De violents combats se poursuivent au Soudan, au mépris d'une trêve qui s'achevait hier à minuit, alors que le Soudan du Sud assure avoir négocié une prolongation du cessez-le-feu de sept jours. Un témoin rapporte des «bruits d'affrontements et d'explosions autour du siège de la télévision publique», à Khartoum. «Des avions militaires survolent» la capitale. L'armée et les paramilitaires s'accusent d'ignorer la trêve sans cesse violée. Elle permet surtout des évacuations sécurisées de civils et la poursuite de négociations indirectes à l'étranger. À 850 km à l'est de Khartoum, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU est arrivé à Port-Soudan, ville côtière épargnée par les combats. Martin Griffiths est venu «réaffirmer l'engagement de l'ONU auprès du peuple soudanais», a-t-il tweeté, alors que les premières cargaisons d'aide humanitaire arrivent au compte-gouttes dans l'un des pays les plus pauvres au monde où un habitant sur trois dépendait déjà de l'aide humanitaire avant la guerre. Le Soudan du Sud a lui annoncé «un accord de principe» sur une trêve «du 4 au 11 mai» entre le chef de l'armée, Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui se livrent une lutte acharnée depuis le 15 avril. Aucune des deux parties n'a réagi à cette annonce. Les combats, surtout à Khartoum et au Darfour (ouest), ont fait plus de 500 morts et des milliers de blessés, selon un bilan sous-estimé, et déplacé plus de 330000 personnes. Au moins, 100000 autres ont rejoint les pays voisins, selon l'ONU qui s'attend à huit fois plus de réfugiés. Selon un communiqué de l'ONU, le nombre le plus important des personnes déplacées a pris la direction de l'Egypte, avec près de 42000 réfugiés, suivie par le Tchad (30000 réfugiés), le Soudan du Sud (27000), l'Ethiopie (9000), la République centrafricaine (6000) et la Libye (550). Experts et capitales voisines craignent désormais les répercussions du conflit. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, estime que «toute la région pourrait être affectée». «Nous faisons tout notre possible pour que des discussions aient lieu», a-t-il déclaré au journal japonais The Asahi Shimbun, en marge d'une visite du Premier ministre japonais, Fumio Kishida, au Caire. Al- Sissi rappelle que son pays accueille «déjà des millions de Soudanais» et d'autres réfugiés alors qu'il fait face à «une forte inflation et à une envolée des prix des produits de première nécessité». Les Soudanais restés à Khartoum sont confrontés à d'importantes pénuries, notamment d'eau, d'électricité et de nourriture, une «catastrophe» selon l'ONU. Les étrangers continuent d'être évacués par centaines, surtout via Port-Soudan. Sur le front diplomatique, Juba n'est pas seul à la manoeuvre. L'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, affirme que les deux belligérants se sont dits prêts à «entamer des discussions techniques» pour un cessez-le-feu, probablement en Arabie saoudite. Un émissaire du général Burhane s'est rendu à Riyadh puis au Caire. L'Union africaine (UA) appelle à éviter «une action dispersée» qui empêcherait une «reprise du processus politique». Au-delà de Khartoum, l'ONU s'inquiète de la situation au Darfour-Ouest, frontalier du Tchad, où les violences ont fait une centaine de morts depuis la semaine dernière, dans une région déjà traumatisée par une guerre sanglante dans les années 2000. Les affrontements entre l'armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) pourraient pousser à la fuite plus de 800 000 personnes, a averti le HCR. Il est «très difficile de prédire ce qui va se passer», et «cela va dépendre de ce qui se passe au Soudan», a déclaré Olga Sarrado Mur, porte-parole du HCR, lors d'un point de presse régulier de l'ONU à Genève. La plupart des nouveaux arrivants au Tchad et au Soudan du Sud sont des femmes et des enfants, a ajouté l'agence onusienne basée à Genève. Par ailleurs, les agences humanitaires de l'ONU et leurs partenaires sont confrontés à un déficit de financement de 1,5 milliard de dollars américains, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). Le bureau culturel de l'Arabie saoudite à Khartoum a été attaqué par un groupe armé, a indiqué hier le royaume du Golfe, médiateur dans le conflit soudanais. La monarchie pétrolière entretient des relations avec les deux généraux rivaux. Elle a organisé l'évacuation du Soudan de plus de 5600 ressortissants saoudiens et étrangers ces trois derniers semaines. Le bâtiment du bureau culturel saoudien à Khartoum a été attaqué mardi matin par un «groupe armé» qui a «endommagé des équipements et des caméras», volé du matériel «et abîmé les systèmes (informatiques) et les serveurs» a affirmé le MAE dans un communiqué, sans nommer le groupe en question. Riyadh «condamne vivement» l'incident et «appelle à en sanctionner les auteurs», en réitérant son appel à «mettre fin à l'escalade militaire». Dimanche, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane, a rencontré un émissaire du général Burhane, et les autorités saoudiennes ont demandé la tenue d'une réunion d'urgence de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), pour hier.