La communauté internationale et la population éthiopienne ont salué avec prudence jeudi l'accord signé la veille entre le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités rebelles du Tigré pour mettre fin à la guerre très meurtrière qui ravage le nord de l'Ethiopie. L'accord a été conclu moins de 48 heures avant le triste deuxième anniversaire du déclenchement du conflit, après neuf jours de discussions sous l'égide de l'Union africaine à Pretoria. Le texte n'a pas été rendu public mais les deux parties ont indiqué dans une déclaration commune s'être notamment engagées à cesser immédiatement les hostilités, au désarmement des forces rebelles, à permettre la reprise de l'acheminement de l'aide humanitaire vers le Tigré et le rétablissement des services de base (électricité, télécommunications, banques...) dont la région est privée depuis plus d'un an. Il ne précise pas les modalités du désarmement et laisse de nombreux points en suspens, comme la présence sur le sol éthiopien de l'armée de l'Erythrée voisine qui a apporté une aide cruciale au Tigré à l'armée éthiopienne. Asmara n'a pas été invité aux pourparlers. Jeudi, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a de son côté assuré avoir obtenu à Pretoria «100%» de ce que son gouvernement réclamait. «Dans les négociations en Afrique du Sud, 100% des idées proposées par l'Ethiopie ont été acceptées», a-t-il déclaré devant une foule de partisans à Arba Minch, dans le sud du pays.»Parmi les victoires obtenues (dans l'accord), la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ethiopie ont été acceptées par les deux parties», a-t-il souligné, ainsi que le principe d'une «seule force armée dans un pays donné». Dans les rues de la capitale éthiopienne Addis- Abeba, la population a de son côté accueilli avec prudence cet accord de paix au lendemain de sa signature. Dès sa signature, le médiateur en chef de l'UA, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo a averti: «Ce moment n'est pas la fin du processus de paix, mais son début. La mise en oeuvre de l'accord de paix signé aujourd'hui est essentiel». Londres a «applaudi le choix de la paix» tandis que la France a salué jeudi «la sagesse et le courage» des belligérants, y voyant une «première étape importante en vue d'un cessez-le-feu durable». Washington, dont l'envoyé spécial pour la Corne de l'Afrique Mike Hammer était présent à Pretoria, a salué une «importante étape pour la paix», mais le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres a «exhorté» les parties à «poursuivre les négociations sur les questions en suspens (...) pour parvenir à un règlement politique durable» et «remettre le pays sur la voie de la paix». Le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU Volker Türk a souligné jeudi une «étape encourageante», tout en demandant des «réparations pour les victimes». La presse n'a pas accès au Tigré et les communications y fonctionnent de façon aléatoire. Le bilan du conflit, marqué par d'innombrables exactions et qui se déroule largement à huis clos, est inconnu, mais l'International Crisis Group (ICG) et Amnesty international (AI) le décrivent comme «un des plus meurtriers au monde». Le conflit a commencé le 4 novembre 2020 quand Abiy Ahmed a envoyé l'armée fédérale arrêter les dirigeants de l'exécutif du Tigré qui contestaient son autorité depuis plusieurs mois et qu'il accusait d'avoir attaqué une base militaire fédérale. La guerre a provoqué une catastrophe humanitaire, déplaçant plus de deux millions de personnes et plongeant des centaines de milliers d'autres dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.