Rabat grelotte. Outre ses relations en froid avec l'Algérie, le Maroc risque de connaître des hivers plus rudes et plus maussades. Et pour cause. L'Algérie aurait décidé de ne pas renouveler le contrat d'exploitation du gazoduc Maghreb-Europe sur une longueur de 1400 kilomètres, dont 540 kilomètres traversent le Maroc, en partant du gisement algérien de Hassi R'mel dans le sud du pays. D'autant que le conflit entre Madrid et Rabat a compliqué ce renouvellement qui permet d'acheminer le gaz algérien du coeur du Sahara vers l'Europe, en traversant le Maroc. Le contrat d'exploitation du gazoduc Maghreb-Europe expire en novembre prochain après un quart de siècle d'exploitation. Une décision, autant pour des raisons économiques que politiques et même un peu plus, qui serait prise après la mise en service, par l'Algérie, de l'extension du gazoduc Egpdf, entre El Kasdir-El Aricha (Naâma) et Beni Saf (Aïn Témouchent). Ce gazoduc, long de 197 kilomètres (diamètre 48») et d'un coût de 32 milliards de dinars, s'inscrit dans le cadre du renforcement des capacités d'exportation du gaz algérien via le gazoduc Medgaz. Depuis 2011, le gazoduc Medgaz relie directement les installations algériennes de Béni Saf au port d'Almeria en Andalousie et 60% du gaz qui y transite est destiné au marché espagnol. Cette réalisation renforcerait les capacités de l'Algérie, dont celle de Sonatrach, à commercialiser du gaz naturel vers l'Europe, via ce gazoduc reliant Beni-Saf à l'Espagne, avait affirmé, à l'occasion, Mohamed Arkab, ministre de l'Energie et des Mines. En effet, l'Algérie mise beaucoup sur le gazoduc Medgaz pour pouvoir pallier la fin du contrat Maghreb-Europe, ainsi que l'augmentation des exportations des exportations du gaz naturel liquéfié algérien. D'autant que le transport via le gazoduc offre un avantage compétitif indéniable comparativement au recours aux méthaniers. Une réalisation à même de donner, selon le ministre, au groupe Sonatrach, plus de flexibilité dans les opérations de raccordement et la livraison de gaz naturel par canalisation. L'objectif de cette mise en service est de permettre à l'Algérie de renforcer ses capacités d'exportation du gaz naturel via le gazoduc «Medgaz» entre l'Algérie et l'Espagne. En corollaire, renforcer la position de Sonatrach en tant que partenaire fiable de ses partenaires européens en gaz naturel liquéfié. En effet, le gaz algérien représente près de 55% des importations annuelles de l'Espagne. En procédant, au début du mois en cours, à la mise en service de l'extension du gazoduc Egpdf, l'Algérie, tout en anticipant tout conflit d'intérêts avec le Maroc, pourra utiliser Medgaz pour transporter la totalité des 10 milliards de mètres cubes de gaz qu'elle a contractés avec l'Espagne sans avoir à passer par le Maroc. Une décision qui ne devrait pas être sans conséquences sur l'économie marocaine. Déjà, qu'en 2020, le Maroc a vu ses revenus tirés du transport du gaz algérien via le gazoduc Maghreb-Europe, traversant le territoire du royaume, baisser de 55%. Soit plus de la moitié par rapport à l'année 2019. Selon les chiffres contenus dans un rapport pour l'année 2020 de la direction des douanes et des impôts marocaine, les revenus du Maroc ont atteint 51 millions de dollars l'année écoulée. Et la facture risque d'être encore plus salée avec la réalisation du gazoduc transsaharien dit aussi Nigal, devant relier le Nigeria à l'Algérie pour transporter du gaz naturel vers l'Europe. Une bataille de pipelines dans laquelle l'Algérie s'apprête à remporter la guerre. En effet, selon des sources, le projet marocain (Nigeria-Morocco Gas Pipeline en anglais, Nmgp) s'est révélé du marketing politique. Selon l'expert des marchés pétroliers, Noureddine Legheliel, basé à Stockholm, en Suède, ce projet semble relever plus d'une lutte informationnelle que d'un quelconque projet économique sérieux. Un avis partagé par l'ancien ministre algérien de l'Energie, Abdelmadjid Attar, qui soulignait que « le projet du gazoduc entre le Nigeria et le Maroc est un projet politique sans aucune faisabilité économique».