La vente du Coran dans le monde a sensiblement augmenté depuis les attentats du 11 septembre. La population non musulmane l'achèterait pour conjurer une islamophobie avérée, selon les analystes. L'explosion des ventes du Livre sacré atteste en premier lieu de la volonté des Occidentaux, notamment, de remédier à leur ignorance quasi totale de tout ce que représente la religion musulmane. Une tentative, pour ainsi dire, de comprendre les mouvements islamistes à travers le monde et de donner ensuite une version personnelle de ce qui pousse «véritablement» les intégristes de la trempe de Ben Laden à commettre des crimes aussi abominables. Les analystes notent néanmoins, qu'en pratique, «les Occidentaux, dans leur effort, s'évertuent à rechercher, dans le Coran, non pas le moyen de rejeter l'amalgame qui fait de l'Islam un équivalent de l'islamisme terroriste, mais à conforter l'idée selon laquelle la terreur est un trait intrinsèque de la religion musulmane». Aussi, ce rush sur le Coran s'accompagne souvent d'une affluence frappante sur les livres explicatifs ou de commentaire. Ces parutions, de plus en plus nombreuses et qui font vraisemblablement le bonheur des maisons d'édition, traitent, toutes, de façon étonnamment différente, de ce sujet. Elles sont, décidément, bien nombreuses les éditions qui diabolisent l'Islam, mais qui promettent, en revanche, une lecture claire et objective du Livre sacré. Sceptique, quant aux éditions écrites par les théologiens musulmans, le monde occidental fait plus confiance à ses propres analystes et se laisse souvent bercer par la seule «vérité qu'il tolère», remarque-t-on. Depuis le 11 septembre, plus particulièrement, cette vérité ressemble assurément à l'image leitmotiv de Ben Laden. Même les plus modérés et qui défendent un tant soit peu le texte de paix et d'amour que véhicule l'Islam, mettent en garde contre ce qu'ils appellent l' «islamiquement correct», seul prétexte aux attentats et autres tueries au nom de l'Islam. Ceux-là dénoncent fortement le «totalitarisme islamique», très différent, ajoutent-ils, du fondamentalisme protestant et de l'intégrisme catholique. Différence qui a trait justement au fait que l'Islam aurait une triple dimension «théocratique, conquérante et violente». Pour ce dernier trait, Alexandre del Valle, chercheur à l'Institut d'études stratégiques en France et auteur du livre Guerres contre l'Europe, explique sommairement que dans le Coran, «le combat armé est appelé le sentier d'Allah et les moujahidine tombés sont comparés à des martyrs de la foi. Le Coran, ajoute-t-il, regorge de sourate appelant à la guerre contre les juifs et les chrétiens insoumis ou les polythéistes». L'auteur reprend alors textuellement quelques extraits significatifs et indique ensuite au lecteur, pour étayer ses dires, les chapitres et les paragraphes concernés pour qu'il puisse en juger par lui-même. La vie du Prophète est, elle, souvent appelée à témoin pour confirmer et trancher définitivement que le jihad «constitue l'un des moyens d'expansion naturels, note-t-on encore, de l'Islam». Et d'expliquer, en outre, que le Coran, immuable depuis le XIe siècle, ce sont les textes réglementés et rédigés par les oulémas qui font figure de règle. Il n'en reste pas moins, selon ce même auteur, que «les causes profondes de l'échec du réformisme musulman, et donc de la résurgence islamiste, sont à rechercher dans le caractère indiscutable des textes sacrés musulmans et dans le refus, typiquement islamique, assure-t-il, de toute innovation (bidaà) théologique». Plusieurs parutions notent, dans ce sens, que le terrorisme islamiste se référant rarement au texte coranique en raison justement de son caractère immuable, s'adonnent, en revanche, librement à l'exécution de ce que certains analystes appellent le «fondement légal du terrorisme islamiste». Pour Bencheikh, notamment, imam de Marseille, il paraît clair que les hommes du GIA, à titre d'exemple, «agissent de manière très canonique» et qu'une certaine perception de la théologie offre justement à ces derniers un prétexte pour habiller, «leurs actions criminelles par une certaine canonisation». Plusieurs parutions tombent néanmoins dans la paranoïa la plus naïve et dessinent ainsi au lecteur, de façon fort caricaturale, un Islam non seulement violent, mais déterminé, tout consacré à l'exécution d'une destinée aussi fatale que cruelle. Les musulmans sont ainsi dépeints comme des individus démentiels, hallucinés et prêts à tout pour accomplir leur devoir de croyants. Ils seront alors ceux qui complotent en douce pour les pires exactions quand ils se trouvent, avertissent-ils encore, dans «dar-el-harb, la demeure de la guerre». Lieu qu'incarnent, aujourd'hui, l'Europe et les Etats-Unis plus particulièrement. Là encore, les exemples et autres argumentations ne manquent pas, étayés souvent par des versets coraniques. Que des expressions, choisies soigneusement, pour expliquer, un peu trop facilement, un phénomène qui, malheureusement dépasse, de loin, des textes écrits pour s'inscrire plutôt dans la marche macabre d'une Histoire biaisée.