Les «évangélistes» sont venus d'Amérique latine et des USA pour faire du prosélytisme. Mgr Tessier, archevêque d'Alger, ne va pas par quatre chemins. A la question relative à la campagne d'évangilisation en Algérie, il répond par un «ce n'est pas nous» sec et tranchant. Il rappelle une phrase du président Bouteflika qui disait que ce qui s'y passe est «contraire à la tradition de l'Eglise algérienne». Ce qui est juste d'ailleurs, souligne-t-il. La polémique étalée en plein jour, par journaux interposés, a été à l'origine de l'ordonnance relative au culte des étrangers en Algérie. Mgr Tessier rappelle également l'affaire des caricatures danoises, les troubles des banlieues ainsi que les écrits contre l'islam qui sont publiés un peu partout dans le monde. Il cite le cas de l'Italie où la campagne anti-Islam est très accentuée. Comme il indique qu'il a préfacé le livre de Nacéra Benali, une journaliste qui a tenté d'apporter une réponse à cette campagne italienne. Il a également animé une cinquantaine de conférences dans ce pays pour inciter au dialogue. Mgr Tessier est un homme de dialogue. Il est arrivé en Algérie en 1945. Il s'est revendiqué de la cause algérienne pendant la guerre de Libération. Il connaît les moindres recoins de cet immense pays qui l'a adopté. Il a beaucoup d'amis, y compris des imams qu'il cite par leurs noms. «La société algérienne est une société tolérante». Malgré tout ce qui s'est passé pendant les dernières années? «Oui, même si certains groupes diffusent l'intolérance». D'où vient donc cette campagne d'évangilisation? Mgr Tessier remonte aux sources, en Amérique latine et aux USA où des groupes connus sous la dénomination d'«évangélistes» ont vu le jour avec le phénomène de mondialisation et sont partis à la conquête du monde avec la méthode qui est la leur. Les «évangélistes» sont arrivés en Algérie. L'archevêque d'Alger le dit: «Nous le regrettons. Nous ne sommes pas d'accord avec eux. Nous sommes pour le témoignage et pas pour le prosélytisme». Mais il tient à préciser que ceux qui animent ces groupes aujourd'hui sont des Algériens qui ont été initiés. Il cite les innombrables chaînes de télévision qui foisonnent et ciblent les pays musulmans ainsi que le réseau internet. L'Eglise algérienne, par contre, vit la douleur et le bonheur de la société algérienne et les ressent avec autant d'acuité. Les citoyens le savent. Les assassinats de religieux pendant les années de troubles ne sont que le fait de la bêtise humaine ou de l'exception qui confirme la règle. Certains journaux veulent faire l'amalgame entre «prosélytisme» et «témoignage», relève-t-il. «Il faut lever cet amalgame». «Il ne faut pas tomber dans le piège du choc des civilisations», avertit-il, «il y a beaucoup d'initiatives de dialogue islamo-chrétien dont la presse ne parle jamais». L'Eglise, l'Algérienne, est présente depuis très longtemps et fait un travail humanitaire reconnu et apprécié par la communauté. Elle compte quelque 1000 personnes. Lorsqu'on approche Mgr Tessier on retrouve le tempérament algérien. Il assène ses certitudes sans tricher. Il peine à rétablir certaines vérités. Il parle en arabe quand il le faut, blague ou lance des boutades mais garde cette chaleur qui est la nôtre quand il s'agit d'éveiller chez lui les souvenirs malheureux, comme la perte de compagnons très chers.