Dirigée par la Cgea, la délégation algérienne a défriché le terrain pour un partenariat bénéfique. Huit pays du sud de la Méditerranée étaient réunis à Valence en Espagne, les 27 et 28 février derniers, pour discuter coopération et partenariat, sous le thème de la compétitivité en Méditerranée. L'Algérie, le Maroc, la Tunisie, l'Egypte, Malte, la Palestine, Chypre, le Liban, la Turquie, la Jordanie ont présenté, à tour de rôle, les potentialités de leur économie et les facilités offertes pour attirer les investissements directs étrangers. Ce furent deux journées pleines au cours desquelles trois volets ont eu la part du lion: la confédération patronale, les agences de soutien à l'investissement, et enfin les contacts directs entre les opérateurs économiques pour étudier les offres de partenariat. Après la séance d'ouverture marquée par les discours des responsables espagnols de la région de Valencia, la parole fut donnée au président de l'Umce, Jean-Jacques Serraf, et des présidents des confédérations patronales. Le premier à prendre la parole dans ce cadre fut Habib Yousfi, président de la Cgea (Algérie), qui a relevé tous les atouts que peut offrir l'Algérie pour attirer les investisseurs euro-méditerranéens, tout en relevant que cette rencontre peut constituer le socle pour l'établissement d'une coopération devant sceller des rapports économiques importants entre l'Algérie et l'Espagne. Tout en soulignant que la visite effectuée récemment par une délégation d'entreprises espagnoles dans les créneaux de l'énergie et des services démontre la volonté réciproque d'asseoir une coopération qui sera élargie à d'autres secteurs, il a déclaré que l'Algérie est devenue un immense chantier de par l'investissement interne colossal qui a pour objet, une mise à niveau des infrastructures de base et notamment les routes et autoroutes, les ports et aéroports, les liaisons ferroviaires à voie rapide, les barrages, les transports urbains, le logement, le tourisme, les technologies informatiques et les communications. Cette fiche signalétique, a-t-il ajouté, démontre la volonté de l'Algérie de s'ouvrir à tout investissement capable d'apporter un savoir-faire profitable à nos économies, ouvrant la voie à une coopération bilatérale s'inscrivant en droite ligne des conséquences découlant de la mise en oeuvre de l'accord d'association signé avec l'Union européenne. D'autre part, les secteurs de la chimie et des activités annexes, de l'agroalimentaire, de la mécanique, de l'énergie électrique, (cette dernière vient d'être ouverte au privé), constituent autant de possibilités de partenariat. Cette plaidoirie de Habib Yousfi s'est appuyée sur la présentation de quelques chiffres qui prouvent la bonne santé de l'économie algérienne et les opportunités d'investissement qui s'offrent aux partenaires espagnols ou méditerranéens. C'est ainsi que les éléments chiffrés de l'état de l'économie relatifs à l'exercice écoulé, font ressortir que l'inflation a été contenue à 2,5%, que le chômage a reculé à 12,5% en octobre 2006, et que l'endettement extérieur a été ramené à 4% du PIB contre 15% en 2005. Une situation enviable Les principaux paramètres macro-financiers de l'économie se sont nettement améliorés. En effet, a-t-il souligné, l'excédent du compte courant d'environ 26% du PIB et celui de la balance commerciale de 17% du PIB montrent bien que l'Algérie se porte bien et sa situation est même enviable, et l'on constate que la croissance économique annuelle demeure constante autour de 4,7%. Il faut constater que, dans ce contexte extrêmement favorable, la participation espagnole a été appréciable, en matière de réalisation de voie ferrée, de dessalement d'eau et de gestion d'eau. M.Habib Yousfi a également, informé l'assistance qu'une nouvelle stratégie industrielle est, actuellement, en cours d'examen par les autorités du pays et dans laquelle sont prévus de nombreux avantages en matière de foncier industriel, fiscale, douanière, financière ainsi que sur le plan administratif, au profit de l'investissement direct étranger (IDE). La proximité géographique de l'Espagne par rapport au continent africain en général et à l'Algérie en particulier, laquelle est reliée à l'Europe par deux gazoducs sous-marins, en voie de doublement, plaide désormais pour une vision nouvelle des rapports économiques bilatéraux. Rencontré en marge de cette deuxième