L'Ethiopie doit être prête à «des sacrifices» pour «sauver» le pays, a déclaré, hier, le Premier ministre Abiy Ahmed, alors que les combats ont redoublé dans le Nord entre forces gouvernementales et rebelles tigréens qui menacent de marcher sur la capitale. «Il y a des sacrifices à faire, mais ces sacrifices sauveront l'Ethiopie», a écrit Abiy Ahmed dans un bref message sur Twitter. «Nous avons connu les épreuves et les obstacles et cela nous a rendus plus forts», a-t-il ajouté, en assurant: «Nous avons plus d'alliés que ceux qui se sont tournés contre nous». «Mourir pour notre souveraineté, notre unité et notre identité est un honneur. Il n'y a pas d'Ethiopianité sans sacrifice», a également exhorté le service de communication du gouvernement sur Twitter. Ces déclarations interviennent au lendemain de la création d'une alliance entre neuf organisations rebelles issues de diverses régions et ethnies d'Ethiopie, bâtie autour du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) qui combat les forces gouvernementales depuis plus d'un an. Ce «front uni» a pour but de «renverser le régime» d'Abiy Ahmed, a déclaré Berhane Gebre-Christos, représentant du TPLF lors de la signature de cette alliance à Washington. Le week-end dernier, le TPLF a revendiqué la prise de deux villes stratégiques dans la région de l'Amhara, où ses combattants ont progressé après avoir repris leur bastion du Tigré en juin. Le TPLF a affirmé mer-credi avoir atteint la localité de Kemissie, à 325 kilomètres au nord de la capitale Addis Abeba, où il a rejoint l'Armée de libération oromo (OLA), groupe armé de l'ethnie oromo. Les deux organisations n'ont pas exclu de marcher sur Addis Abeba. Le gouvernement, qui a décrété mardi l'état d'urgence dans tout le pays, a démenti toute avancée rebelle majeure et toute menace sur la capitale, assurant qu'il allait gagner cette «guerre existentielle». La porte-parole du Premier ministre, Billene Seyoum, a fustigé vendredi un «discours alarmiste», alimenté par une «désinformation» du TPLF destinée à créer «un faux sentiment d'insécurité». Les deux camps restent sourds aux appels internationaux à un cessez-le-feu et à des négociations, relayés par l'émissaire américain pour la Corne de l'Afrique, Jeffrey Feltman, présent dans la capitale éthiopienne. Face à cette escalade, plusieurs ambassades, dont celles des Etats-Unis, d'Arabie Saoudite, de la Suède et de la Norvège, ont demandé à leurs ressortissants de quitter l'Ethiopie. Le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé vendredi «à mettre fin aux hostilités et à négocier un cessez-le-feu durable», dans une déclaration commune rare depuis le début des combats il y a un an. Le 4 novembre 2020, Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, a envoyé l'armée au Tigré pour destituer les autorités régionales issues du TPLF, qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires. Il a proclamé la victoire le 28 novembre. Mais en juin, les combattants du TPLF ont repris l'essentiel du Tigré et poursuivi leur offensive dans les régions voisines de l'Afar et de l'Amhara. Les combats, qui ont fait des milliers morts et des centaines de milliers de déplacés, ont plongé le nord du pays dans une profonde crise humanitaire. Selon l'ONU, au moins 400.000 personnes sont au bord de la famine au Tigré, où aucune aide n'a pu parvenir depuis le 18 octobre. Ce conflit a également exacerbé les rivalités ethniques, notamment sur les réseaux sociaux où essaiment les discours guerriers et les appels à la haine. Twitter a annoncé hier avoir «temporairement désactivé» en Ethiopie sa rubrique «Tendances», qui regroupe les tweets les plus viraux sur un sujet, en raison de «la menace imminente d'atteintes physiques».»Inciter à la violence ou déshumaniser les gens est contraire à nos règles», affirme le réseau social. Mercredi, Meta, la société-mère de Facebook, avait indiqué avoir supprimé un message d'Abiy Ahmed daté de dimanche appelant à «enterrer» le TPLF. L'annonce de l'état d'urgence a également déclenché une vague d'opérations policières. Amnesty a dénoncé ces mesures d'urgence qui constituent, selon elle, un «plan d'escalade des violations des droits humains». Des milliers de Tigréens ont été arrêtés depuis mardi, ont affirmé des avocats. Les autorités affirment cibler uniquement les soutiens du TPLF.