Le procès de l'ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh, s'est ouvert, hier, au tribunal criminel de Dar El Beïda à l'est d'Alger. Lors de son audition, l'accusé principal, Tayeb Louh a commis une longue et tonitruante plaidoirie. Il a chargé l'ancien chef d'état-major, le défunt Ahmed Gaïd Salah. «Cette affaire examinée, aujourd'hui, par la justice est une affaire sans précédent qui aura des antécédents dangereux sur les juges, les citoyens, la défense et sur l' Algérie», a-t-il déclaré d'emblée. «Ceux qui ont actionné la justice pour engager des poursuites judiciaires assumeront leur responsabilité devant le Bon Dieu, devant les Algériens et les accusés qui sont actuellement incarcérés», a-t-il enchaîné. «Je suis jeté en prison en tant que ministre et président du syndicat qui a défendu pendant 11 ans les magistrats qui subissaient de terribles pressions arbitraires», a-t-il argué. «Cette affaire restera dans les annales judiciaires algériennes et l'histoire en jugera», a-t-il poursuivi. «La divulgation du secret de l'instruction de cette affaire incombe à ceux qui ont actionné la justice», a-t-il estimé. Cette affaire est très dangereuse (...) ce qui s'est passé est purement politique pour la simple raison que j'avais en ma possession des dossiers qui impliquaient de hauts responsables et leurs rejetons.» «Même les figures du Hirak ont demandé de reporter le transfert des dossiers de reddition des comptes jusqu'à ce qu'un nouveau président de la République soit élu par le peuple», a-t-il justifié. «Malgré la vacance du poste du président de la République, la justice a été actionnée et des accusations ont été fabriquées de toutes pièces et collées au ministre de la Justice», a-t-il poursuivi sur sa lancée. «Les poursuites judiciaires, suivies par le placement sous mandat de dépôt ont été lancées pour des considérations politiques», a-t-il soutenu, rappelant que l'action judiciaire est lancée, non seulement dans un contexte de vacance dans la magistrature suprême, mais sous l'ère d'un ministre de la Justice, désigné d'une manière illégitime et anticonstitutionnelle(Belkacem Zeghmati), après qu'on eut mis fin aux fonctions de mon prédécesseur au département de la justice». Il a insisté sur le fait que «conformément à la Constitution en vigueur, il était strictement interdit de procéder à un remaniement gouvernemental avant d'élire un président de la République». «Le vice-ministre de la Défense, a lancé l'action judiciaire pour des considérations politiques»,a-t-il réitéré. «J'ai payé un lourd tribut pour avoir défendu l'indépendance de la justice», a-t-il indiqué, déplorant qu' «il se retrouve devant le tribunal criminel au lieu d'être récompensé et mis sur le piédestal». «Je défie quiconque de prouver la qualification pénale des faits pour lesquels je suis inculpé», a-t-il encore lancé. «Le secrétaire général, l'inspecteur général du ministère de la Justice sont poursuivis d'une façon arbitraire et pire que ça, le ministre est poursuivi politiquement», a-t-il estimé. Il a nié toutes les accusations portées contre lui, à savoir, l'entrave de la justice. À propos de ce chef d'inculpation, il a indiqué que c'est honteux qu'il soit accusé d'avoir exercé la pression sur les magistrats qu'il avait défendus bec et ongles, quand il était à la tête du Syndicat national des magistrats. (SNM). Concernant l'abus de fonction, il a répondu: «Personne ne peut apporter la preuve que des instructions orales ou écrites illégales ont été émises par le ministre de la Justice ou les cadres du département.» Il a regretté qu' il soit poursuivi à base des «SMS». Par ailleurs, il a révélé que l'annulation des mandats d'arrêt lancés contre l'ancien ministre de l' Energie et des Mines, Chakib Khelil et les membres de sa famille a été faite sur la demande de l'ex-ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. «Quelques jours après avoir déclaré dans une conférence de presse que des mandats d'arrêt ont été lancés contre Chakib Khelil et les membres de sa famille, Zeghmati sous mon autorité pendant 2 ans, est venu avouer son erreur et demandé de procéder avec la chambre d'accusation à l'annulation desdits mandats d'arrêt», a-t-il révélé. Par conséquent, son rôle s'est limité à donner une instruction pour vider les mandats d'arrêt. Louh a souligné que «les instructions, il les recevait directement du président de la République, sans passer par son conseiller». Il a été également interrogé sur les incidents du tribunal de Rouiba impliquant la procureur général de Boumerdès, Mme Djamila Neghiz. L'incident survenant en 2017 impliquant le président de la cour de Ghardaïa et lors du renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation, ainsi que le président de la cour de Tlemcen. Tous deux en détention provisoire, le conseiller et frère de l'ancien président de la République, Saïd Bouteflika et l'ancien inspecteur général du ministère de la Justice, Tayeb Hachemi sont également poursuivis dans cette affaire. L'homme d'affaires Ali Haddad, qui a suivi le procès depuis la prison de Tazoult, à Batna, est aussi poursuivi dans le cadre de cette affaire. Mahieddine Tahkout comparaît en tant que témoin dans le suivi du déroulement du procès par vidéoconférence à partir de la maison d'arrêt de Babar à Khenchela. Pour rappel, le juge d'instruction près la Cour suprême avait ordonné le 22 août 2019 le placement de l'ancien ministre de la Justice Tayeb Louh, en détention provisoire pour «abus de fonction», «entrave au bon déroulement de la justice», «incitation à la partialité» et «incitation à faux en écriture officielle».