Tayeb Louh et Saïd Bouteflika seront jugés pour des faits criminels sur la base de la décision rendue il y a une semaine par la Cour suprême. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Cette décision était très attendue puisqu'elle constitue l'étape précédant la transmission du dossier des concernés au tribunal compétent devant programmer la date du procès durant lequel ils seront jugés. Il s'agit également de l'étape ultime dans le processus de recours existant au niveau judiciaire, puisque la défense des prévenus avait déjà exprimé son mécontentement de la décision rendue en 2019 par le juge d'instruction en saisissant la chambre d'accusation. Après de longs mois d'instruction, le magistrat relevant du pôle spécialisé du tribunal de Sidi-M'hamed avait qualifié de criminels les faits pour lesquels est poursuivi l'ancien garde des Sceaux. En novembre 2020, la chambre d'accusation avait confirmé le caractère criminel des faits reprochés, et la Cour suprême en a donc fait de même au cours de la semaine écoulée. Sauf dispositions particulières, le dossier devrait donc être transféré incessamment au niveau du tribunal de première instance de Dar-el-Beïda (chargé des affaires criminelles) qui devrait programmer le procès. Tayeb Louh et ses coaccusés seront jugés pour des actes d'interférence dans les affaires de la justice. L'enquête qui a précédé son arrestation et sa mise en détention est basée sur des SMS trouvés sur plusieurs téléphones lui appartenant. En raison de l'importance de l'affaire, l'enquête a été confiée à l'Office national chargé de la lutte et la répression contre la corruption. Les messages trouvés sur ces téléphones ont donné lieu à des investigations qui ont abouti à l'inculpation de Saïd Bouteflika, qui l'aurait sollicité pour régler un litige judiciaire concernant la chaîne de télévision privée Beur TV. Les deux anciens hommes d'affaires, Ali Haddad et Mahieddine Tahkout, ont été également inculpés pour avoir sollicité l'aide de Tayeb Louh pour le règlement de problèmes judiciaires liés à leurs activités. Parmi les principaux inculpés, on retrouve également l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, ainsi que son épouse et ses deux fils. Le magistrat et le procureur ayant permis l'annulation du mandat d'arrêt international lancé à leur encontre sont aussi poursuivis dans le même cadre. Durant l'enquête, ces derniers ont affirmé avoir été instruits par l'ex-inspecteur général du ministère de la Justice de trouver une solution pour l'annulation de ce mandat d'arrêt. Cet inspecteur général (considéré comme le bras droit de Tayeb Louh), ainsi que l'ancien secrétaire général du même département ont été, eux aussi, placés sous mandat de dépôt. Interrogé sur le sujet, Saïd Bouteflika a, quant à lui, affirmé aux enquêteurs que la décision d'annuler le mandat international lancé à l'encontre de Chakib Khelil et des membres de sa famille émanait du président de la République en personne. Ce dernier affirmait également que Abdelaziz Bouteflika suivait le dossier. Ce qu'il faut également savoir est que l'enquête a été menée auprès de nombreux magistrats, plus d'une dizaine. Certains ont été inculpés et poursuivis, mais la majorité ont le statut de témoins à charge. Il y a en outre parmi eux des victimes, des magistrates surtout, qui ont affirmé aux enquêteurs avoir subi de grandes pressions pour régler des dossiers judiciaires sensibles. Ayant refusé d'obtempérer aux ordres qui leur parvenaient, ces dernières ont été rétrogradées, mutées dans des juridictions éloignées, et ont vu leur salaire amputé. Elles sont constituées partie civile dans l'un des plus gros dossiers qu'aura à juger la justice algérienne prochainement. A. C.