journée, M.Riach Azzedine, secrétaire diplomatique chargé des affaires économiques et commerciales à l‘ambassade d'Algérie à Madrid, a affirmé qu'on ne peut qu'appuyer cette initiative, qui vient consolider les relations entre la partie espagnole et les opérateurs économiques algériens, en complément des efforts faits par les services de l'ambassade, soit au niveau bilatéral, soit dans le Bassin méditerranéen. «Depuis quatre ans, environs, a-t-il affirmé, les relations économiques et commerciales ont connu une évolution, depuis la signature du traité d'amitié et de bon voisinage, qui a tracé un cadre de coopération stable.» Certes, la compagnie aérienne Ibéria a mis du temps à revenir en Algérie, mais le traité d'amitié a été complété par des accords sectoriels, dans le domaine du transport aérien, maritime, la pêche, en matière de PME-PMI. Dans le secteur de la pêche par exemple, un comité mixte a été constitué pour examiner la possibilité de création de sociétés mixtes pour encourager l'investissement dans le secteur, exploiter les ressources halieutiques, non seulement en mer, mais aussi à terre, sans oublier les activités annexés comme la formation et la réparation de bateaux de pêche. Dernièrement, rapporte M.Riach, on a désigné un bureau d'études à l'effet d'identifier les secteurs éligibles à l'investissement, vu que c'est un secteur important dans le domaine des relations bilatérales, l'Espagne ayant accumulé un expérience appréciable dans le domaine de la pêche et de l'aquaculture. Cela nous a permis d'organiser une troisième campagne d'évaluation des ressources halieutiques dans les fonds accidentés. Pour ce qui est de la promotion de la PME-PMI, il faut savoir que c'est le secteur de l'énergie qui en est le moteur. Néanmoins, le gouvernement algérien voudrait étendre la coopération aux domaines qui présentent un fort potentiel de développement: pêche, PME, agroalimentaire. Donc, si la présence espagnole est forte dans le domaine de l'énergie, elle demeure faible dans les autres créneaux. C'est la raison pour laquelle en matière de PME, on a signé en 2006, un accord entre le ministères respectifs pour que les Espagnols apportent assistance, expérience et expertise pour le développement d'un secteur aussi stratégique en plus d'un accord entre le ministère de la PME et le patronat de la région catalane (Barcelone; le Pimec) pour la mise en oeuvre de l'accord-cadre. Sur le plan des échanges commerciaux, l'année 2005 a connu une augmentation des exportations espagnoles en direction de l'Algérie de 40%, avec un volume des échanges supérieur à 5,3 milliards d'euros. Les exportations de gaz ont connu également, une augmentation de 48%. Globalement, il y a un fort déséquilibre des échanges au profit de l'Algérie, ce qui amène la partie espagnole à vouloir réduire l'écart. Quant au gouvernement algérien, estime M.Riach, il encourage la partie espagnole à augmenter les exportations vers l'Algérie, sous forme de partenariat. «C'est pourquoi, ajoute M.Riach, nous avons demandé l'implantation de banques espagnoles». «Nous, on souhaite l'arrivée d'une banque d'investissement pour encourager les entreprises espagnoles à venir s'investir en Algérie. Dans le domaine du gaz, il existe des projets stratégiques, à Gassi Touil, ainsi que le gazoduc Medgaz, et d'autres projets tout aussi importants.» Une liste de 9 pays «Quant au gouvernement espagnol, dans sa politique d'internationalisation qui vise à réduire le déficit de la balance extérieure, il a établi une liste de 9 pays prioritaires dans laquelle l'Algérie figure en bonne place, aux côtés de la Chine, de l'Inde, ou du Maroc. Ce qui est une nouveauté. Le plan Algérie prévoit un appui financier à travers les mécanismes de financement (2005, 2006, 2007, 2008...) de près de 400 millions d'euros. C'est un soutien institutionnel visant à faciliter l'installation des sociétés espagnoles sur le marché algérien.» A titre d'exemple, note M.Riach, «on ne sait pas pourquoi la Cofidis est absente en Algérie alors qu'elle est présente dans les pays lointains comme l'Inde ou la Chine. Ce plan en question comporte une sensibilisation des entreprises à venir sur le marché algérien, par la participation aux foires et expositions. Le gouvernement catalan a élaboré un programme similaire pour encourager la présence de sociétés catalanes sur le marché algérien. Nous avons organisé un séminaire à