut Conseil d'Etat, «la Libye est souveraine» et ce n'est pas aux «ambassadeurs de pays étrangers» de lui dicter ses actions. Au contraire, ils doivent «respecter les usages diplomatiques», insiste-t-il dans son communiqué, avant d'ajouter que «l'ingérence étrangère n'est pas seulement la présence des mercenaires étrangers en Libye, elle se traduit aussi par des tentatives d'imposer (à la Libye) des injonctions venant de l'étranger». Or, ajoute l'instance libyenne, «ce genre d'ingérence est totalement inadmissible». Pour rappel, les cinq ambassadeurs occidentaux ont déclaré dans leur communiqué rendu public, jeudi dernier, qu'ils exhortent le gouvernement d'union nationale, mis en place au début de l'année en cours et conduit par Abdelhamid Debeibah, ainsi que la Chambre des représentants (Parlement) à «faciliter les élections du 24 décembre et à approuver la Constitution et le cadre légal pour ces élections d'ici le 1er juillet» avant d'ajouter que «ce n'est pas le moment de procéder à des changements qui risqueraient de perturber les organes compétents et de retarder la tenue des élections selon le planning fixé par le Conseil de sécurité de l'ONU». Une observation qui sonne comme une véritable mise en garde pour prévenir le changement en question de certains responsables chargés de l'organisation de la future élection présidentielle du 24 décembre prochain et dont le gouvernement Debeibah craint des manoeu- vres plus ou moins sournoises. Comme si cela ne pouvait suffire, des éléments armés d'une milice «non identifiée» ont effectué une véritable démonstration de force, vendredi soir, à Tripoli, face au siège qu'occupe le Conseil présidentiel libyen, preuve que de profondes divisions secouent toujours les diverses factions malgré une embellie apparente. Plusieurs images diffusées sur les réseaux sociaux mon- trent des dizaines d'hommes armés postés à l'entrée de l'hôtel Corinthia où siège le Conseil présidentiel, démarche interprétée par certains observateurs comme un avertissement sans frais après les propos de la ministre des Affaires étrangères Najla al-Mangoush réclamant le départ immédiat des forces étrangères et des mercenaires, y compris les forces turques. Face à l'offensive en avril 2019 des troupes de Khalifa Haftar, pour tenter de s'emparer de Tripoli, la Turquie avait envoyé drones, instructeurs et conseillers militaires, assurant la formation des forces loyalistes libyennes dans le cadre d'une intense coopération bilatérale. La MAE libyenne a affronté une avalanche de critiques, tant à Tripoli qu'en Turquie, après sa déclaration, les milices pro-turques soulignant qu'elle est originaire de Benghazi, le fief de Haftar. Pour sa part, le Conseil présidentiel a publié la décision n°17 de 2021 relative à la nomination de Hussein Mohammad Khalifa Al-Ayeb en qualité de chef des services de Renseignement libyen. La décision stipule dans son deuxième article que cette décision est exécutoire à compter de la date de promulgation et annule toute disposition antérieure.