A l'ouverture ce soir de la 63e Mostra de Venise, le film de l'Américain Brian de Palma Black Dahlia, un triller obsessionnel, promet du suspense et des sueurs froides. Brian de Palma, cinéaste de la génération de Scorsese et Coppola, affirme que s'il fait du cinéma, c'est à cause de Vertigo, le classique du cinéma de terreur, mis en scène par Alfred Hitchcock, qui passe et repasse sur les chaînes de télévision et dont les cinéphiles ne se font pas prier pour le revoir encore et encore… Black Dahlia (le dahlia noir) est adapté du roman de James Ellroy, auteur souvent porté à l'écran et qui a écrit un quatuor consacré à Los Angeles où il vit : Black Dahlia, L. A. confidential, White jazz, Grand nulle part. Black Dahlia est joué par de grands acteurs d'Hollywood : Scarlett Johansson, Josh Hartnett, Aaron Eckart, Hilary Swank, Maria Kirshner… Le film (tourné en partie en Bulgarie) est une histoire vraie qui s'est passée en 1947 au Leinert Park de Los Angeles, où gisait le corps d'une jeune fille de 22 ans, Betty Short, surnommée The Black Dahlia, parce qu'elle s'habillait tout le temps en noir. Deux flics, anciens champions de boxe rivaux, sont chargés de l'enquête pour trouver le meurtrier. Brian de Palma est passé déjà par plusieurs histoires du même genre dans ses mises en scène : Obsession, Femme fatale, Scarface, Phantom of the paradise, les Incorruptibles… C'est lui aussi qui a mis en scène L. A. Confidential (du même James Ellroy). Ses trillers sont des mécaniques (d'épouvante) bien huilées, sans qu'ils arrivent pourtant à la hauteur de l'indépassable génie d'Alfred Hitchcock. Cette année, la Mostra de Venise a essayé de regrouper le maximum d'œuvres (quelques centaines), d'événements, de rencontres pour signifier qu'au Lido, il n'y aura pas seulement les frivolités coutumières, les soirées super huppées de l'hôtel Excelsior mais surtout une manifestation cinématographique d'une grande vitalité, qui se déroule quasiment dans la même période que les festivals concurrents, ceux de Montréal, Toronto, Deauville… Il faut saluer l'idée d'organiser une rétrospective de l'œuvre d'un des plus grands metteurs en scène du Brésil : Joaquim Pedro de Andrade. Sans compter le programme d'archives du cinéma russe (histoire secrète du cinéma russe) avec 18 longs métrages allant de 1934 à 1974, dont les auteurs sont certainement les plus importants de toute cette période : Boris Barnet, Grigori Alcksandrov, Eldar Rjazanov, Ivan Pyrev, Pavel Arsenov… C'est la jeune cinéaste Carioca Alice de Andrade qui a restauré l'œuvre de son père Pedro de Andrade et qui a permis à la Mostra de montrer le travail avant-gardiste d'un des fondateurs du cinéma Novo. En 1969, Joaquim Pedro de Andrade a réalisé le film qui a lancé le mouvement Novo : Macunaïma, en même temps que la nouvelle vague brésilienne du « tropicalisme » qui touchera tous les arts, en particulier la musique et la chanson. J. P. de Andrade réalisera aussi un documentaire historique sur le grand footballeur Garrincha (Garrincha, Alegria do Povo) et d'autres films fiction qui sont présentés à la Mostra de Venise dans la Sala Volpi : O Padre e a Moça (le prêtre et la fille, 1965), Os Inconfidentes (les conspirateurs 1972), Guerra Conjugal (la guerre conjugale, 1975), O Homen do Pau Brasil (les hommes du bois de braise Brésil 1981). Joaquim Pedro de Andrade avait mis en chantier le projet de son film : Casa Grande e Senzala (Maître et esclaves) d'après le livre du grand anthropologue brésilien Gilberto Freire, mais il est mort avant de pouvoir le faire. Il faut rapprocher le travail de Joaquim Pedro de Andrade de ceux du groupe phare du cinéma Novo : Glanber Rocha, Nelson Péreira, Dos Santos et Rui Guerra. Des œuvres concises, directes, souvent tournées dans le Sertâo (la région déshéritée du nord-est du Brésil) où la pauvreté des paysans, la faim, la sécheresse, le chômage sont montrés en face de la richesse colossale des latifundistes, des gros propriétaires terriens. Ces films comme ceux de Pedro de Andrade sont souvent montrés à la Cinémathèque d'Alger : Deus e o Diabo na terra do sol (Dieu noir et Diable blanc), de Glauber Rocha, Vidas Secas (Sécheresse) de Nelson Péreira Dos Santos et Os Fuzis (les fusils) de Rui Guerra. La rétrospective de la Mostra cette année est d'autant plus intéressante que les films de Joaquim Pedro de Andrade sont pour la plupart inédits en Europe, même si à Cannes, à Berlin et à Venise le cinéaste et son œuvre ne sont pas inconnus. A travers l'auteur de Macunaïma, c'est aussi la littérature brésilienne et notamment le grand poète Carlos Drummond de Andrade qui sont à l'honneur. Le cinéaste puise aussi son inspiration dans la poésie. Son film O padre e a Moça (le prêtre et la jeune fille) est d'ailleurs l'adaptation fidèle d'un poème brûlant au lyrisme exacerbé écrit par Carlos Drummond de Andrade. Ce qui a donné une œuvre cinématographique éclatante, malgré les plans statiques du prêtre dans sa soutane d'inhibition.