Elle est responsable du pôle culturel au sein de cette association de l'image. Elle en est l'animatrice et la coordinatrice. Avec Suzanne Chupin, réalisatrice documentaire et cameraman, elle a été invitée récemment au Festival du film amazigh qui s'est déroulé du 11 au 15 janvier à Tlemcen. Elle a encadré un atelier d'éducation à l'image pour enfant à même de lui permettre de s'éveiller au déchiffrage de l'image et de s'emparer de l'expression par l'outil caméra. Une première expérience avec l'Algérie qu'elle espère renouveler. L'Expression: En quoi consiste le travail de votre association? Sylvie Texier: On a diffusé beaucoup de films autour de la guerre d'Algérie, sur la torture, sur le 17 Octobre 1961 à Paris, sur les harkis, les pieds-noirs. On a beaucoup travaillé sur ce thème-là. On s'est rendu compte que les enfants issus de l'émigration ne connaissent pas l'histoire de leurs parents. Moi, mon père a fait la guerre d'Algérie, il m'en a très peu parlé. On a décidé après de sortir de cette «violence» et de faire des portraits. J'ai suivi une formation dans la réalisation de documentaires. Il y a beaucoup de jeunes qui ont envie d'apprendre cela. On est parti de ces 2 mots: «Algérie» «intime» et faire des portraits de gens qui nous parleraient de leur Algérie. Cela s'est traduit par un groupe de 12 personnes entre 19 et 40 ans. On s'est mis entre groupes avec une grande solidarité entre nous- Chacun devait parler d'un personnage et de son lien avec l'Algérie. Il y a eu, par exemple, un portrait sur un habitant du quartier qui vient de Mostaganem. On a rencontré ainsi un couple de Français qui a été séparé pendant la guerre d'Algérie etc. Suzanne qui est notre intervenante réalisatrice, a fait un film sur les photos de son père qui était coopérant en Algérie, notamment au Tassili et au Hoggar. J'ai fait, moi, un film sur le grand-père de ma fille, qui est parti en France pendant la guerre d'Algérie et s'est marié avec une Française. Il n'avait jamais parlé de sa vie en Algérie. Tout cela a donné naissance à 6 courts métrages et le film parle de toutes ces personnes qui ont eu un lien avec l'Algérie. C'est comme ça, un peu, qu'on est arrivés à ce festival. Au cours d'une formation au cinéma documentaire à Paris, quelqu'un m'a parlé de ce festival. Au départ, nous avons envoyé le DVD, par la suite le directeur Hachemi Assad m'a proposé d'encadrer un atelier de l'éducation à l'image. Pour notre association, c'est le premier échange entre la France et l'Algérie. Je crois qu'il y a vraiment des projets de coopération à faire. Comment en êtes-vous arrivé à animer des ateliers de l'éducation à l'image, ici, au Festival du film amazigh à Tlemcen? Comme moi, je réfléchis à des ateliers d'éducation à l'image, le cinéma plait beaucoup aux jeunes. On est donc dans un monde d'images Internet etc, qui est derrière tout ça, les jeunes ne savent pas toujours comment cela se réalise, en gros. On propose un espace où on peut mieux comprendre comment on fait des films, comprendre le vocabulaire cinématographique et travailler sur des projets. Comment cela s'est-il concrétisé? On a essayé de faire des choses plutôt généralistes mais très concrètes. On a imposé une thématique qu'est le «rêve». Je me suis rendu compte que travailler sur une feuille blanche, parfois pour éveiller l'imagination que ce soit des enfants ou des adultes, il faut se donner des pistes de réflexion. Donc, on est parti de l'idée du rêve. Des enfants ont fait des dessins, ont écrit des textes et à partir de là ils vont filmer leur dessin, enregistrer leur voix. Ils découvrent ainsi ce qu'est une voix off. Dans un autre atelier, on est parti se promener au Fort El Mechouer et on a demandé aux gens à quoi ils rêvent ou rêvaient quand ils étaient enfants. Est-il facile d'avoir des rêves en Algérie et aussi qu'ils parlent de leurs cauchemars...A partir de tout ça. Ceci, je crois savoir, n'est qu'un pan de vos activités au sein de l'association? En effet, je ne suis pas toute seule à intervenir. Je suis servie avec Suzanne Chupin qui est réalisatrice et qui encadre avec moi des ateliers à l'association Verlin Pont-Neuf où on travaille à l'image, aussi avec Abdelatif Bouiche qui est originaire de Tlemcen. On s'est rencontré pour ce projet. Il a découvert la vidéo et la réalisation de film documentaire. Au sein de l'association, il y a 3 grandes activités: moi, je suis responsable du pôle culturel, le deuxième pôle est l'habitat, c'est le logement du foyer du jeune travailleur, où il y a 80 jeunes qui y habitent. Enfin le pôle emploi qui permet aux gens et notamment, aux jeunes qui sont au chômage, de trouver du travail, de mettre à leur disposition donc des gens qui les accompagnent dans leur quête d'emploi. Le pôle culturel s'articule autour de trois actions: la programmation de films, baptisée: ‘‘café vision'' où l'on projette des films documentaires et des films d'ateliers faits par des cinéastes amateurs, de nos ateliers et d'ailleurs. Chaque fois, il y a des débats autour des films. Des jeunes filment les soirées. Quand on a travaillé sur l'Algérie, il y en a un qui nous a fait du couscous, il y en a qui viennent chanter... Dans le cadre de «Studio image», on ne montre pas mais plutôt on fait des choses. On accompagne des projets. Soit on propose un projet de A à Z comme «Algérie (s) intime (s)» ou bien on accompagne des éducateurs qui ont envie de faire découvrir la vidéo à des jeunes. On a même travaillé avec une infirmière, pour sensibiliser des jeunes sur le Sida, sur la drogue en faisant des films. Il y a un projet actuellement sur un travail de proximité autour d'un quartier avec ses habitants pour mieux découvrir le quartier et ses voisins. Parfois, les gens ne se connaissent pas, n'échangent pas. On utilise la vidéo pour créer des moments de rencontre. Et moi, j'encadre tout ça. On tient un journal avec les habitants. On se sert de tout ce qui est outil de communication au service des citoyens. On se rend compte que la télévision a perdu son rôle éducatif et de démocratie participative car souvent en constate un grand décalage entre ce qu'on regarde à la télévision et la réalité. Avez-vous déjà entrepris des projets de partenariat avec l'Algérie, auparavant? Entre l'Algérie et la France, on va dire c'est le point de départ. C'était une opportunité. En France, on a beaucoup travaillé sur le thème de l'Algérie. Je pense qu'il y a vraiment quelque chose à développer, voir comment développer ces échanges culturels. Je pense qu'à travers l'image, on peut faire beaucoup de choses. Entre des jeunes, des habitants de l'Algérie et de la France, réfléchir. Cela a été une opportunité. Un premier contact. Ça m'a intéressé de découvrir les enfants d'ici. Je ne suis jamais venue en Algérie. Parfois, on se demande comment ils vivent là-bas. Et l'image peut franchir, en ce sens, les frontières. C'est en montant des projets entre Algériens et Français qu'on peut faire avancer les choses.