La Chine relance cette semaine avec un sommet ses grands projets d'infrastructures en Asie centrale, comblant un vide laissé par la Russie, puissance régionale traditionnelle affaiblie par les sanctions liées à la guerre en Ukraine. Les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale occupent une place cruciale dans l'initiative chinoise des «Nouvelles routes de la soie», également connue sous le nom «La Ceinture et la Route». Incarné par le président chinois Xi Jinping qui l'a lancé en 2013, ce programme pharaonique entend développer, grâce à des fonds chinois, des routes, ports, chemins de fer et infrastructures à l'étranger. Pour la seule Asie centrale, la Chine affirme que son commerce avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan a atteint l'an passé les 70 milliards de dollars (64 milliards d'euros) et grimpé sur un an de 22% lors du premier trimestre 2023. Des analystes estiment que la guerre en Ukraine a encore accéléré la tendance en faveur de Pékin, certains pays s'interrogeant sur leurs liens traditionnels avec Moscou et cherchant ailleurs des garanties économiques et diplomatiques. Xi Jinping accueillera ainsi jeudi et vendredi les dirigeants des cinq pays de la région dans la ville de Xi'an (centre), ancienne extrémité orientale de la Route de la Soie, pour un sommet que la Chine a qualifié «d'extrêmement important». Il devrait être l'occasion de faire avancer certains projets d'infrastructures. Parmi eux figurent la ligne ferroviaire Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan, longtemps au point mort et d'un coût de six milliards de dollars, ou encore l'extension de l'oléoduc entre l'Asie centrale et la Chine. Lié avec elle par des frontières communes et une longue histoire, Pékin tente de jouer un rôle plus important dans la région. «L'approche de la Chine à l'égard de l'Asie centrale a été très cohérente», déclare Nargis Kassenova, directrice du programme Asie centrale au Centre Davis d'études russes et eurasiennes de Harvard. Elle cite notamment les liens anciens de Pékin avec ces nations en matière de sécurité, d'infrastructure et de développement. La guerre en Ukraine, estime Mme Kassenova, n'a fait que «pousser davantage les pays d'Asie centrale dans les bras de la Chine». Cette influence croissante de Pékin suscite toutefois des réactions diverses. En 2019, des manifestations anti-chinoises avaient éclaté au Kazakhstan, nourries par le sentiment d'une partie de la population que l'emprise chinoise était devenue trop forte. Le rapide développement chinois est souvent perçu comme un modèle dans la région, souligne-t-il. Autre source de crispation: le traitement par Pékin des Ouïghours dans le Xinjiang (nord-ouest), région chinoise longtemps frappée par des attentats attribués à des séparatistes et islamistes issus de cette minorité musulmane. La proximité culturelle et linguistique des Ouïghours avec la plupart des peuples d'Asie centrale a contribué à y alimenter un sentiment anti-chinois. Selon des analystes, la Chine est davantage populaire auprès des gouvernements d'Asie centrale - demandeurs d'investissements nécessaires au développement de leurs pays - qu'auprès de leurs populations. Si les attitudes évoluent en permanence, une récente étude citée par le groupe de réflexion londonien Royal United Services Institute (Rusi) semble montrer que les habitants d'Asie centrale conservent encore une opinion plus positive à l'égard de la Russie que de la Chine.