Par Dr Tahar BEDDIAR* D'abord, la loi organique n° 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l'information, évoque la régulation, particulièrement dans ses articles 40 pour instituer une autorité de régulation de la presse écrite, autorité indépendante, jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Elle est chargée d'un certain nombre de missions classiques. Les missions et les attributions de l'Autorité de régulation de la presse écrite sont étendues à l'activité d'information écrite par voie électronique. Elle est composée de membres élus de manière à préserver son impartialité et son indépendance. Cette loi définit le journaliste professionnel, comme étant toute personne qui se consacre à la recherche, la collecte, la sélection, le traitement et/ou la présentation de l'information, auprès ou pour le compte d'une publication périodique, ou d'une agence de presse, d'un service de communication audiovisuelle ou d'un moyen d'information électronique, et qui fait de cette activité sa profession régulière et sa principale source de revenus. Le journaliste est tenu de veiller au strict respect de l'éthique et de la déontologie en respectant notamment les dispositions de l'article 2 de la loi sur l'information. À ce titre,il a été créé un Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie du journalisme, dont les membres sont élus par les journalistes professionnels. Les violations des règles d'éthique et de la déontologie de la profession de journalisme exposent leurs auteurs à des sanctions ordonnées par le Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie. La nature de ces sanctions, ainsi que les modalités de recours sont fixées par le Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie de la profession de journalisme. Donc la loi algérienne relative à l'information institue deux entités ou institutions, chargées de la régulation de la presse écrite et les deux entités peuvent prévoir et prononcer des sanctions à l'encontre des contrevenants aux règles d'éthique et de déontologie. Ces deux entités font, à notre avis double emploi du point de vue de la régulation et de l'autorégulation. À titre comparatif, en Europe, ce qui se pratique dans la plupart des pays c'est l'existence d'organismes chargés de veiller à l'application des codes déontologiques. Organismes de régulation traitant des violations les plus flagrantes du Code déontologique des journalistes, les Conseils de la presse se sont multipliés, ces quinze dernières années, sur tous les continents. Ils connaissent un certain succès, même si leur modèle reste perfectible. L'idée de créer ce type d'organisme de régulation des médias a vite émergé, ces dernières années, parmi certains participants français de l'Alliance internationale de journalistes. De là est née, en décembre 2006, l'Association de préfiguration d'un Conseil de presse (Apcp). L'origine, la motivation, le rôle, la composition, le mode de fonctionnement, l'influence des Conseils de presse varient d'un pays à l'autre. Une constante demeure: depuis la crise de crédibilité qui frappe la profession de journaliste, ils sont de plus en plus sollicités par le public, comme par les professionnels des médias inquiets pour l'avenir de leur métier. Le succès des Conseils de presse est incontestable. Cette dernière décennie le montre clairement: le nombre de plaintes enregistrées et de cas traités n'a jamais été aussi important. Si l'expansion des Conseils de presse est indiscutable, de quelle instance s'inspirer lorsqu'on est à la recherche d'un modèle idéal pour la régulation de la presse? Nous citons deux modèles francophones, qui ont inspiré, ces dernières années, la création de plusieurs instances similaires: le Conseil suisse de la presse (CSP) et son homologue, le Conseil de presse du Québec (CPQ). Tous deux ont été fondés au milieu des années 1970. Tous deux sont connus et globalement respectés pour le sérieux de leurs prises de positions. Les codes et chartes déontologiques «L'activité du journaliste est une activité apparemment très libre, laissant passablement d'initiative, tant dans le choix des sujets que dans leur traitement. Mais surtout, le journalisme est une activité encadrée par un certain nombre de règles. Ces règles opèrent à trois niveaux: au niveau du droit; au niveau de l'entreprise médiatique ; au niveau de la profession». Cette définition du professeur de journalisme et médiateur Daniel Cornu pose d'emblée le fond du problème. Jour après jour, nous constatons les dérapages d'une profession pourtant investie d'une « noble mission »: celle d'informer le public et de constituer, par là-même, un des rouages fondamentaux de la démocratie. Il existe pourtant des règles, des garde-fous. Les premières chartes, fixant sur le papier les Codes déontologiques du métier, sont apparues dès le début du XXe siècle. La perspective d'autorégulation est bientôt abandonnée, mais deviendra réalité ailleurs en Europe et en Amérique latine. Les spécialistes de la déontologie des médias insistent sur ce point : les journalistes ont tout à gagner en se fixant spontanément des règles précises concernant leurs pratiques professionnelles. Cette idée centrale de prévention, de protection, est intimement liée à la professionnalisation du métier de journaliste. On la retrouve aux