Le président Abdelmadjid Tebboune, lors de sa rencontre avec la presse nationale le 8 août 2021, a indiqué sa volonté d'ouvrir le capital des entreprises publiques, y compris les banques du secteur privé. L'ouverture du capital des entreprises publiques, à ne pas confondre avec la démonopolisation (création de nouveaux projets du secteur privé) qui est une cession d'actifs totale ou partielle, répond à de nom- breux objectifs qui ne sont pas tous compatibles et qu'il convient de hiérarchiser dans la formulation d'un programme de privatisation cohérent, avec des objectifs clairement datés et impliquant de lever neuf contraintes, propositions opérationnelles développées en 1981: Réformes et privatisation, deux volumes (520 pages), Office des publications universitaires- Alger 1981, reproduit dans l'Edition Amazon- Paris 2018. Premièrement, les filialisations non opérantes par le passé, dont l'objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or, c'est le fondement de la réussite tant de l'ouverture partielle du capital que d'une privatisation totale. Deuxièmement, le patrimoine souvent non défini (absence de cadastre réactualisé numérisé), pose la problématique de l'inexistence des titres de propriété fiables, sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. Un exemple, en 1998-1999, pour l'hôtel El Aurassi, les 50% du terrain n'étaient pas comptabilisés et cela s'appliquait à bon nombre d'unités publiques qui avaient accaparé des terrains annexes sans l'aval des Domaines, Qu'en est-il aujourd'hui? Dans ce cadre, lors des avis d'appel d'offres, en 1998, bon nombre de soumissionnaires, à des fins spéculatives, étaient beaucoup plus intéressés par le patrimoine immobilier des entreprises publiques, surtout dans les grandes agglomérations que par l'outil de production. Troisièmement, les comptabilités défectueuses de la majorité des entreprises publiques et des banques, (la comptabilité analytique pour déterminer exactement les centres de coûts par sections étant pratiquement inexistante, rend difficile les évaluations, d'où l'urgence de la réforme du plan comptable actuel inadapté, rendant encore plus aléatoire l'évaluation dans la mesure, où le prix réel de cession varie, considérablement, d'année en année, voire de mois en mois, de jour en jour en Bourse par rapport au seul critère valable existant, un marché mondial de la privatisation où la concurrence est vivace. Quatrièmement, la non-préparation de l'entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ont appris la nouvelle dans la presse, ce qui a accru les tensions sociales. Or, la transparence est une condition fondamentale de l'adhésion tant de la population que des travailleurs à l'esprit des réformes. Cinquièmement, la non-clarté pour la reprise des entreprises pour les cadres et ouvriers supposant la création d'une banque à risque pour les accompagner du fait qu'ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial, la base de toute unité fiable doit être constituée par un noyau dur de compétences. Sixièmement, la résolution des dettes et créances douteuses, les banques publiques croulant sous le poids de créances douteuses et la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettées, surtout pour la partie libellée en devises sans un mécanisme transparent en cas de fluctuation du taux de change. Pour ce cas précis, l'actuelle politique monétaire instable ne peut encourager ni l'investissement productif ni le processus de privatisation où la LF2 021 fait les projections de 142 dinars pour un dollar fin 2021, 149,71 dinars en 2022 et 156 dinars en 2023. Avec le dérapage accéléré du dinar et l'inflation, comment voulez-vous qu'un opérateur, avec cette instabilité monétaire investisse à moyen et long terme, sachant que la valeur du dinar va chuter d'au moins 30/50%, sinon plus dans deux à trois années. Septièmement, les délais trop longs avec des chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l'entreprise, les évaluations, les avis d'appel d'offres, le transfert au Conseil des participations, puis au Conseil des ministres et la délivrance du titre final de propriété, risquent de décourager tout repreneur, car, en ce monde, les capitaux vont s'investir là où les obstacles économiques sont mineurs, le temps étant de l'argent. Huitièmement, la synchronisation clairement définie permettrait d'éviter les longs circuits bureaucratiques et revoir les textes juridiques actuels contradictoires, surtout en ce qui concerne le régime de propriété privée, pouvant entraîner des conflits interminables d'où l'urgence de leur harmonisation par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l'engagement d'une opération de privatisation, de préparer la transaction, d'organiser la sélection de l'acquéreur, d'autoriser la conclusion de l'opération, de signer les accords pertinents et, enfin, de s'assurer de leur bonne exécution. Neuvièmement, analyser lucidement les impacts de l'Accord d'association avec l'Afrique, le Monde arabe, et de libre- échange avec l'Europe, toujours en négociations pour certaines clauses, pas l'Accord-cadre, pour un partenariat gagnant-gagnant, qui ont des incidences économiques sur les institutions et les entreprises publiques et privées qui doivent répondre en termes de coûts et qualité à la concurrence internationale. En conclusion, le processus d'ouverture du capital qui est un processus éminemment politique et non technique de transition d'une économie administrée, bureaucratisée à une économie de marché à finalité sociale, n'est pas la panacée, est inséparable des profondes réformes structurelles politiques, économiques, sociales et culturelles comme adaptation au nouveau monde en plein bouleversement, traversé par une crise des pouvoirs, une crise morale, d'identité avec des traumatismes sociaux, et cela ne concerne pas seulement l'Algérie, mais la majorité des pays dits démocratiques (voir notre interview au quotidien gouvernemental horizon-dz du 25/08/2021). La crise que traverse l'Algérie, doit se hisser au niveau de la crise du monde et ne pas rester une crise de société bloquée, faute de perspectives pour l'avenir d'une population et surtout d'une jeunesse angoissée par les assauts de la nature, par la violence humaine et les déchéances sociales et économiques, devant redonner l'espoir en l'avenir impliquant une vision claire autour d'un projet de société conciliant la modernité et notre riche authenticité. Tant dans les relations internationales, que dans le monde des affaires, il n'existe pas de sentiments, mais que des intérêts et l'Algérie en ces grands moments de bouleversements géostratégiques, doit compter avant tout sur elle-même. Cela renvoie à une nouvelle gouvernance, par la mobilisation générale, loin de toutes les entraves bureaucratiques qui étouffent les énergies créatrices. L'exploitation de la crise sanitaire et économique peut être salutaire, si elle est perçue comme un demi-mal, et si elle permet une dynamique qui impliquerait les citoyens, afin de faire face aux grands défis. Ainsi, l'Algérie, est à la croisée des chemins et s'impose un discours de vérité, sans sinistrose ni autosatisfaction. Nous avons une population merveilleuse, y compris la diaspora, qui a fait preuve en des moments où la Nation est en danger, tant par le passé que par le présent, comme récemment avec cet immense élan de solidarité pour l'unité nationale, devant respecter toutes les sensibilités par la tolérance, afin de faire de l'Algérie un acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, ayant toutes les potentialités pour devenir un pays pivot. Cela implique un retour à la confiance, une visibilité dans la gouvernance et un système de communication officiel transparent, tant en direction des citoyens, des investisseurs nationaux et internationaux et des stratégies d'adaptation au nouveau monde en perpétuel changement. *Professeur des universités, expert international, président du conseil national des privatisations 1996/1999