En attendant de mettre en place des stratégies efficaces pour développer le tourisme en Algérie, faut-il d'abord penser à sauver de « la ruine » nos vestiges civilisationnels... L'année 2002 a été consacrée par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), comme celle de l'écotourisme autrement dit du tourisme écologique, un secteur qui se donne comme objectif la préservation de la nature tout en développant le tourisme dans le monde. Un programme fort ambitieux surtout lorsqu'on sait que certains de nos sites historiques et lieux naturels sont vilipendés et sont victimes de détérioration insensées. L'antique Timgad, «la» ville romaine par excellence. Il n'y en a pas deux. Une cannelure, une brisure, une blessure qui lui est propre, fait de chaque colonne un témoin personnalisé de sa mort. Une ville qu'on assassine encore, tant qu'on ne prend véritablement pas soin d'elle. Un guide compétent, dit-on, peut facilement intéresser, durant trois heures d'horloge, les visiteurs curieux de toutes les richesses de Timgad avec ses thermes ou édifices de l'époque chrétienne, la porte de Trajan, la bibliothèque de plan semi-circulaire, le fort byzantin, l'Arc de Trajan... La somptuosité des mosaïques retrouvées suffit à dépeindre l'aisance, le raffinement, voire le luxe qui régnèrent ici, jadis, le théâtre enfin remarquable belvédère, surtout lorsque le soleil couchant vient allonger démesurément l'ombre des centaines de colonnes, un théâtre qui sert aujourd'hui, l'espace d'un été, de défouloir pour jeunes en mal de culture. Tout cela est délaissé, mal entretenu, pis encore, exposés à des pillages sans précédent. Jusqu'à quand? Sommes-nous réellement conscients du danger qui plane sur notre patrimoine culturel et, partant, de la nécessité de le préserver pour la pérennité de notre mémoire collective. En préparation du grand sommet mondial sur l'écotourisme qui se tiendra en mai prochain au Québec, a eu lieu, la semaine dernière à l'hôtel El-Aurassi durant trois jours, un séminaire portant sur l'écotourisme notamment dans les zones désertiques comme Timimoun, l'Askram... Ce séminaire intervient quelques jours après la visite à Batna de la délégation des ministres conseillers des ambassades de six pays membres de l'Union européenne (Espagne, France, Allemagne, Autriche, Danemark et Suède). Cette délégation a fait, dimanche dernier, une longue halte sur le site archéologique de la ville romaine Timgad, et ce, au deuxième jour de sa tournée à l'est du pays. Cette dernière a été entamée samedi à Constantine, dans un cadre de sensibilisation sur les horizons de coopération ouverts dans la perspective proche de ratification de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne. Selon M.Eduardo Lopez Busquets, ministre conseiller à l'ambassade d'Espagne, pays qui préside actuellement l'Union européenne, «la perspective de la relance des fouilles à Timgad, classé patrimoine mondial et dont un quart seulement est exhumé, constitue un espace de coopération idéal». C'est dire l'importance et l'intérêt qu'accordent ces pays aux découvertes archéologiques. De ces fouilles, naîtrant probablement des trésors inestimables, symboles de notre richesse historique et qu'on espère voir orner admirablement nos musées et non pas ceux d'ailleurs... Outre la ville de Batna, cette délégation de diplomates avait visité le Mausolée numide de Medghassene, construit il y a 23 siècles sur un site distant de 35 km de la ville. Un monument à conserver absolument tout comme le parc du Tassili de l'Ahaggar, l'un des plus grands au monde car s'étendant sur 80 kilomètres. Très riche de par sa particularité : les peintures rupestres qui habillent ses murs. Ce site a fait l'objet lundi dernier, d'une conférence à l'hôtel Sheraton animée par l'ancien directeur du parc, M.Sid Ahmed Kerzabi. Ce dernier a tiré la sonnette d'alarme quant à l'urgence de le préserver. Une voix qui s'élève et qui, espérons-le, sera entendue. Car pour développer le tourisme en Algérie encore faut-il d'abord protéger nos ressources naturelles. «Ceci est l'un des avantages de l'écotourisme», affirme M.Eugenio Yunis, directeur du développement durable du tourisme à l'OMT. Autre avantage fourni par cette agence de coopération technique des Nations unies, «le développement économique au profit des populations locales. D'abord par la visite de touristes, le paiement d'un droit d'entrée dans des sites protégés, des parcs nationaux notamment que l'on protège ensuite par la création d'entreprises et d'établissements ou petites entreprises qui seront gérés par les communautés locales qui seront les hôtes des touristes au lieu de grandes infrastructures qui demandent des investissements énormes et qui profitent surtout aux opérateurs étrangers», indique M.Yunis. En attendant de mettre en place une stratégie de gestion pour le développement du tourisme en Algérie et voir des touristes se bousculer au portillon, il est nécessaire de penser d'abord à sauver ce qui reste de nos vestiges civilisationnels. Ces derniers sont les «empreintes» de notre culture.