Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin est sorti du bois dimanche en vue de l'élection présidentielle de 2027, dressant le portrait du candidat capable à ses yeux de remporter ce scrutin, pour en définitive se dépeindre lui-même. Dans des confidences au journal Le Figaro, il donne le ton de «sa rentrée politique» prévue le 27 août à Tourcoing - son fief dans le nord de la France - axée sur «les classes populaires» délaissées, selon lui, par les partis politiques. «Ce qui m'intéresse, ce n'est plus de regarder ce qu'il s'est passé en 2017 et 2022 (en référence aux deux précédents scrutins présidentiels). Ce qui m'inquiète maintenant, c'est ce qui se passera en 2027», dit-il au quotidien. Gérald Darmanin nourrit l'ambition de rassembler la droite et d'être capable de battre Marine Le Pen, cheffe de l'extrême droite française, en 2027, le président sortant, le centriste Emmanuel Macron, ne pouvant briguer un troisième mandat consécutif. «Il ne faudrait pas que l'on remette notre avenir entre les mains de la technique et des techniciens en utilisant des mots que les Français ne comprennent pas toujours. On doit parler avec le coeur, pas avec des statistiques», estime-t-il. Il veut se forger l'image de l'anti-technocrate. Pour cela, il se targue d'être le fils d'un tenancier de bar à Valenciennes, dans le nord industriel, et d'une concierge à la banque de France qui complétait ses revenus en faisant des ménages. Il n'est pas sorti de l'ENA, la pépinière des hauts fonctionnaires aisément reconnaissables à leurs éléments de langage mais dont les propos et l'attitude agacent souvent «ceux d'en bas». Il a gravi les échelons du pouvoir par l'action politique, à droite au parti RPR, puis UMP, puis chez les Républicains (LR), avant de rejoindre Emmanuel Macron. Pour se mettre en avant, il n'a jamais hésité à s'en prendre verbalement à la «caste» qui dirige le pays et même violemment à Emmanuel Macron avant de le rejoindre. Dans une tribune en janvier 2017 il voyait en lui «le pur produit du système, des beaux quartiers, de belles études, belle fortune, belles relations». Positionné très à droite de Macron, M. Darmanin s'est attiré ces dernières années les foudres de la gauche pour ses positions dures sur l'immigration, pour ses propos clivants dénonçant un «écoterrorisme», un «islamo-gauchisme» à l'université, ou son soutien indéfectible aux forces de police de plus en plus visées par des accusations de racisme et de violences. Fin juin, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd) s'est dit profondément préoccupé par «la pratique persistante (en France) du profilage racial combinée à l'usage excessif de la force dans l'application de la loi, en particulier par la police, contre les membres de groupes minoritaires, notamment les personnes d'origine africaine et arabe». La France a été plusieurs fois épinglée ces dernières années pour des atteintes aux droits des demandeurs d'asile, réfugiés et migrants sur son territoire. Après avoir fait campagne en vain pour remplacer en juillet Elisabeth Borne à Matignon, M. Darmanin considère que «si la réponse du prochain candidat à la présidentielle (de la majorité) est de s'en remettre aux jurisprudences et aux marchés internationaux, alors il actera que la volonté politique n'est plus que chez les extrêmes». «On perdra l'élection et Marine Le Pen sera élue», ajoute-t-il. Il dit penser «que c'est la question sociale qui est la plus importante». «Après six ans au gouvernement, je suis heureux de répondre à l'appel de mes amis qui me pressent d'affirmer un peu plus la boussole populaire que je propose», fait valoir Gérald Darmanin pour expliquer l'organisation de sa réunion à Tourcoing où environ 400 personnes sont attendues dont 90 parlementaires et des ministres. Outre ses responsabilités locales, notamment comme maire de Tourcoing, il a été durant trois ans ministre de l'Action et des Comptes publics avant de devenir ministre de l'Intérieur. En 2017, M. Darmanin a été visé par une plainte pour viol. Un non-lieu a été rendu en sa faveur en 2022, confirmé en janvier 2023, déblayant un peu plus son horizon politique. Moins de trois ans avant l'échéance présidentielle, la classe politique bouillonne déjà en l'absence de dauphin désigné jusqu'à présent et Gérald Darmanin doit faire face à une forte concurrence. Dans une partie de la mouvance présidentielle et à droite, le ministre de l'Economie Bruno le Maire, l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, l'ancien ministre Xavier Bertrand, le président LR de la région Auvergne-Rhône Alpes Laurent Wauquiez ou encore le patron du MoDem François Bayrou sont régulièrement cités comme pouvant être tentés. Gérald Darmanin affirme que son 27 août aura «une suite». Au Figaro qui lui demande s'il s'agit d'un «coup d'éclat», il répond: «Un coup d'éclat, cela voudrait dire qu'il n'y aurait pas de suite à ce rendez-vous, alors qu'il y en aura évidemment une».