Plutôt que de contribuer à ramener la paix, le plan préconisé par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), pour mettre fin à la crise générée au Burkina Faso par le coup d'Etat mené le 17 septembre par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le général de brigade Gilbert Diendéré contre le pouvoir intérimaire, risque plutôt de jeter de l'huile sur le feu. Si ce n'est déjà fait. En soutenant l'idée d'amnistier les putschistes et de laisser les pro-Compaoré participer aux prochaines élections présidentielle et législatives, les représentants de la Cédéao dépêchés à Ouagadougou ont, comme il fallait s'y attendre, provoqué le courroux de la rue, de la classe politique et de la société civile burkinabés qui ont décidé de rejeter en bloc ce «plan de paix de la honte qui consacre l'impunité». Tout le monde exige un départ sans condition du général putschiste et de ses «sbires». Sur sa page facebook, le mouvement du Balai citoyen — qui avait grandement contribué à chasser Blaise Compaoré en octobre dernier — s'est montré hier très clair : «On ne lâche rien du tout. La Cédéao nous manipule depuis le début. Nous rejetons ce projet d'accord avec la dernière énergie. Finies les négociations stériles avec des terroristes.» Cherif Moumina Sy, président de l'Assemblée nationale de transition renversé, a refusé lui aussi dimanche soir le «compromis de la honte» que la Cédéao tente d'imposer aux Burkinabés et a appelé ces derniers à «converger vers la capitale pour manifester leur colère». «Je ne me laisserai pas faire», a-t-il confié à El Watan. Non satisfait également de la copie remise par la Cédéao, le Mouvement de la génération consciente du Faso (MGC/Faso) a également, de son côté, préconisé au général Diendéré «de prendre la fuite tout de suite, parce que vous serez cerné par les forces combatives du peuple déterminé et endurant». La population est restée, quant à elle, mobilisée dans plusieurs villes du pays. Pour sa part, le président de transition, Michel Kafando, s'est dit «très réservé» sur le projet de sortie de crise présenté par la médiation ouest-africaine. «Je suis très réservé sur ce projet d'accord, qui laisse sans solution des problèmes de fond», a-t-il déclaré dans un entretien à la presse. Ce dernier ajoute qu'il est «toujours en résidence surveillée» et «pas associé aux négociations». L'ultimatum de l'armée au RSP Jusque-là restée neutre dans le bras de fer qui oppose depuis près d'une semaine la rue et le général de brigade Gilbert Diendéré, l'armée burkinabé (FAN) ne paraît pas être satisfaite aussi du plan de sortie de crise proposé par la Cédéao. Visiblement excédée par les dérives du RSP, ses chefs ont décidé hier de reprendre les choses en main pour rétablir l'ordre constitutionnel. Toutes les unités des FAN restées loyales au pouvoir intérimaire renversé ont ainsi reçu l'ordre de converger vers Ouagadougou dans le but, dans un premier temps, de désarmer le RSP. «Nous leur demandons (aux éléments du RSP, ndlr) de déposer immédiatement les armes et de rejoindre le camp Sangoulé Lamizana. Eux et leurs familles seront sécurisés», a indiqué le chef de corps des forces armées nationales dans un communiqué. L'armée a, par ailleurs, appelé les habitants de Ouagadougou à rentrer chez eux et à rester sereins. Les trois colonnes de l'armée burkinabé faisant route vers Ouagadougou proviennent de garnisons stationnées à Dédougou, Bobo Dioulasso, Kaya, Fada N'Gourma et Ouahigouya. Difficile de savoir si le général Diendéré et les éléments du RSP ont obtempéré officiellement à la sommation de l'armée. Dans une déclaration à la chaîne de radio Oméga FM Bobo, Cherif Sy révèle néanmoins que c'est le début de la débandade dans le camp des putschistes. Des soldats du RSP ont déjà regagné le camp Sangoulé Lamizana alors que d'autres, a-t-il dit, sont en fuite. Si les informations données par le président du Parlement intérimaire renversé se vérifient cela voudra dire que le clan Blaise a perdu une seconde fois la partie. Le RSP a, rappelle-t-on, mené son putsch moins d'un mois avant la fin de la transition démocratique. Celle-ci devait se terminer, le 11 octobre prochain, par une présidentielle et des législatives. Le coup d'Etat a eu lieu le jour où devaient être rendus publics les résultats d'une enquête sur l'assassinat de Thomas Sankara. Le général Gilbert Diendéré était à l'époque le responsable de la sécurité et des commandos militaires. Beaucoup à Ouagadougou pensent qu'il est impliqué dans l'assassinat.