Etats-Unis, avec un Code éthique des journalistes américains adopté en 1926 par l'association la plus représentative, à cette époque, de la profession. En Grande-Bretagne, c'est un Code de conduite des journalistes britanniques qui voit le jour en 1938, adopté par le Syndicat des journalistes. Après la Seconde Guerre mondiale, les textes déontologiques tendent très vite à une dimension dépassant le seul cadre national: une Déclaration de principe sur la conduite des journalistes est ainsi adoptée en 1954 au congrès de Bordeaux par la Fédération internationale des journalistes (FIJ; Déclaration révisée à Helsingor, au Danemark, en juin 1986). Les années 1970 sont témoins d'une véritable éclosion de codes déontologiques, souvent directement accompagnés de la création de Conseils de presse dans le rôle d'organes de surveillance des devoirs, mais aussi des droits des journalistes. En Suisse, le Code de déontologie en vigueur est la Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste, Alliance internationale de journalistes En 1972, c'est au tour de l'Allemagne de se doter d'un Code de la presse (Pressekodex), qui a été élaboré par le Conseil de la presse (Presserat, existant depuis 1954) en collaboration avec les organisations professionnelles d'éditeurs et de journalistes. La Belgique suit en 1982 avec un Code de principes du journalisme, adopté par les associations professionnelles d'éditeurs et de journalistes. Tous ces codes ont été complétés et révisés depuis. « L'autorégulation peut se définir comme la création et la prise en charge, par la profession journalistique, avec, comme il semble hautement souhaitable, la participation de la société civile, de dispositifs et d'instances indépendantes propres à définir des règles de conduite du journalisme sur la base d'une éthique professionnelle, puis à en assurer le respect ». Il semble logique que les journalistes aient voulu prendre eux-mêmes en main les règles de celle-ci et, en même temps, l'affirmation de leur identité. Dans la mesure aussi où leur activité exige indépendance et liberté, l'autocontrôle semble aussi la voie susceptible d'offrir le plus de garanties». L'Histoire montre en fait qu'en Europe, la création d'un Conseil de presse n'ouvre pas la voie à un contrôle accru par l'Etat. L'utilité de tels organismes de régulation est aujourd'hui largement reconnue - Enjeux et defis La décennie 90 a débuté en Afrique sous le signe du réveil démocratique qui a jeté à bas les systèmes monolithiques post coloniaux. L'une des premières conquêtes de ces révolutions a été la libéralisation de l'espace médiatique. Le législateur voire dans certains cas le constituant, a institué, dans la plupart des cas, bon gré mal gré, des autorités autonomes dites de régulation. Organismes administratifs indépendants aux attributions diverses et variées, ces entités ont vu leur place et leur légitimité se renforcer au fur et à mesure que leur crédibilité s'affirmait. Dans certains pays, c'est l'opinion inverse qui a toutefois prévalu avec l'extension du domaine d'intervention du régulateur institutionnel aux activités de la presse écrite. C'est notamment le cas au Bénin, en Côte d'Ivoire, au Burundi en République démocratique du Congo ou encore au Mali. Cette option prise pour une régulation de la presse écrite n'est pas sans difficultés. La présentation du statut de la presse écrite en Afrique nous permettra d'aborder avec plus d'aisance la question des enjeux et des défis de sa régulation. En Afrique, l'on est à l'initiative des Chartes et autres Codes de déontologie particulièrement en vogue ces dernières années dans la profession. Dans leurs actions, ils sont accompagnés par des acteurs institutionnels ou non d'ici ou d'ailleurs. Il faut affirmer très fortement que la régulation est avant tout l'option pour le maintien de l'équilibre et du fonctionnement correct d'un système pluraliste complexe qui caractérise désormais l'espace médiatique africain. L'éternelle dialectique entre régulation et autorégulation Etymologiquement, le mot régulation vient du latin «regula» qui veut dire règle, loi, normes. La régulation est l'action de régler, de rendre régulier un mouvement ou un débit. En science, la régulation est l'ensemble des moyens et des techniques qui permettent de maintenir en équilibre ou à un niveau souhaité un système complexe afin d'en assurer un bon fonctionnement. Il évoque une certaine discipline qu'on se voit imposer. L'autorégulation est précisément l'inverse. Elle renvoie à l'idée d'un contrôle spontané, d'une discipline à laquelle on s'astreint de son plein gré sans influence de facteur exogène. Elle est renonciation à un certain laisser-aller et donc adhésion à un système fondé sur la responsabilité individuelle. Dans le domaine médiatique, les deux approches ont leurs partisans et leurs adversaires, quoique les avis des uns et des autres convergent de plus en plus vers une voie médiane qui les verrait coexister. En conclusion, l'approche la plus indiquée pourrait consister en la coexistence des deux systèmes de régulation et d'autorégulation en la forme institutionnelle de «Conseil de la presse écrite» avec des prérogatives d'éthique et de déontologie ainsi qu'un pouvoir de réprimer la transgression des règles éthiques et déontologiques. *Juriste spécialisé en communication