La Kabylie demeure la région la plus touchée par ce phénomène social. Le suicide constitue, aujourd'hui, un véritable problème de par les pertes humaines qu'il engendre, mais aussi des problèmes socio psychologiques qu'il reflète. Tenu secret aussi bien par les familles des victimes que par les praticiens qui reçoivent dans les hôpitaux des personnes qui se sont donné la mort ou qui ont tenté de le faire, ce phénomène prend malheureusement de plus en plus d'ampleur. Un bilan des services de la Gendarmerie nationale fait ressortir que 112 cas de suicide ont été enregistrés durant l'année 2006 avec 83 du sexe masculin et 29 du sexe féminin. Le suicide touche, selon le bilan, une importante couche de la population, notamment juvénile, poussant les spécialistes à tirer la sonnette d'alarme. Les moins de trente ans représentent 47 cas. Les suicidés viennent de différentes couches de la société, mais sont souvent des personnes sans profession avec 88 cas. Quant aux causes de suicide, elles sont multiples. Les mêmes services notent la maladie mentale, la dépression nerveuse et le problème familial. Le phénomène touche surtout les wilayas de Bouira (13 cas), Tizi Ouzou (10 cas) et Aïn Defla (7 cas). Elles sont, par ailleurs, 104 personnes qui ont tenté de se suicider. Une récente étude réalisée par la Gendarmerie nationale a fait ressortir que de 1993 jusqu'au 31 août 2005, 3709 affaires de suicide et 1423 tentatives ont été traités. Les suicides constatés concernent 2787 hommes, soit 75,08% des cas, et 924 des femmes, soit 24,91% des cas. Pour l'année 2005, les enquêteurs ont enregistré 136 suicidés dont 112, soit 82,35%, sont des hommes, et 24, soit 17,64%, sont des femmes, pour la plupart célibataires. Pour mieux expliquer ce phénomène, les spécialistes ont indiqué que l'évolution de la famille algérienne, due essentiellement aux facteurs socioéconomiques a laissé des séquelles apparentes sur la structure de la société. Les effets de ces changements ont été accentués par les affres du terrorisme qui ont profondément traumatisé la société toute entière. D'autres problèmes sociaux, tels que la crise du logement, le chômage, le vide culturel, les problèmes relationnels, les échecs scolaires, la drogue et l'oisiveté, sont venus se greffer à une situation de violence, facteurs qui ont lourdement influé sur la personnalité des individus. Caractérisé par la détresse et l'angoisse éprouvée dans une situation difficile ou dangereuse vécue, le désespoir a été constaté chez 15% des suicidés. Se basant sur une étude épidémiologique du phénomène, la Forem (Fondation pour la recherche médicale) donne, pour sa part, d'autres statistiques. Selon cette étude, entre 1995 et 2003, l'Algérie a comptabilisé 4571 suicides. Un chiffre qui n'est pas très réel en ce sens, expliquera l'étude, certains suicides n'ont jamais été déclarés du fait que ce phénomène est sujet tabou. Idem pour les tentatives de suicide (cinq fois plus importantes que l'acte lui-même) qui, hormis les cas d'absorption de barbituriques et donc d'admission à l'hôpital, le reste n'est jamais déclaré. Toujours, selon la Forem, les wilayas les plus touchées par «l'autodestruction physique» sont Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Aïn Defla, Tlemcen et Batna. Elles comptabilisent, à elles seules, près de 54% des cas.