Voilà plus de deux ans que la Tunisie traverse une crise économique et financière, exacerbée par les répercussions de la pandémie de coronavirus. À cela s'ajoute un contexte politique agité, les récentes élections législatives n'ayant pas drainé les foules avec un taux de participation d'à peine 9% que pourrait expliquer l'appel au boycott d'un certain nombre de partis hostiles au président Kaïs Saïed et à son gouvernement. Le bras de fer qui l'oppose au camp du Front national de salut (FSN), la principale coalition d'opposition sous la conduite du mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha présidée par Rached Ghannouchi, également président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) gelée puis dissoute par le chef de l'Etat, pèse lourdement sur la scène tunisienne, y compris à l'international puisque le pays est engagé dans un processus de négociation avec le FMI pour l'obtention d'un prêt de 1,9 milliard de dollars, depuis de nombreux mois. L'affaire devait être conclue en décembre dernier, mais le conseil d'administration de l'instance a ajourné sa réunion reportée au 29 mars, après le 2e tour des législatives, alors que la Tunisie est prise à la gorge en terme de paiements et que l'UTICA lance un SOS pour une économie en danger. De plus, la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a rejeté, dans le fond et dans la forme, les exigences du FMI portant sur les réformes des entreprises publiques où des dégraissages massifs sont «attendus». Dimanche, les responsables du Front national de salut dont on imagine qu'il fait indirectement référence au Front islamique de salut tant sa composante est majoritairement puisée dans le courant similaire de celui d'Ennahdha ont tenté d'organiser une réunion publique à...Mnihla, un quartier populaire situé en périphérie de la capitale tunisienne. Mais il ne s'agit pas de n'importe quel quartier puisque le président Kaïs Saïed habitait dans cet endroit avant de déménager au lendemain de son élection pour le palais de Carthage, tout en y multipliant les visites afin de s'enquérir des attentes de ses concitoyens. Le rassemblement a drainé une maigre assistance, canalisé il est vrai par un service d'ordre conséquent dont la mission était d'empêcher des heurts. En effet, les images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des militants favorables au chef de l'Etat crier «Dégage! Traître!» et autres propos incendiaires à l'encontre des responsables du FSN déterminés à poursuivre leur sit-in contre «l'accaparement de tous les pouvoirs par Kaïs Saïed», à la suite des mesures radicales intervenues le 25 juillet 2021. «Malgré les tentatives du pouvoir d'interdire le FSN de se réunir à Mnihla, il a réussi à tenir un rassemblement public et à transmettre son message sur la lutte contre le coup d'Etat», a déclaré la coalition de partis politiques dans un communiqué, tout en dénonçant des «menaces contre le droit d'expression et de réunion». Une autre manifestation est d'ailleurs prévue le 14 janvier, jour anniversaire de la chute de l'ancien président Ben Ali mais la population est davantage préoccupée par les dures conditions de vie tributaires de pénuries des produits de base et d'une forte baisse du pouvoir d'achat, l'inflation ayant dépassé 10%, à ce jour.