Al Jazeera a déjà installé ses bureaux à Rabat (Maroc) pour diffuser «le journal du Maghreb». Les chaînes satellitaires envahissent le Maghreb. L'actualité économique, politique, et sécuritaire dans cette région intéresse les citoyens du monde. L'influence des médias lourds dans l'évolution socioculturelle d'une nation n'est plus à démontrer. La communication est une arme redoutable et un enjeu sensible de ce début du troisième millénaire. Aussi bien la guerre que la paix ne peuvent se passer de cet outil efficace. Une concurrence féroce oppose les sponsors de la nouvelle politique médiatique internationale. Pourquoi alors le Maghreb intéresse-t-il autant les magnats de l'information? Plusieurs explications apparaissent plausibles: de par sa situation géographique, le Maghreb se présente comme la porte de l'Europe et de l'Afrique. Ses richesses économiques impliquent un intérêt accru de la part des puissantes économies de la rive nord de la Méditerranée. La France, l'Espagne et l'Italie ont beaucoup d'intérêts économiques dans cette partie du monde. La présence d'une importante communauté maghrébine dans ces pays de l'Union européenne a créé des liens étroits entre les peuples de la région. Des tensions aussi sont perceptibles à l'instar des répercussions de l'immigration clandestine de masse qui prend racine du littoral maghrébin. Le tourisme, le pétrole, le gaz, le marché de consommation sont des atouts qui ne laissent pas indifférents les Etats européens qui se trouvent être bénis par cette proximité géographique qui fait l'économie des longs trajets de transport avec leurs grands frais. L'influence culturelle n'est pas en reste. La France, par exemple, tient toujours à consolider ses liens et ses attaches avec les pays de l'espace francophone. Le Maghreb étant une place forte de cette politique d'influence exercée par l'ancien colonisateur. L'Algérie a signé, ces dernières années, un rapprochement notable en direction de ce mouvement politico-culturel, étant, faut-il le rappeler, le second pays francophone après...la France. C'est ce qui explique, d'ailleurs, cette volonté de la France de s'approprier l'espace médiatique de la région en lançant deux chaînes, France 24 et CFII, en direction des populations africaines et maghrébines surtout. Pour mieux marquer sa présence dans la société algérienne, branchée depuis longtemps aux chaînes de télévision française qui sont devenues très familières aux familles algériennes, la France s'est intéressée à un projet de collaboration avec l'Algérie pour la création d'une télé algéro-française, conçue dans cette volonté de réconciliation entre les deux peuples. Une façon de sceller, peut-être, une nouvelle amitié, dictée par le souci des intérêts communs et des liens de l'histoire qui unissent les deux pays. Le directeur général n'a pas caché sa satisfaction de donner vie à ce projet qui sera «annoncé le moment venu». Après la signature du traité d'amitié entre les deux pays? On le saura le jour J. Cette course effrénée pour l'inondation du ciel du Maghreb par les images ne concerne pas uniquement nos partenaires européens mais s'étend vers les pools médiatiques en expansion dans la région du Moyen-Orient. Les chaînes satellitaires arabes lorgnent désormais du côté des populations du Maghreb. Al Jazeera a déjà installé ses bureaux à Rabat (Maroc) pour diffuser «le journal du Maghreb» et dresser les passerelles permettant de tisser un dialogue (innocent?) entre les parties du monde arabe, à savoir le Machrek et le Maghreb. On annonce déjà une émission sur le dossier lourd du Sahara occidental. Un projet audacieux qui met fin au monopole exercé dans ce domaine par les puissantes chaînes internationales anglaises et américaines qui inondent le monde entier avec des images et des discours recherchés. L'intrusion de cette chaîne, mal vue par les Américains et les Anglais, dans le monde arabo-musulman, a fait grincer bien des dents les maîtres du monde qui ne s'accommoderont pas d'une telle concurrence qui vise à piétiner des plates-bandes jusque-là chasse gardée des USA et de leurs alliés. La divulgation, il y a quelques semaines, du complot ourdi par le gouvernement britannique contre cette chaîne qatarie, lors du l'invasion de l'Irak, durant laquelle le siège de cette télévision avait été bombardé par l'aviation américaine, montre bien l'embarras causé aux alliés partis à la conquête du monde. Al Jazeera est devenue, en l'espace de quelques années, l'attraction des téléspectateurs dans le monde entier. Une réussite qui l'a propulsée au rang de puissante chaîne internationale crédible et respectée. En s'installant dans le Maghreb, Al Jazeera tient, comme a tenu à le souligner son directeur général, Waddah Khenfar, «à jeter la lumière sur la région du Maghreb, l'Afrique subsaharienne et l'Europe et mettre en avant les événements sociaux, politiques et culturels qui se déroulent au Maghreb arabe». Dans son sillage, la télévision libanaise LBC a lancé une nouvelle chaîne pour le Maghreb arabe. L'intérêt accordé par les téléspectateurs maghrébins aux chaînes qui émettent du Moyen-Orient, a donné des idées aux responsables qui espèrent récolter des dividendes, autres que matériels, de leur nouvelle politique d'envahissement médiatique. Il s'agit, bien entendu, d'un conflit de civilisations par médias interposés auquel nous sommes invités à assister tout en restant bien calfeutrés dans nos foyers à Alger, Tunis ou Casablanca. Des liens de coopération sont tissés par ces télévisions offensives avec les télés locales, comme c'est le cas des accords entre l'Entv et LBC pour la diffusion sur le Maghreb et le Machrek des deux nouvelles émissions de divertissement «Bordj El Abtal» et «Ich barari» qui sont deux adaptations des célèbres émissions françaises «Fort Bayard» et «Koh-Lanta». Comme quoi la bataille se joue déjà chez nous.