Un roman où se mêlent les effluves de l'iode de la Méditerranée, du sang coulé, du vin, des balles et des psychotropes... C'est l'histoire de Pedro, ex-Badro, parti, à l'âge de 22 ans d'Alger, il y a 15 ans, direction, la France où il s'est installé à Lyon. Parti, brouillé avec son père. Pedro est convoyeur de marchandises, et dans son éternel camion, s'apprête à envoyer à Alger, via Marseille, une marchandise bien spéciale. «La guerre» en Algérie étant finie, les Algériens ont des besoins de «calme» et toutes sortes de psychotropes pour panser les blessures de leur âme...«99% des Algériens sont fous» ironise Chawki Amari avec un zest de vérité dans la bouche. Dans son premier roman intitulé Après-demain, se mêlent les effluves de l'iode de la Méditerranée, du sang coulé, du vin, des balles, et des pilules bleues et rouges. Après-demain est surtout une histoire à dormir «éveillé» où l'on nage d'emblée dans le doute, le flou et la myopie de la paranoïa collective, que sème la peur et ceci est, selon l'auteur, «un sport national». Dans Après-demain, il est question, d'un côté, d'un vieux colonel à la retraite, Debbouzze, attendant l'ultime assaut des terroristes, mais aussi d'un autre côté, de l'inconscience de cette jeunesse dorée algéroise qui se la coule douce et d'escapades nocturnes...Au milieu de cet espace approximatif, de «cette fameuse paix» allusion à la réconciliation nationale, Vivote Pedro, tiraillé entre un passé familial écorché et un devenir incertain...Trois histoires qui s'entremêlent, se croisent mais sans vraiment se rencontrer... l'incertitude étant l'axiome déterminant de ce roman succulent, où se mêlent dérision et sens du tragique, délire et fantaisie à profusion. De même que cette cargaison de médicaments où l'on ne sait finalement où elle atterrit exactement...Sommes-nous devenus fous? La banalisation des choses et des crimes est devenue quelque chose de «normal» fait remarquer l'auteur dans son livre. Les Algériens sont devenus des Zombies. Dans ce livre à énigme, l'on est ballotté entre les vagues d'un passé que l'on veut oublier et d'un futur insaisissable que l'on n'arrive pas encore à cerner...«Question: se demande l'auteur, Quand tu es aujourd'hui et que tu te tournes vers le passé, qu'est-ce qui est devant, hier ou après-demain?» Chawki Amari, qui est aussi géologue, journaliste-reporter, caricaturiste et illustrateur, nous plonge en fait dans un thriller. Ecriture poétique, incisive, colorée, odorante aussi bien que sensuelle, Chawki Amari parvient sans peine à nous plonger en nous-mêmes, sans prise de pilule...Dans Après-demain, l'aliénation de l'Algérie est sous-tendue par cette prostituée prénommée Nedjma, que Pedro va rencontrer à Marseille. Le seul élément vrai peut-être dans ce roman allégorique et surprenant. «Sous l'effet des psychotropes, explique Chawki, le temps se déforme, s'enroule sur lui-même, faisant des jolies bouclettes historiques...» Un hommage que l'écrivain rend à sa manière à Kateb Yacine, un autre pourfendeur et provocateur du verbe...des personnages truculents, il y en a dans ce roman. On peut citer, la belle et espiègle Fazia, Houari Dauphin, à ne pas confondre avec le chanteur. Lui, il est plutôt terroriste, un peu malgré lui, après qu'il soit jeté à la mer, et son frère policier, assassiné...délire et phantasmes s'entrechoquent et peignent la fresque de ce passionnant roman à lire «goulûment!». Un roman qui a suscité beaucoup d'interrogations, jeudi dernier, au niveau de la librairie des Beaux Arts, à l'occasion du nouveau numéro de «La Question», la sympathique rencontre littéraire, initiée par l'association culturelle Chrysalide.