Trois jours après l'annonce par le président du Parlement libyen Salah Aguila selon lequel une réunion aura lieu le 8 mars prochain à Syrte pour voter la confiance au gouvernement proposé par le Premier ministre par intérim, Abdel Hamid Debeibah, celui-ci a remis, jeudi dernier, la liste des ministres appelés à obtenir la confiance des députés, lundi. «Conformément à la feuille de route», M. Debeibah a «remis à la présidence du Parlement élu ses propositions pour les portefeuilles ministériels avant la séance du 8 mars», a ainsi confirmé, dans un bref communiqué, son cabinet sans aucune autre indication sur les noms retenus. De là à nourrir la rumeur, il n'y avait qu'un pas et c'est ce qui est intervenu puisque le nom du maréchal Khalifa Haftar a bruyamment circulé pour le poste de ministre de la Défense, une ambition nourrie depuis de le début de la crise en Libye par le chef de l'autoproclamée armée nationale libyenne. S'il obtient la confiance du Parlement, le gouvernement Debeibah aura d'importantes tâches qui concernent, outre la consolidation du cessez-le-feu, l'unification des principales institutions du pays, notamment la Banque centrale et surtout la préparation des conditions indispensables à la tenue des élections législatives et présidentielle fixées au 24 décembre prochain. C'est dire que la gestion de la transition ne sera pas de tout repos car il lui faudra, également, parvenir à imposer le départ des mercenaires et autres combattants présents en Libye dans le cadre des multiples ingérences étrangères qui ont aggravé la nature du conflit. Le choix de la ville de Syrte n'est évidemment pas fortuit. C'est là que devaient s'affronter les forces militaires des deux principaux antagonistes de la crise, en 2020, après la déconvenue du maréchal Haftar dont l'offensive menée en avril 2019 contre la capitale Tripoli, siège du GNA reconnu par les Nations unies et dirigé par Fayez al Serraj a tourné au fiasco. Située au carrefour de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, les deux grandes régions libyennes contrôlées par les autorités rivales, Syrte doit accueillir à la fois les élus du Parlement basé à Tobrouk, dans l'Est du pays, et ceux qui siègent au Conseil d'Etat à Tripoli. Ce sera donc une grande première depuis 2011 et les Libyens ont les yeux rivés sur cette assemblée dont l'importance sera cruciale pour la suite des évènements. La feuille de route validée à Genève par les 75 délégués du dialogue politique inter-libyen, organisé à Tunis, fin 2020, stipule que, dans le cas où le gouvernement Debeibah n'obtiendrait pas la confiance du Parlement, il aura jusqu'au 19 mars pour tenter d'arracher cette validation, outre le fait que Debeibah pourra aussi en appeler au nouveau Conseil présidentiel composé de trois membres dont le président Mohamed al-Manfi, originaire de l'Est de la Libye. Pour l'heure, les chances d'un heureux dénouement semblent encore minimes car le Parlement reste, depuis 2011, profondément divisé, une bonne partie des élus ayant fui Tripoli en 2014 alors que les combats entre les milices rivales faisaient rage et ils se disputent depuis lors aussi bien sur le lieu de leur réunion que sur les prérogatives des uns et des autres. Autant dire que rien n'est encore joué, le GNA sortant de Fayez al Serraj ayant dirigé...la Tripolitaine sans avoir obtenu la confiance du Parlement élu. Désigné le 5 février par les 75 délégués issus du dialogue orchestré par l'ONU, Debeibah est un milliardaire de Misrata dont l'élection a surpris tout son monde face aux caciques de la crise libyenne. Il lui reviendra, si son gouvernement est approuvé, de répondre aux immenses attentes d'un peuple durement éprouvé par une décennie de combats et une économie sinistrée.