Selon les données d'Eurostat pour 2020, 46,8% des importations européennes de gaz naturel proviennent de la Russie, premier réservoir mondial. Comme je viens de le souligner dans une interview à Radio Algérie internationale le 9 février 2022, il faudra bien poser la problématique et éviter des utopies pour ne pas renouveler les erreurs du passé,puisqu'il n'existe pas de sentiments dans la pratique des affaires et d'une manière générale dans les relations internationales: le gazoduc Nigeria-Europe via l'Algérie, toujours en gestation d'une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux, dont la réalisation demandera au minimum 5-7 ans, pourrait-il atténuer cette dépendance vis-à-vis de la Russie? C'est dans ce cadre que, lors d'une rencontre par visioconférence le 8 février 2022, entre le ministre algérien de l'Energie et des Mines et le ministre d'Etat nigérian aux Ressources pétrolières a été, encore une fois, évoquée la construction du fameux gazoduc Nigeria-Algérie reliant les deux pays africains, en plus du Niger, au continent européen. Le secteur de l'énergie au Nigeria, comme en Algérie, est marqué par le poids dominant de l'industrie pétrolière et gazière procurant 75% des recettes du budget national et 95% des revenus d'exportation et les réserves prouvées de gaz naturel sont estimées à 5300 milliards de mètres cubes gazeux. Comme le démontre une importante étude de l'Iris le 19 août 2021, le gazoduc reliant le Nigeria à l'Europe est l'objet d'enjeux géostratégiques importants pour la région, expliquant l'importance de la diplomatie économique, un tel projet placerait la région comme un nouveau pôle d'approvisionnement pour l'Europe face à la Russie, et le pays qui fera obstacle à ce projet étant la Russie, à moins qu'il ne soit partie prenante d'où l'importance d'avoir une vision économique froide sans sentiments pour sa rentabilité, surtout en ces moments de graves tensions financières. Concernant le gazoduc Nigeria -Algérie, la longueur du gazoduc transsaharien sera de 4 128 kilomètres et sa capacité annuelle de 30 milliards de mètres cubes devant partir de Warri au Nigeria pour aboutir à Hassi R'mel en passant par le Niger . Le 21 septembre 2021, le ministre nigérian de l'Energie a déclaré dans une interview accordée à la chaîne de télévision Cnbc Arabia en marge de la conférence Gastech, que son pays a commencé à mettre en oeuvre la construction d'un gazoduc pour transporter du gaz vers l'Algérie. L'accord de l'Algérie fait suite aux différents rapports du ministère de l'Energie afin de pouvoir honorer ses engagements internationaux en matière d'exportation de gaz à partir des réserves de gaz traditionnel pour l'Algérie, pour une population dépassant 45 millions d'habitants au 01/01/2022 (pour le gaz de schiste troisième réservoir mondial 19800 milliards de mètres cubes gazeux, selon un rapport US) selon les données du ministre de l'Energie en décembre 2020 reprises par l'APS, étant de 2500 milliards de mètres cubes (les données de 4500 étant celles de BP de l'année 2000, non réactualisées) gazeux et 10 milliards de barils de pétrole. Selon les données du ministre de l'Energie en décembre 2020, nous assistons à une baisse des exportations étant passées de 62/65 milliards de mètres cubes gazeux à 51,5 en 2018, 43 en 2019, 41 en 2020, un niveau de 43/44 pour 2021. Un projet à 20 milliards de dollars Pour maintenir ses capacités d'exportation, l'Algérie doit s'orienter vers les énergies renouvelables, avoir une nouvelle politique d'efficacité énergétique, revoir sa politique de subventions et avoir des accords de partenariat d'exploitation à l'extérieur du pays expliquant l'intérêt porté à ce projet. La rentabilité du projet Nigeria Algérie, suppose cinq conditions. Premièrement, la mobilisation du financement, alors que les réserves de change sont à un niveau faible (source FMI) tant pour le Nigeria 40,52 milliards de dollars fin 2021 que pour l'Algérie 44 milliards de dollars pour une population respectivement au 1er janvier 2022 de 213 et 45 millions d' habitants. Le gazoduc Nigeria -Algérie avec un coût évalué au départ à 5 milliards de dollars, en 2020, a été évalué par les experts de Bruxelles entre 19/ 20 milliards de dollars, donc un important effort de financement, entre-temps, le coût a certainement évolué, demandera pour sa réalisation, des accords de différents pays traversés par cette canalisation, et si les travaux commencent en 2022 pas moins de 5 à 7 années et dont la rentabilité pas avant l'horizon 2027-2030 (voir notre interview à Radio Algérie internationale du 9 février 2022).Il faudra donc impliquer des groupes financiers internationaux, l'Europe principal client et sans son accord et son apport financier il sera difficile, voire impossible de lancer ce projet. Deuxièmement, de l'évolution du prix de cession du gaz et se pose cette question, la flambée actuelle du prix du gaz est-elle conjoncturelle ou structurelle car la faisabilité du projet implique la détermination du seuil de rentabilité fonction de la concurrence d'autres producteurs, du coût et de l'évolution du prix du gaz. D'où l'importance de la prise en compte de la transition énergétique, énergies renouvelables entre 2022-2030 dont le parc de voitures sera en Europe à 50% électrique en 2030 et avec la percée de l'hydrogène comme source d'énergie entre 2030-2040. Troisièmement, la