Quel est leur âge, à qui appartiennent-elles, pourquoi ce gâchis? Ce sont là les quelques interrogations qui viennent à l'esprit devant ce gâchis qui ne veut pas dire son nom. Des aires de banlieues agréables à vivre, sont défigurées par des carcasses de villas somptueuses pour les unes et simples pour d'autres, en s'alignant ou plutôt en s'incrustant au sein d'un chapelet de belles demeures finies et habitées qui perlent joliment certains quartiers des hauteurs de la capitale, pour ne citer que cette ville et pour cause... Selon le directeur du Collège national des architectes, Abdelhamid Boudaoud, «quelque 65.000 carcasses de villas inachevées, si ce n'est plus, enlaidissent les quartiers résidentiels d'Alger». Confiant ces chiffres à L'Expression à l'occasion de l'éradication du bidonville de Boumezar (Bourouba), Boudaoud s'interroge sur l'âge réel de ces hideuses «bâtisses». Depuis quand ont-elles été «abandonnées» par leur promoteur-propriétaire? Probablement depuis les années 90. Elles sont là défiant les regards envieux des candidats potentiels à un simple logement, un petit «F.quelque chose», pour abriter décemment sa progéniture. Ces chiffres plutôt effarants, ne concernent hélas que la seule capitale. Pour l'ensemble du pays, ils atteignent plusieurs centaines de milliers de cas. Si d'aucuns ont effectué le trajet de la Tunisie vers notre pays par route, ils auront eu le loisir de traverser en Tunisie une région garnie de maisons individuelles «sympathiques», pour accéder d'un pas en Algérie vers un «cimetière» de carcasses meublant un chantier éternel de constructions qui s'étire à l'infini jusqu'au fin fond du pays. Avec tout respect dû à la propriété privée que garantit la Constitution, il est permis de relever que ces constructions ont été entamées souvent à coups de milliards de centimes chacune, sont une partie est indirectement composée de devises fortes supportées par l'Etat à travers les différentes opérations cumulées d'import d'intrants nécessaires à ces réalisations aussi menues soient-elles. Ne pourrait-on pas imposer aux promoteurs individuels une espèce de cahier des charges qui limiterait les dégâts en exigeant un certain délai de finition? Le législateur pourrait étudier une formule juridique préventive dans ce sens. D'après des statistiques récentes, près de 1,8 million de logements sont inhabités à travers le pays. Ces chiffres recèlent le nombre impressionnant de «carcasses» dont environ 5000 sont actuellement en vente à Alger. Elles sont proposées à la vente, moyennant 500 millions de centimes environ au niveau d'agences qui tirent les ficelles et parrainent le marché immobilier de la capitale. Elles sont mises en vente par ces nombreux bénéficiaires qui ne sont pas en mesure de terminer leur oeuvre malgré la location (et à quel prix?) des locaux qui souvent ressemblent à des hangars sans distinction urbanistique, avant de poursuivre la tâche sur les étages supérieurs...pour y loger. Car nombre d'entre eux occupent un logement ailleurs bien sûr...Bâties sur des terrains attribués il y a plus de 20 ans, par les agences foncières, les APC et les défuntes DEC, ces «carcasses» de maisons inachevées s'insèrent dans un phénomène qui a connu un essor considérable et effréné depuis 1994. Encore une fois, ce sont les coopératives immobilières qui ont bénéficié de terrains attribués par les APC et les DEC qui se sont succédé durant cette période sombre de l'histoire de l'Algérie. A ce jour, les «bénéficiaires» des terrains qui ont érigé par la suite l'ossature de la future habitation ne sont pas régularisés. Ne disposant d'aucun document notarial légal, ils décident de vendre leurs «carcasses» dont ils ont entamé les travaux de construction sur simple décision ou attestation émise par les autorités locales, sans aucune valeur juridique. En fait, se plaît-on à rappeler, les affaires de dilapidation du foncier en Algérie, dans lesquelles ont été impliqués nombre de responsables, walis, P/APC, directeurs de banque..., ne sont-elles pas liées, directement ou indirectement, à cette situation qui perdure sans guère surprendre l'opinion publique avertie. L'affaire relativement récente de l'ex-wali de Blida et tant d'autres encore révélées dans la presse, ne seraient que la partie visible de l'iceberg. L'Algérie qui a survécu au terrorisme, survivra-t-elle à la mafia du foncier et de l'immobilier? Le défi est des plus rudes, car en plus de la complexité du dossier, les acteurs impliqués dans ces malversations ont étendu leurs tentacules à tous les niveaux, surtout supérieurs.