Que l'objectif de Macron soit électoral ou participe d'une intention plus sournoise qui consiste à sauver le soldat Mohammed vi, importe peu. À Alger, on n'a que faire de la politicaillerie parisienne. Ce que retient la présidence de la République, c'est cette insolente légèreté dans le traitement de sujet lié à l'Histoire. Dans la bouche d'un chef d'Etat, c'est inadmissible. Les approximations et les fautes historiques caractérisées du président français «portent une atteinte intolérable à la mémoire des 5 630 000 valeureux martyrs». Le communiqué de la présidence de la République renvoie, à dessein, Macron sur l'entièreté de la présence française en Algérie. Le nombre de martyrs évoqué est celui-là même annoncé par le président turc Recep Tayyip Erdogan. Cette allusion directe aux crimes coloniaux répond à l'infamante accusation de Macron sur la prétendue colonisation turque de l'Algérie. Une déformation de l'Histoire que le chef de l'Etat français voudrait, certainement, vendre, pour détourner les regards de la résistance héroïque des Algériens «à l'invasion coloniale française» de 1830 jusqu'à la victoire finale grâce à «la Glorieuse Révolution de Libération nationale». Les Turcs n'ont pas affamé, acculturé et tenté d'effacer les Algériens de la surface de la terre. «Les crimes de la France coloniale en Algérie sont innombrables et répondent aux définitions les plus exigeantes du génocide contre l'humanité», explique le communiqué de la présidence de la République. Un véritable génocide a donc été perpétré aux quatre coins du pays. Ce genre de crime n'est pas prescriptible. Les preuves historiques existent, et en atténuer les interprétations comme le fait Macron, relève du révisionnisme le plus abject. Dans son communiqué, la présidence de la République cite un épisode de la Seconde Guerre mondiale que la France n'a eu aucun mal à classer «crime contre l'humanité» Il s'agit d'un village, Oradour-Sur-Glane, rayé de la carte par des soldats nazis. Des villages martyrs, à l'image de celui d'Oradour-Sur-Glane, existent en Algérie. Et ils se comptent en centaines. «Les exactions, massacres, enfûmades, destructions de villages», rappelle El Mouradia, notant «la propension des nostalgiques de l'Algérie française» à vouloir faire oublier les crimes coloniaux. La France en Algérie a été aussi bestiale que l'Allemagne en France. Il faudra qu'un jour, l'Etat et la société française l'admettent une bonne fois pour toutes. Ce qui s'est passé en Algérie tout le long de la présence française «sont des génocides en séries que les acrobaties conceptuelles et les raccourcis politiques ne parviendront jamais à occulter», précise la présidence de la République. Le président Macron a été plus loin que de vouloir effacer l'horreur coloniale. Il a tenté, à travers une pirouette de collégien, de nier l'existence même de la terre et la nation algérienne. C'est l'exact copie conforme du discours de l'extrême droite française. Une ignominie historique que personne parmi ses prédécesseurs n'a osé commettre. Pour Alger, cette superficialité dans l'analyse relève «d'une conception hégémonique éculée des relations entre Etats». Comprendre que Macron se trompe d'époque. Il a fait un voyage dans le temps pour porter un uniforme de la couleur brune des «nazillons» français. Pour la présidence de la République, l'idée que se fait Macron des relations entre deux pays «ne sauraient, en aucune façon, être compatibles avec le ferme attachement de l'Algérie à l'égalité souveraine des Etats».