Le 61e anniversaire des manifestations du 17 octobre 1961 a été caractérisé par une certaine sobriété, mais résolument dans la continuité de la célébration de l'année précédente qui a vu une commémoration très officielle de la part des plus hautes autorités du pays. Hier, l'ensemble des Algériens étaient invités à une minute de silence à la mémoire des victimes du massacre commis par la police française contre les Algériens de l'émigration qui, le 17 octobre 1961 étaient sortis manifester pacifiquement contre l'imposition par le préfet de Paris, Maurice Papon, d'un couvre-feu raciste dirigé spécifiquement contre la communauté algérienne. Outre cette minute de silence qui relie la nation à son Histoire et, notamment à celle de l'émigration, le président de la République a adressé un message à la nation où il conjugue intentionnellement l'Histoire au passé et au futur. Affirmant que les massacres du 17 octobre 1961 sont «une de ces haltes de fidélité à notre glorieuse mémoire», le chef de l'Etat souligne dans la même phrase que cette manifestation pacifique et les massacres dont étaient victimes des Algériens, constituent une importante séquence de l'Histoire de la révolution d'indépendance qui «nous interpellent à adhérer au projet du renouveau national». Le cap est donc tracé, à savoir que le passé doit servir l'avenir et non le contraire. Cela donne à l'Histoire une fonction dynamique et le président de la République en fait un acte politique assumé. Il relèvera dans son message que le «projet du renouveau national» est censé orienter les Algériens «mus par une profonde conviction, vers l'avenir pour gagner l'enjeu de l'édification d'une économie nationale prometteuse». L'allusion à l'appui sur le passé pour consolider le présent et construire un avenir pérenne est on ne peut plus évidente. Dans le propos du chef de l'Etat, il ne semble pas y avoir le moindre quiproquo quant à la fonction d'un passé glorieux. Il doit servir à «réaliser le développement durable qui place le citoyen au coeur de ses actions dans tous les aspects de la vie». L'on n'est pas dans une lutte entre le passé et le futur, mais dans une logique de continuation. Le président de la République n'accorde pas une primauté à l'avenir. «En cette journée nationale de l'émigration commémorant les manifestations du 17 octobre 1961, nous nous remémorons les tragédies et les massacres odieux commis, il y a 60 ans, par le colonisateur inique contre les émigrés algériens», écrit le Président, mettant le système colonial devant ses responsabilités historiques. Il n'est donc pas question de nuancer l'Histoire qu'il faudra voir avec lucidité et fierté. Et pour cause, le président Tebboune fait remarquer que les centaines de victimes des massacres du 17 octobre 1961 «ont affirmé par leurs positions, à travers le temps, que leur émigration ne représentait nullement un éloignement de leur patrie, ni des souffrances ou des espoirs de leurs compatriotes». Un seul peuple donc qui s'est exprimé avec la même détermination pour l'indépendance de sa nation qu'il édifiera. Raison pour laquelle, d'ailleurs, Abdelmadjid Tebboune estime dans son message que «notre diaspora est, évidemment, concernée en cette phase où nous nous attelons à l'édification de l'Etat des institutions et de droit, et relevons les défis de la construction de l'Algérie nouvelle». Tous concernés donc par l'oeuvre historique de donner au peuple l'Etat qu'il mérite. Et l'émigration est «appelée à intensifier sa contribution à l'effort national, d'autant que la révision de la Constitution lui a permis d'adhérer à la dynamique socio-économique enclenchée dans l'Algérie nouvelle», souligne le chef de l'Etat. Le pays «mise sur le potentiel de ses enfants, aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur, une Algérie forte, prospère, altière et ouverte sur le monde», poursuit le message du Président. Et de conclure: «En cette journée où nous commémorons une étape phare de l'Histoire de notre glorieuse Révolution, nous nous recueillons à la mémoire des victimes de ce sinistre jour, et à celle de nos vaillants chouhada qui ont fait la gloire de la nation et hissé la bannière de la dignité et de la liberté dans un pays destiné à demeurer grand.»