La junte militaire au Tchad a levé, dimanche, le siège d'un parti de l'opposition qui boycotte un dialogue de réconciliation nationale et a annoncé la remise en liberté de dizaines de ses militants arrêtés depuis quatre jours. Le siège du parti Les Transformateurs à N'Djamena était encerclé par la police et l'armée depuis jeudi et au moins 84 de ses jeunes militants selon la police -279 selon le mouvement- avaient été arrêtés depuis quatre jours pour «manifestation interdite et trouble à l'ordre public». ««Toutes les personnes arrêtées ont été libérées, ce soir, et regagneront leur domicile, demain matin, pour des raisons de sécurité et le siège du domicile de Succès Masra (le président des Transformateurs, NDLR) a été levé», a annoncé par téléphone le ministre de la Sécurité publique, Idriss Dokoni Adiker, tard dans la soirée. Le domicile du jeune leader de l'opposition est également le siège de son parti. La levée du siège et le retour promis lundi matin des militants arrêtés ont été confirmés par Masra Ndolombaye, vice-président des Transformateurs, parti membre d'une coalition regroupant la majorité des mouvements de l'opposition et des organisations de la société civile. Cette coalition, Wakit Tamma, est opposée aux militaires au pouvoir et boycotte le Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) lancé, il y a deux semaines, par le chef de la junte, le général Mahamat Idriss Déby Itno, autoproclamé président. Ce jeune officier de 38 ans avait pris le pouvoir à la tête d'un Conseil militaire de 15 généraux le 20 avril 2021 à l'annonce de la mort de son père, le président Idriss Déby Itno, tué en se rendant au front contre la rébellion après 30 années d'un pouvoir très autoritaire et sans partage. Après avoir limogé le gouvernement, dissous le Parlement et abrogé la Constitution, le nouvel homme fort avait promis aux Tchadiens et à la communauté internationale de rendre le pouvoir aux civils par des «élections libres et démocratiques» après une transition de 18 mois, renouvelable une fois, et un dialogue de réconciliation nationale. Les travaux du DNIS, lancé laborieusement 16 mois après cette promesse, ont été une nouvelle fois suspendus samedi jusqu'à lundi, à 15 jours de sa clôture prévue. Outre la grande majorité de l'opposition politique, nombre d'organisations de la société civile et d'ordres professionnels le boycottent ou s'en sont retirés peu après l'ouverture. Ce forum regroupant pour l'heure quelque 1 400 délégués a peu de chances de déboucher sur une véritable réconciliation nationale en l'état car il est également boycotté par deux des trois mouvements rebelles armés les plus puissants. Ils ont refusé de signer à Doha le 8 août un accord de paix préalablement conclu entre la junte et une quarantaine de groupes armés sur une cinquantaine. Depuis son indépendance de la France en 1960, l'histoire du Tchad est pavée de coups d'Etat et tentatives d'offensives rebelles. Fortement engagée aux côtés de la France et de sa force Barkhane dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, notamment dans la région du lac Tchad où sévissent les groupes terroristes Boko Haram et Iswap venus du Nigeria voisin, l'armée tchadienne garde la mainmise sur les affaires politiques et économiques du pays tout en affrontant épisodiquement les assauts des groupes rebelles réfugiés dans le sud libyen devenu un no man's land depuis la chute du régime de Maamar El Gueddhafi en 2011.