sécurité et des accords avec certains pays, le projet traverse plusieurs zones alors instables et qui mettent en péril sa fiabilité avec les groupes de militants armés du Delta du Niger qui arrivent à déstabiliser la fourniture et l'approvisionnement en gaz, les conséquences d'une telle action, si elle se reproduit, pourraient remettre en cause la rentabilité de ce projet. Il faudra impliquer les Etats traversés et négocier le droit de passage (paiement de royalties) donc évaluer les risques d'ordre économique, politique, juridique et sécuritaire. Quatrièmement, tenir compte de la concurrence internationale qui influe sur la rentabilité de ce projet. Les réserves avec de bas coûts, sont de 45.000 pour la Russie, 30 000 pour l'Iran et plus de 15 000 pour le Qatar sans compter l'entrée du Mozambique en Afrique (4500 de réserves) et de la Libye (1500 milliards de mètres cubes gazeux exploités à peine à 10% misant sur le pétrole 42 milliards de barils de réserves d'où les convoitises déstabilisant ce pays). La concurrence russe Le plus grand concurrent de l'Algérie sera la Russie, avec des coûts bas où la capacité du South Stream de 63 milliards de mètres cubes gazeux, du North Stream 1 de 55 et du North Stream 2 de 55 milliards de mètres cubes gazeux, ce dernier d'un coût de 11 milliards de dollars étant bloqué actuellement, soit au total 173 milliards de mètres cubes gazeux en direction de l'Europe (Conférence/débats du professeur Abderrahmane Mebtoul, à l'invitation de la Fondation allemande Friedrich Ebert et de l'Union européenne 31 mars 2021). Cinquièmement, le pouvoir nigérian doit éclairer une fois pour toute ses intentions, soit l'Algérie, soit le Maroc puisque le Nigeria a conclu des accords également avec le Maroc pour le gazoduc en mai 2017, une étude de faisabilité terminée en Juillet 2018 ainsi qu'une pré-étude des détails (FeeD) réalisée au 1er trimestre 2019 avec pour but de connecter les ressources gazières nigérianes à différents pays africains, deux gazoducs existent déjà dans la zone Afrique du Nord-Ouest, le «West African Gas Pipeline», qui relie le Nigeria au Ghana, en passant par le Bénin et le Togo, et le gazoduc Maghreb-Europe que l'Algérie a décidé d'abandonner depuis fin 2021, qui relie l'Algérie à l'Europe via l'Espagne (Cordoue) en passant par le détroit de Gibraltar et le Maroc. Le coût est estimé par l'Iris entre 25/30 milliards de dollars, 5 et 10 milliards de dollars de plus que celui passant par l'Algérie dont la durée de réalisation est de 8 ans. Ce gazoduc devrait mesurer environ 5 660 kilomètres de long, longeant la côte Ouest africaine en traversant ainsi 14 pays: Nigeria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Liberia, Sierra Leone, les trois Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc. Des négociations ont eu lieu avec les Etats traversés et la Cédéao afin de valider les volumes de gaz disponibles pour l'Europe et d'entamer les discussions avec les opérateurs du champ «Tortue» (ressources gazières) au large du Sénégal et de la Mauritanie, ces deux pays ont signé un accord en décembre 2018 afin d'exploiter en commun le champ gazier Tortue-Ahmeyim et approcher des clients européens. Le grand défi du XXIème siècle est la maîtrise du temps, toute nation qui n'avance pas, recule forcément d'où l'importance d'objectifs stratégiques précis, les tactiques pour paraphraser les militaires devant s'inscrire au sein de la fonction stratégique. La position ambivalente du Nigeria ne permet pas d'avoir une vision claire. C'est que ce projet influe sur toute la future politique énergétique que l'Algérie doit mettre en oeuvre, tenant compte de neuf facteurs interdépendants largement influencés par la nouvelle trajectoire de l'économie mondiale, le montant du financement et le couple coût/évolution du prix au niveau international, pouvant découvrir des milliers de gisements, mais non rentables financièrement. La position de l'Europe vis-à-vis de ce projet, ne montre pour l'instant aucune prise de position officielle étant le principal client et sans une partie de son financement et son accord, ce projet ne peut se réaliser. L'Iran, l'autre géant... L'entrée est annoncée certainement, du gazoduc North Stream 2 d'une capacité de 55 milliards de mètres cubes gazeux. Le gazoduc reliant Israël à l'Europe devrait être opérationnel en 2025 d'une capacité supérieure à 10 milliards de mètres cubes gazeux. L'exploitation des immense réserves en Méditerranée, plus de 19.000 milliards de mètres cubes gazeux, explique les tensions régionales. La concurrence du pétrole, gaz de schiste américain, ainsi que du Qatar et de la prochaine entrée de l'Iran deuxième réservoir mondial à travers les GNL, ainsi que le rythme entre 2022-2030 de la transition énergétique en Europe permettent entre 30-50% des économies de consommation de l'énergie traditionnelle. Sur le plan intérieur, est évoquée l'exploitation, sous réserve de la protection de l'environnement et des nappes phréatiques du Sud, du troisième réservoir mondial du gaz de schiste en Algérie d'environ 19.000 milliards de mètres cubes gazeux. La forte consommation intérieure dépassera largement selon le ministère de l'Energie les exportations actuelles horizon 2030 de gaz et de pétrole, rendant urgent à la fois l'accélération du développement des énergies renouvelables et de revoir la politique des subventions.