La Corée du Sud organisait hier à Séoul son premier grand défilé militaire depuis dix ans avec une participation américaine inédite, une démonstration de force au moment où les tensions avec son voisin du Nord sont à leur comble. Quelque 6.700 soldats et des centaines de blindés et d'avions, y compris des chasseurs furtifs dernier cri F-35A, doivent participer à cette parade, selon le ministère de la Défense. La pluie qui tombait mardi matin sur Séoul menaçait cependant de gâcher la fête. Fait sans précédent: environ 300 soldats d'une unité de combat américaine doivent défiler dans le centre de la capitale avec leurs camarades sud-coréens, illustrant la consolidation de l'alliance militaire entre Séoul et Washington face à la menace nucléaire nord-coréenne. Traditionnellement, un défilé militaire avait lieu à Séoul tous les cinq ans pour le Jour des forces armées. Le dernier s'était tenu en 2013, mais l'édition 2018 avait été remplacée par une cérémonie plus sobre par le président de gauche de l'époque, Moon Jae-in, qui tentait une politique de rapprochement avec Pyongyang. La Corée du Sud est maintenant dirigée par Yoon Suk Yeol, un conservateur prônant la fermeté à l'égard de la Corée du Nord. Depuis son arrivée à la présidence en mai 2022, la Corée du Sud a intensifié sa coopération militaire avec les Etats-Unis et le Japon, organisant des manoeuvres conjointes d'une ampleur inédite. Hier, l'armée de l'air sud-coréenne devait également faire voler dans le ciel de Séoul le KF-21, le premier avion de combat produit par le pays, ainsi que des hélicoptères légers et des drones de dernière génération, selon le ministère. Avec ce défilé, M. Yoon entend «renforcer le sentiment de sécurité des Sud-Coréens, tout en adressant un ferme avertissement au régime nord-coréen», estime Ahn Chan-il, un transfuge qui dirige l'Institut mondial d'études sur la Corée du Nord. Ainsi, au cours de l'événement, «plus de 200 des meilleurs soldats de Corée du Sud et des Etats-Unis» doivent effectuer des «largages tactiques de la même manière qu'une véritable infiltration aérienne», et «des démonstrations de plusieurs techniques de pénétration», a annoncé le ministère de la Défense. Selon les experts, l'armée de l'air est le maillon faible des forces nord-coréennes. Pyongyang réagit d'ailleurs avec une virulence particulière quand Séoul et Washington réalisent des exercices aériens conjoints. Le défilé constitue également une vitrine pour «présenter les nouvelles armes sud-coréennes qui sont en vente», explique Chun In-bum, un général à la retraite. La Corée du Sud est un exportateur majeur d'armement. En 2022, les ventes d'armes ont rapporté au pays 17,3 milliards de dollars, dont 12,7 milliards de contrats avec la Pologne, pays membre de l'Otan, notamment pour des chars K2 et des canons automoteurs K9. En vertu d'une doctrine de longue date, la Corée du Sud s'interdit de vendre des armes à des pays en guerre. Aussi, elle refuse de livrer directement des armes à Kiev, contrairement aux pays occidentaux. Mais cette politique, espèrent «les experts», pourrait changer si la Corée du Nord commence à exporter des armes et des munitions vers la Russie en échange de technologies spatiales et militaires, comme le craint Séoul. Une crainte renforcée par le récent voyage en Russie du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, qui a visité des usines d'armement et assisté à une démonstration de la flotte russe du Pacifique.