A l'occasion de la présentation de son bilan annuel à Bruxelles, la BEI (Banque européenne d'investissement) a développé une thèse pour le moins révélatrice de l'ambition des promoteurs du projet d'une Union pour la Méditerranée. Son vice-président, le Français Philippe de Fontaine Vive, a été prolixe là-dessus. Il y a comme cela des signes qui ne trompent pas: «l'Union pour la Méditerranée» est l'enjeu d'une véritable bataille stratégique qui met aux prises les principales capitales européennes. Entre les pays du sud de l'Europe entraînés par une France qui vise à reprendre sa place de leader dans la conduite de la politique de l'Union, et ceux du Nord sous la conduite d'une Allemagne forte de sa puissance économique et de sa place de premier contributeur au budget de l'Union, les rivalités ne sont pas une vue de l'esprit. Elles s'expriment, au sein même de l'Union, par des initiatives diplomatiques et économiques en direction des pays tiers d'une manière générale. Dans les circonstances du moment, la France dispose d'un avantage certain. Avec la perspective de sa présidence de l'UE au 1er juillet prochain, la France met le «turbo». Ainsi, avant la réunion des chefs d'Etat et de gouvernements des pays euroméditerranéens programmée pour les 13 et 14 juillet à Paris, la France balise le terrain et sème les grains pour la naissance de la future «Union pour la Méditerranée». Pour cela elle utilise l'un des moyens les plus efficaces: l'argent. Autrement dit, le nerf de la guerre. L'instrument de la mise en route de cette stratégie s'appelle la Banque européenne d'investissement (BEI). De mars à juillet 2008, six actions ciblant la rive sud de la Méditerranée lui sont confiées. Elle nous ont été détaillées au cours d'un dîner, jeudi soir, à Bruxelles, par le vice-président de la BEI, Philippe de Fontaine Vive, en charge du département de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (Femip). Dès le 6 mars, la Femip organise à Berlin, en Allemagne, à l'occasion de la semaine mondiale du tourisme, une conférence sur le tourisme en région méditerranéenne. «Une étude sur le tourisme dans dix pays méditerranéens considérés comme un ensemble régional, faite et financée par la BEI, sera rendue publique à cette occasion», déclare Philippe de Fontaine Vive. Il ajoute que «cette conférence réunira des représentants des gouvernements, de la Commission européenne, de l'ONU, des industriels du tourisme et des investisseurs des deux rives de la Méditerranée». La Femip sera partenaire du Forum de Paris qui se tiendra les 28 et 30 mars au siège de l'Unesco. Elle organisera deux rencontres entre les chefs d'entreprise et des personnalités des deux rives. La première sera intitulée «Une Union pour la Méditerranée, pourquoi, comment?» et la seconde «De quoi sera fait un espace économique méditerranéen». Le mois suivant, à l'occasion de la tenue les 24 et 25 avril à Tunis, du deuxième Forum de l'association «Euro-Med Capital Forum», la Femip parrainera des débats qui regrouperont des investisseurs internationaux, chefs d'entreprises et décideurs des secteurs public et privé. Dans ce même ordre d'idées se tiendra, toujours à Tunis, le 5 mai, une conférence sur la micro-finance. Des chercheurs et spécialistes seront invités à discuter sur l'impact des microcrédits dans la région sud-méditerranée en termes de lutte contre la pauvreté, la promotion de l'emploi, l'éducation, la santé, l'égalité des femmes...Les institutions ne sont pas oubliées. C'est pourquoi, lors du Forum sur la coopération décentralisée prévu à Marseille les 22-23 juin, au nom de la BEI, la Femip participera à cette rencontre qui regroupera des autorités locales et régionales des deux rives de la Méditerranée. Enfin, les 4-5 juillet, la Femip prendra part aux troisièmes journées de l'Union méditerranéenne des confédérations d'entreprises qui réunira les organisations patronales des deux rives de la Méditerranée sur le thème: l'entreprise, moteur de la Méditerranée. C'est donc un véritable marathon que s'est imposé l'institution de coopération financière euro-med avant la rencontre des chefs d'Etat et de gouvernements de juillet à Paris. A notre interrogation sur les chances d'aboutissement du projet de l'Union pour la Méditerranée, le vice-président de la BEI répond: «Sur 23 pays consultés, seuls deux d'entre eux ont émis quelques réserves. Il s'agit de la Turquie eu égard à son ambition de rejoindre l'UE et l'Allemagne pour les raisons que vous connaissez.» Il explique, par ailleurs, que les malentendus ont été levés, depuis. Mais la grande leçon, selon lui, «c'est la place et l'enjeu que prennent de plus en plus les pays sud de la Méditerranée dans les débats de l'UE». Cela explique-t-il en partie l'importance et le volume des crédits accordés à la coopération avec les pays du sud de la Méditerranée pour la période 2007 - 2013? Plus de 8,7 milliards d'euros pour neufs pays du Sud. Presque le double du mandat précédent. En outre, la tendance des prêts cible de plus en plus le secteur privé. 68% des crédits lui ont été alloués en 2007 par exemple, contre 30% en 2006. L'objectif étant de se réserver presque entièrement à ce secteur ou à des secteurs mixtes privés-publics. L'exemple de l'Algérie abordé lors de nos discussions traduit bien la conviction des Européens dans ses chances de réussir, vite, à se hisser à un niveau de développement appréciable «L'Algérie dispose d'atouts considérables pour réussir son arrimage à une économie performante et prospère. Que ce soit pour les grandes infrastructures, le tourisme, la PME, les nouvelles technologies...tous les secteurs offrent des plans de charge immenses. Restent les difficultés liées à un système financier et bancaire, le fléau bureaucratique entre autres, qui gênent beaucoup le rythme des réformes vers une vraie économie compétitive et ses retombées sociales» estime, en substance, le vice-président de la BEI, qui ajoute: «J'étais à Alger en ce mois de février pour signer des contrats que nous devions signer en 2007 par exemple. Ce sont des retards qui ont un coût non négligeable sur les projets».