En proie, depuis presque une décennie, à une vague terroriste de plus en plus menaçante, la région sahélienne traverse, ces derniers temps, une autre zone de turbulences, caractérisée par une instabilité politique et militaire chronique. À la suite des coups d'Etat qui ont ébranlé le Mali et la Guinée et dont les conséquences sont encore indéterminées, si l'on en juge par le bras de fer qui oppose les nouvelles autorités de transition à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) dont les sanctions connaissent un durcissement graduel, c'est au tour du Burkina de subir, hier, les soubresauts d'une agitation inquiétante. Les militaires ont exprimé leur colère dans plusieurs casernes du Burkina Faso, réclamant le «remplacement» des chefs de l'armée et des «moyens adaptés» dans la lutte contre les groupes terroristes qui frappent leur pays, selon un enregistrement sonore transmis aux médias. «Nous voulons des moyens adaptés à la lutte» antiterroriste, «des effectifs conséquents» et le «remplacement» des plus hauts gradés de l'Armée nationale, est-il déclaré dans cet enregistrement, sous couvert de l'anonymat. Il semble que le propos émane de soldats de la caserne Sangoulé Lamizana de Ouagadougou, une parmi toutes celles où ont retenti des salves répétées durant plusieurs heures, hier, dans la matinée. Il a été également question, dans cet enregistrement porteur de revendications informelles, de la nécessité d'une «formation du personnel adaptée à la menace» terroriste, «la création d'unités permanentes» constituées spécialement pour «le front» et la «revalorisation des primes». Pour couronner le tout, est aussi réclamée «une meilleure prise en charge» des victimes tuées ou blessées ainsi que de leurs familles. Cette agitation qui fait suite à une tentative de mobilisation populaire en soutien au Mali, interdite par la Mairie de Ouagadougou mais dont la tenue a entraîné des affrontements avec les forces de l'ordre, témoigne de la situation critique dans laquelle se trouve le pays burkinabè. Pendant les deux dernières semaines, le président Roch Christian Kaboré et le gouvernement, ont été accusés par une grande partie de la population de se montrer «incapables», face à la montée en puissance des groupes terroristes. Ce mécontentement populaire est en train de faire tache d'huile, malgré les dernières mesures prises pour tenter d'endiguer le fléau et si, officiellement, le Burkina est encore à l'abri d'une «prise de pouvoir par l'armée», le risque est grand de voir les institutions brusquement menacées. De plus en plus fréquents, les manifestations et autres mouvements de foules excédés par l'impuissance des dirigeants à combattre les groupes terroristes sont réprimés par les forces de l'ordre, mais la spirale des violences est telle qu'un jour ou l'autre, le volcan finira par se transformer en brasier.