Les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali, en Guinée et au Burkina Faso ont tous ouvert une «transition» avec des objectifs très élevés, mais aucun n'a dissipé le doute sur sa volonté ou sa capacité à rendre vite aux civils la direction de leur pays en crise. Les quatre coups d'Etat qu'a connus la région depuis 2020 ont appelé des réponses différentes de la part de la communauté internationale et, en première ligne, de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), dont les trois pays sont membres et qui se devait se réunir à nouveau hier sur le Mali. Dans ce pays, le 18 août 2020, un groupe d'officiers, dont à leur tête le colonel Assimi Goïta, écarte le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), très contesté après des mois de manifestations attisées par la propagation des violences depuis 2012, le marasme économique et la corruption. Puis, le 24 mai 2021, le colonel Goïta fait arrêter le président et le Premier ministre «de transition» dont les décisions ont provoqué un mécontentement grandissant de la population. Le colonel Goïta est alors nommé président de la transition, à son tour. En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Mamady Doumbouya, à la tête des forces spéciales du pays, place en résidence surveillée le président Alpha Condé, dont les deux dernières années ont été agitées par les protestations durement réprimées contre son troisième mandat. Le colonel Doumbouya prête serment comme président de transition le 1er octobre. Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba prend le pouvoir après deux jours de mutineries, et écarte le président élu, Roch Marc Christian Kaboré, dans un contexte d'exaspération générale devant la contagion terroriste. Le lieutenant-colonel Damiba prête serment le 16 février. Les nouveaux dirigeants assurent qu'ils ne sont pas là pour rester. Ils promettent une «refondation» de leur Etat. Ils font rédiger une «charte de la transition», sorte d'acte fondamental d'une période censée rester transitoire. Ils installent un Premier ministre, un gouvernement, un organe tenant lieu de Parlement non élu, tous étroitement contrôlés. Au Mali et en Guinée, les militaires s'engagent à rendre le pouvoir à des civils après des élections. Sous la pression de la Cédéao, les responsables de la transition maliens fixent d'abord des élections à février 2022. Fin 2021, ils se rétractent et parlent de rester jusqu'à cinq années. Ils ont signifié récemment être prêts à ramener leurs prétentions à deux années de plus au lieu de cinq. En Guinée, le colonel Doumbouya assure que le calendrier sera fixé par un Conseil national (CNT) faisant office d'organe législatif. Mais il refuse de se laisser dicter un délai par la Cédéao ou quiconque. Au Burkina, la charte signée par le lieutenant-colonel Damiba instaure une période de transition de trois ans avant un retour à «l'ordre constitutionnel». La réponse de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), elle, varie. Ses voies sont difficilement pénétrables et les facteurs dictant sa conduite sont supposés aller de la bonne ou la mauvaise volonté de ses interlocuteurs putschistes, aux enseignements tirés de 18 mois d'expérience du fait accompli, en passant par les contextes locaux et internationaux, ses propres dynamiques et les intérêts de ses membres. Des «partenaires» comme la France, les Etats-Unis ou l'Union européenne se sont alignés derrière la Cédéao. Gels des avoirs financiers et interdiction de voyager pour environ 150 personnalités liées aux militaires de l'autorité de transition depuis le 7 novembre 2021, puis fermeture des frontières, embargo financier et commercial hors produits de première nécessité, gel des avoirs de l'Etat malien dans les banques des pays membres depuis le 9 janvier: la Cédéao a lourdement sanctionné la transgression par les colonels maliens de leur engagement initial. Pour la Guinée, elle est suspendue de toutes les instances de la Cédéao, qui a aussi annoncé le gel des avoirs financiers des membres de la junte et de leurs familles. Ils ont l'interdiction de voyager au sein de la Cédéao. Quant au Burkina, la Cédéao s'est contentée jusqu'alors de le suspendre de ses instances.