Barcelone en novembre 2006, avec la participation de 60 entreprises algériennes et 200 catalanes. Il y aura également un autre séminaire à l'occasion de la visite officielle du roi Juan Carlos à Alger ces jours-ci, visite qui sera sanctionnée par la signature d'un accord de coopération. Dans le domaine de l'aquaculture, on est en train de mettre en place un centre pilote à Bou Ismaïl». «En outre, la banque Santander veut installer en Algérie. En plus du gaz, il y a lieu également de signaler le projet de câbles électriques sous la mer.» Quant à Mme Hadji Samia, du bureau d'affaires touristiques installé à Béjaïa, et qui a fait partie de la délégation algérienne, elle estime que la rencontre de Valence est très bénéfique pour les opérateurs algériens, dans la mesure où l'économie algérienne qui est en plein boom, a besoin de rencontrer des partenaires économiques de la rive nord de la Méditerranée en vue de négocier des accords de partenariat. «Qu'est-ce qui a empêché ce genre de rencontres d'avoir lieu, jusqu'à présent, demande-t-elle. Je pense que c'est le manque de communication. Il n'y rien, ni l'Etat ni les entreprises n'ont pris jusqu'à ce jour ce genre d'initiative.» Elle estime que «si les Espagnols ont besoin du gaz algérien, ils doivent nous proposer quelque chose d'autre, en échange, dans le domaine de l'industrie, du bâtiment, et surtout du tourisme où ils ont accumulé un savoir-faire appréciable. Nous avons une côte qui n'est pas exploitée. C'est le moment de faire quelque chose. Il existe des zones d'expansion touristique et des potentialités énormes.» On ne pouvait pas achever ce tour d'horizon sans donner la parole à un responsable de l'Institut valencien des exportations, un organisme dépendant du gouvernement régional de Valence, chargé de la promotion des entreprises valenciennes à l'extérieur. Pour lui, si l'Espagne était relativement absente du marché algérien jusqu'à une date encore récente, cela est dû à des considérations historiques, l'Espagne étant tout naturellement tournée vers les pays d'Amérique latine ou du Sud, du fait de la langue et de la culture. Mais on assiste ces derniers temps à un recentrage de cette politique, du fait de l'ouverture économique et du climat des affaires. Pourquoi cet intérêt pour l'Algérie? demande notre interlocuteur. «En 1991, note-t-il, en pleine crise, les Algériens, qui avaient des difficultés à trouver des approvisionnements, étaient allés naturellement vers les pays limitrophes: Espagne, Italie, France. L'Espagne, relativement inconnue jusque-là, a été une agréable découverte pour les Algériens qui ont été surpris par le rapport qualité des produits. Ensuite, le développement de l'Algérie qui s'est fait parallèlement à la construction du gazoduc sous la mer, a généré un déficit commercial pour la partie espagnole, qui a voulu réduire son écart en cherchant à diversifier les échanges et à augmenter les exportations en direction de l'Algérie, et les gouvernements successifs ont diligenté les entreprises en vue de trouver des débouchés dans ce marché relativement nouveau». «Le produit espagnol valencien s'est révélé être de bonne qualité et la relation commerciale était honnête, sans arnaque sans contrefaçon. Quant aux créneaux, ils sont nombreux: le tissu industriel, le plastique (équipements), la chaussure, le meuble, l'agroalimentaire, les matériaux de construction (céramique). Du fait que la consommation de gaz a été importante pour faire fonctionner les fours (céramique); le développement de la céramique de la région castillane a connu un développement appréciable. Tout cela a été bénéfique pour les contacts entre professionnels, qui parlent le même langage. Dans le domaine des projets, nous allons, à la suite de cette rencontre, qui est multisectorielle, en organiser d'autres, qui seront plus ciblées. Comme l'aquaculture ou le tourisme des secteurs où les Espagnols ont un réel potentiel et un savoir-faire évident, tant au niveau de l'hôtellerie que du complexe touristique réduit». «J'ajouterai, dit-il, que l'Institut valencien des exportations favorise et encourage ces rencontres». En conclusion, on peut dire que le cadre bilatéral du processus de Barcelone, plus lourd, a cédé le pas à des relations bilatérales plus faciles à maîtriser et à mettre en place, alors que l'Algérie est devenue une destination pour les investisseurs et les entreprises espagnoles.