A Reggane, la vie s'est arrêtée le 13 février 1960. Entre 1960 et 1966, la France a réalisé 17 essais nucléaires dans le Sahara algérien, six essais de 1960 à 1962 et 11 essais de 1962 à 1966. Les essais nucléaires de Reggane et de Béryl sont connus. Mais les conséquences sanitaires et environnementales de l'enfouissement des déchets nucléaires qui résultent de ces essais, notamment lors de l'opération baptisée «Gerboise bleue», dans le ciel de Reggane et de Béryl, à In Ecker, le 1er mai 1962, le sont moins. Dans ce cadre, l'Algérie vient de se doter d'une Agence nationale de réhabilitation des anciens sites d'essais et d'explosions nucléaires français dans le Sud algérien. Le décret, signé par le Premier ministre, a été publié au Journal officiel. Placée sous la tutelle du ministre de l'Energie, l'agence a pour objectif la mise en oeuvre des programmes de réhabilitation des anciens sites d'essais et d'explosions nucléaires français dans le Sud algérien jusqu'à l'achèvement complet de ces travaux et la remise de ces anciens sites aux collectivités locales concernées. Selon l'article 6 du décret algérien, cette nouvelle agence peut avoir recours à une assistance technique nationale ou internationale, pour mener à bien ses activités. Le porte-parole de la branche française de l'Ican (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires), Jean-Marie Collin, voit dans cette création une reconnaissance et un pas important. «C'est la première fois qu'une autorité algérienne de ce type est amenée à travailler sur la réhabilitation des sites» souligne-t-il. De son côté, le directeur de l'Observatoire des armements, Patrice Bouveret, a indiqué que la création de cette agence est «la concrétisation d'une volonté politique de ne plus laisser les sites en l'état», estimant qu'il s'agit d'une «bonne nouvelle pour les populations qui vivent près des zones affectées par les 17 essais nucléaires réalisés par la France entre 1960 et 1966». Co-auteur avec Jean-Marie Collin de «Sous le sable, la radioactivité! Déchets des essais nucléaires français en Algérie», Patrice Bouveret a émis le souhait de voir «les travaux de nettoyage des sites débuter sans tarder». D'autant que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait déclaré dans un entretien accordé récemment au magazine français Le Point, avoir demandé à la France de «nettoyer les sites des essais nucléaires» car «aujourd'hui encore, la contamination fait des victimes». En effet, 61 ans après les premiers essais nucléaires français en Algérie, les sites où ont été perpétrés ces crimes coloniaux ne sont toujours pas décontaminés, alors que la radioactivité ambiante y demeure toujours élevée du fait de la persistance des séquelles des radiations. Un sujet également abordé en avril dernier lors d'une rencontre entre les chefs d'état-major des deux pays. Le général de corps d'armée Saïd Chanegriha, chef d'état-major de l'ANP, affirmait alors, attendre un soutien pour la prise en charge des opérations de réhabilitation et pour localiser les zones d'enfouissement des déchets. «Nous sollicitons votre assistance pour nous fournir les cartes topographiques permettant la localisation des zones d'enfouissement non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques» avait-il souligné au général d'armée François Lecointre, chef d'état-major des armées françaises, qui devra quitter ses fonctions le mois de juillet prochain.