La justice algérienne serait-elle en train de faire marche arrière à propos des poursuites judiciaires contre l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil ? Selon des sources proches du dossier, la procédure engagée jusque-là souffre de lacunes, des «vices de forme» qui peuvent nécessiter de la revoir de fond en comble. Selon des magistrats de la Cour suprême, cette option est dictée par l'application des articles 158 et 573 du code de procédure pénale. Dans l'article 158 du code de procédure pénale, il est clairement mentionné que «s'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte de l'information est frappé de nullité, il saisit la chambre d'accusation de la cour en vue de l'annulation de cet acte après avoir pris l'avis du procureur de la République et en avoir avisé l'inculpé et la partie civile. S'il apparaît au procureur de la République qu'une nullité a été commise, il requiert du juge d'instruction la communication de la procédure en vue de transmission à la chambre d'accusation et présente à cette chambre une requête aux fins d'annulation». Selon des sources proches du ministère de la Justice, une inspectrice relevant de l'inspection près ce ministère, s'est rendue, la semaine dernière, au tribunal de Sidi M'hamed où elle s'est longuement attardée dans le bureau de Kamel Ghazal, le magistrat instructeur de l'affaire Khelil, qui a la qualité pour qualifier de nullité l'information judiciaire pour vice de forme. En effet, l'article 573 du code de procédure pénale justifie cette mesure au bénéfice de la loi. Selon cet article, «lorsqu'un membre du gouvernement, un magistrat de la Cour suprême, un wali, un président de Cour ou un procureur général près une Cour est susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit commis dans l'exercice ou par l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l'affaire transmet le dossier par voie hiérarchique au procureur général près la Cour suprême qui désigne un membre de cette Cour aux fins de procéder à une information». Or, justifie-t-on, dans le cas de figure de Chakib Khelil, l'affaire a été prise en charge par le parquet et instruite par un magistrat instructeur près le tribunal de Sidi M'hamed, alors que le statut du concerné au moment des faits imposait d'être pris en charge par les organes de la Cour suprême. Ce qui laisse entendre qu'on a fait tout faux jusqu'à présent et qu'il faudra tout reprendre… Pour rappel, le 17 novembre dernier, Kaddour Beradja a cédé sa place à la tête de la Cour suprême à Slimane Boudi. Un remplacement qui n'a pas manqué de susciter autant de commentaires que d'interrogations, qui l'ont globalement lié à l'affaire Sonatrach. A l'APN également, le député du parti El Adala, Lakhdar Benkhelaf, via une question orale adressée à Tayeb Louh, ministre de la Justice, a émis des réserves sur la conduite des poursuites à l'encontre de Chakib Khelil. Le député épingle ainsi le «vice de procédure» dans le mandat d'arrêt lancé contre Chakib Khelil : «Ce vice de forme a rendu impossible l'application du mandat d'arrêt. Les faits attribués à l'ex-ministre remontent à l'époque où il était en poste. Cela accorde un statut particulier au justiciable, selon l'article 573 du code de procédure pénale. Le lancement du mandat d'arrêt international devait être effectué par le président de la Cour suprême et non par le parquet.» Le 12 août dernier, pressé par les révélations de la justice italienne, le procureur général de la Cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, avait été rappelé de son congé par le ministre de la Justice de l'époque, Mohamed Charfi, pour annoncer à l'opinion publique que l'Algérie avait lancé un mandat d'arrêt international contre son ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, sa femme, ses deux enfants ainsi que Farid Bedjaoui. Le procureur général avait indiqué également qu'il avait été procédé au gel des avoirs de la famille Khelil et à la mise sous scellés de ses biens immobiliers. Lors du dernier mouvement du gouvernement, M. Charfi a été remplacé par Tayeb Louh qui, interrogé sur le «vice de forme» dans la procédure pénale engagée contre Chakib Khelil, a répondu : «Il n'est pas dans les attributions du ministre de la Justice de s'immiscer dans les affaires soumises à la justice, ces dernières relèvent des prérogatives des instances judiciaires, qui agissent dans le cadre de la législation en vigueur aux plans national et international.»