L'état-major se positionne dans une perspective de professionnalisation et de spécialisation de ses différents corps d'armée. Le chef d'état-major de l'armée s'est entretenu mardi, à Paris, avec le chef d'état-major des armées françaises, Henri Bentegeat ainsi qu'avec la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Cette double rencontre a permis aux responsables des deux pays de passer en revue les relations militaires entre Alger et Paris et d'envisager une coopération plus accrue dans les prochains jours. Malgré ce «forcing français» de dernière minute, que constitue la présente visite du chef d'état-major de l'Armée algérienne et l'accostage dans la baie d'Alger du détachement de la marine militaire française, il y a une semaine, la présence française dans l'agenda militaire algérien reste dérisoire, et ne donne pas l'air de concurrencer celles, plus imposantes, des Forces de l'Otan, des Etats-Unis ou même de la Russie, qui, à la défaveur de l'éloignement, agit quand même efficacement à partir de ses bases. En mai 2005, le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaid Salah, et le général-colonel Youri Nikolaevitch Balouewsky, lors d'une rencontre à Moscou, avaient souligné «la nécessité de soutenir et renforcer les relations de coopération bilatérale». Le chef d'état-major général des forces armées russes s'était prononcé pour «le développement plus dynamique de la coopération avec l'Algérie dans les domaines militaire et technico-militaire». «L'histoire de nos rapports dans le domaine de la coopération militaire et technico-militaire est si profonde que nous devons les développer d'une façon dynamique», avait dit Youri Balouievski à Ahmed Gaïd Salah, lors de cette rencontre. En mars 2006, le «contrat du siècle» est signé entre Alger et Moscou, avec un achat en armement militaire qui aurait dépassé les 4,5 milliards de dollars et qui a concerné le renouvellement de l'armement algérien. L'Algérie a confirmé les contrats portant sur la livraison d'armes russes pour 7,5 milliards de dollars et, compte tenu des options, pour plus de 10 milliards de dollars. Les quantités prévues par les contrats conclus ces derniers mois signifient le rééquipement total de l'armée algérienne. Selon la Russie, il s'agit de la livraison de 34 chasseurs MiG-29 SMT, de 28 chasseurs Su-30 MKI et de 14 avions d'entraînement et de combat Yak-130 (pour un total de 3,5 milliards de dollars). De plus, 36 MiG-29 de modèles antérieurs seront renvoyés en Russie et vendus à des pays tiers. Les accords intervenus prévoient également la livraison de 300 chars T-90S (pour un milliard de dollars), de 8 systèmes de missiles S-300 PMU-2 pour les divisions de DCA (un milliard de dollars), de 30 batteries sol-air Toungouska (d'une valeur de près de 0,5 milliard de dollars), la modernisation de 250 chars T-72 (pour plus de 200 millions de dollars) et la livraison de missiles antichars Metis et Kornet, ainsi que les réparations des navires des forces navales algériennes. La rencontre Bouteflika-Poutine avait renforcé les positions russes dans le Maghreb, devenu tout à coup un enjeu sécuritaire majeur. Préparée avec rigueur et sérieux par l'ambassadeur de Russie en Algérie, Vladimir Titorenko, en fin 2005, puis par l'envoyé spécial de Poutine, Igor Ivanov, le 21 janvier, la visite de Vladimir Poutine a constitué pour les observateurs politiques une escale particulière, en ce sens qu'elle a permis à Moscou un retour spectaculaire dans la région. Cependant, et jusque-là, ce sont bel et bien les Etats-Unis qui ont mis, et certainement de façon durable, pied en Méditerranée et dans la région sahélo-saharienne, entourant de la sorte l'Algérie de toutes parts. Le pôle d'attraction que devient subitement Alger pour les responsables militaires américains depuis le 11 septembre est chaque jour confirmé, tant qu'en l'espace de sept jours seulement, trois personnages de haut rang dans la chaîne de commandement des Etats-Unis avaient visité Alger. Il s'agit de Charles F.Wald, adjoint du commandant des Forces américaines en Europe, Robert Mueller, patron du FBI, et enfin Donald Rumsfeld, un des mentors de la «Total war» menée par Washington tous azimuts. A ceux-là, il faut ajouter l'importante visite faite à Alger par James L. Jones, commandant suprême des Forces américaines en Europe, les 17 et 18 décembre 2005, et les prochaines visites programmées pour les prochaines semaines de Condoleeza Rice et de Dick Cheney. S'agit-il pour Washington de déplacer ses ambitions d'un Machrek explosif vers un Maghreb plus calme? Nul ne peut le dire encore, tant le jeu des stratégies de puissances procède d'une série de paramètres bien définis et reste entouré d'un épais écran de fumée d'où n'apparaissent que les motifs sécuritaires ou économiques. La présence accrue des Forces de l'Otan en Méditerranée depuis 2002 et l'intégration d'Alger dans des exercices et manoeuvres de haut niveau abondent encore dans le sens des intérêts américains dans la région. Ce à quoi peut répondre l'Algérie par la nécessité de mettre ses aptitudes militaires à niveau. Son engagement dans la lutte antiterroriste, longtemps vu de haut par les capitales occidentales, s'est soudainement posé en référence depuis le 11 septembre 2001, et elle en profite largement. En fait, aujourd'hui, l'état-major se positionne dans une perspective de professionnalisation et de spécialisation de ses différents corps d'armée. Cette option justifie pour le moment le large brassage et les relations avec les forts de ce monde.