Le dialogue national au Tchad, qui s'est ouvert, hier, pour une durée de trois semaines après plusieurs reports, est un «moment décisif pour l'histoire de notre pays», a déclaré le chef de la junte au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Itno. «Ce dialogue national inclusif est un moment décisif pour notre pays», a-t-il affirmé lors de la cérémonie d'ouverture. Arrivé au pouvoir en avril 2021 à la tête d'un Conseil militaire de transition (CMT) après la mort de son père Idriss Déby, qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant 30 ans, il avait promis d'organiser un dialogue avec l'opposition pour permettre le retour du pouvoir aux civils, dans un délai de 18 mois, renouvelable une fois. Ce dialogue doit «tracer les voies d'un nouveau départ», a poursuivi Mahamat Idriss Déby. Le dialogue national inclusif entre l'opposition civile et armée et la junte au pouvoir, plusieurs fois reporté, a pour objectif de «tourner la page» de la transition et permettre d'organiser des «élections libres et démocratiques». Quelque 1400 délégués, membres de syndicats, de partis politiques et du CMT, seront réunis pendant 21 jours au Palais du 15 janvier, au coeur de la capitale N'Djamena, pour discuter de la réforme des institutions et d'une nouvelle Constitution, qui sera ensuite soumise à référendum. Les questions de la paix et des libertés fondamentales seront également évoquées. Les délégués se réuniront en différentes commissions. Le SG de l'ONU Antonio Guterres a salué une «opportunité historique de poser de nouvelles fondations pour la stabilité» du pays, appelant les groupes non signataires de l'accord de Doha, à rejoindre le dialogue. Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, devait également s'exprimer dès l'ouverture du dialogue. Ce DNI, qui devait initialement se tenir en février avant d'être plusieurs fois repoussé, s'ouvre moins de deux semaines après la signature, à Doha, d'un accord entre la junte et une quarantaine de groupes rebelles. Ce pré-dialogue avec certains groupes armés qui avaient combattu le régime d'Idriss Déby pendant des années prévoit, notamment un «cessez-le-feu». L'accord signé le 8 août permet aux rebelles de participer au dialogue. «Nous avons signé cet accord pour rebâtir le Tchad», a affirmé Timan Erdimi, neveu rebelle d'Idriss Deby Itno et chef de l'Union des forces de la résistance (UFR), revenu jeudi à N'Djamena après plusieurs années d'exil pour participer au dialogue tout comme Mahamat Nouri, chef de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD). Le Tchad, officiellement indépendant de la France depuis 1960, a connu durant son histoire de nombreux coups d'Etat et tentatives. «Ce dialogue doit nous permettre de mettre définitivement le recours aux armes derrière nous», a affirmé Abderamane Koulamallah, porte-parole du gouvernement. Selon un décret signé mercredi par le chef de la junte, Mahamat Idriss Déby, ce DNI aura un caractère «souverain» et ses décisions seront «exécutoires». «Le président du Conseil militaire de transition, président de la République, chef de l'Etat, en est le garant», précise le décret. Or le Front pour l'alternance et la concorde (FACT), l'un des principaux groupes rebelles à l'origine de l'offensive qui a coûté la vie à Idriss Déby, n'a pas signé l'accord de Doha et ne participera pas au dialogue, le considérant «biaisé d'avance». Wakit Tamma, une coalition de partis d'opposition et de membres de la société civile, a également refusé de participer au dialogue, accusant la junte de perpétuer des «violations des droits humains» et de préparer une candidature à la présidentielle du général Déby, qui s'était engagé, au début de la transition, à ne pas se présenter. De son côté, Succès Masra, un opposant à la junte à la tête du parti Les Transformateurs, qui est membre de Wakit Tamma, a appelé, hier, à la résistance civile et à des manifestations lors d'un meeting au siège de son parti à N'Djamena, devant plusieurs centaines de ses partisans entourés d'une forte présence policière. Mahamat Idriss Déby a dû donner des gages à la communauté internationale à qui il a promis de rendre, sous 18 mois, le pouvoir aux civils, et de ne pas se présenter aux futures élections. Mais le chef de la junte a porté en juin 2021 un premier coup de canif à ses promesses, en envisageant une prolongation de 18 mois de la transition et en remettant son «destin» à «Dieu» sur une éventuelle candidature à la présidentielle.