Les Arabes se livrent à une guerre de plans de paix pour la Palestine, au moment où sur le terrain c'est l'embrasement. Effectivement, sur le terrain, la situation n'a jamais été aussi explosive et précaire qu'elle ne l'est depuis la sanglante incursion israélienne dans les camps palestiniens de Balata et de Jenine. Au cours des quatre derniers jours, près d'une soixantaine de personnes sont mortes, de part et d'autre, des parties au conflit. L'explosion de la violence, comme jamais, depuis l'avènement de l'Intifadha, est significative de l'échec sanglant du chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, à protéger les Israéliens et à imposer sa paix aux Palestiniens. Elu sur sa promesse à assurer la sécurité aux Israéliens, Sharon, qui fit de la force le seul argument de dialogue, a non seulement échoué dans sa mission, mais aura surtout contribué, par son irrédentisme, à exposer ses compatriotes comme jamais ils ne l'ont été. Sur le terrain, la résistance palestinienne rend coup pour coup en montrant à Sharon l'inanité de sa prétention à maîtriser un peuple prêt à se sacrifier pour sa cause. En refusant le processus de paix, en disqualifiant l'Autorité autonome palestinienne directement attaquée dans ses fondements, avec en sus la mise en résidence forcée du président palestinien Yasser Arafat, en refusant l'érection d'un Etat palestinien indépendant, Ariel Sharon n'a fait, tout au long de ces mois, qu'attiser la haine entre les communautés juive et palestinienne faisant tout pour atteindre le point de non-retour. Cet acharnement du chef du gouvernement israélien à démanteler le processus de paix, à éliminer les dirigeants palestiniens, hélas encouragé par la curieuse position du président américain George W.Bush sur la question proche-orientale, n'a pour objectif que de susciter le clash entre deux peuples qui ont su, dans le cadre du processus de paix, commencer à mieux se connaître, à s'apprécier. C'est ce lent travail de reconnaissance mutuelle que Sharon s'acharne à détruire. Avec pour résultat palpable le fossé creusé entre les deux communautés avec la montée des périls et l'embrasement quasi généralisé dans les territoires occupés où l'armée israélienne tue sans discernement comme elle le fit, hier encore, en tirant sur de paisibles Palestiniens tuant six personnes dont quatre jeunes femmes et un enfant. Ce qui amena, ce qui n'est pas coutumier, l'armée israélienne à s'excuser pour avoir «tué des innocents». Ce qu'elle fait depuis des mois, la majorité des victimes étant des adolescents et des enfants. C'est au moment où, sur le terrain, la situation devient incontrôlable que le prince héritier saoudien Abdallâh propose son fameux plan de paix qui s'articule essentiellement sur le désengagement total d'Israël des territoires arabes occupés, y compris Jérusalem-Est, contre une normalisation arabe avec l'Etat hébreu. Plan dont, en vérité, la seule particularité est d'être présentée par un membre de la dynastie saoudienne, sûre alliée des Etats-Unis, et également symbole de la défense des droits du peuple palestinien. L'Occident, qui réserva un accueil excessif à un plan qui n'apporte rien de nouveau, du strict point de vue de la solution du problème palestinien, ne s'y est, en revanche, pas trompé, car même si la proposition s'apparente quelque peu à du réchauffé, elle apporte, de manière presque officielle, la caution d'un grand pays arabe, l'Arabie Saoudite, à des manoeuvres qui peuvent retarder encore l'avènement de l'Etat palestinien quand il suffisait de faire appliquer l'ensemble des résolutions de l'ONU sur la question et l'accord intérimaire israélo-palestinien d'Oslo, pour arriver effectivement à une issue équitable qui respecte les besoins des uns comme les demandes des autres. Aussi bien, l'ire du colonel El-Gueddafi, qui rejette l'initiative du prince héritier saoudien, Abdallâh est-elle, quelque part, une réaction à rebours au peu de cas que le sommet arabe d'Amman, de mars de l'année dernière, fit à sa propre proposition de sortie de crise au Proche-Orient. Proposition qui n'avait, par ailleurs, aucune chance d'être agréée par Israël, l'un des belligérants, si l'on s'arrête au fait que le leader libyen semble suggérer une sorte de fusion entre l'actuel Etat hébreu et les territoires occupés, assiette du futur Etat palestinien. C'est du moins la teneur du plan tel que cela ressort des grandes lignes présentées par le colonel El-Gueddafi, vendredi, au Congrès général populaire (Parlement) Cependant, les Arabes, qui étalent leurs divergences, donnent surtout l'impression d'attendre d'où souffle le vent, ayant, presque (?) mis le cas du président palestinien Yasser Arafat (otage du criminel Sharon) au rayon des pertes et profits. L'impuissance arabe est induite par le fait qu'ils n'ont ni su ni pu protéger les Palestiniens des exactions israéliennes, ne serait-ce qu'en imposant le déploiement d'une force internationale d'interposition entre les deux parties. Au contraire, c'est Israël, via le soutien américain, qui a imposé son refus à une telle force. Et cela situe bien les limites actuelles des prérogatives arabes, ou que l'on prête aux Arabes.