Le ton du président américain monte graduellement au fur et à mesure que sa visite le rapproche de l'Iran. En Israël, parlant du cas iranien, le président américain George W.Bush a laissé entendre que «toutes les options sont sur la table», autrement dit y compris une éventuelle agression militaire contre la République islamique. Aiguillonné par Israël, Bush fait sonner le clairon de la guerre. De fait, le général de réserve israélien Amos Gilad, conseiller du ministre de la Défense, Ehud Barak, a affirmé hier: «Nous nous sommes efforcés de lui présenter l'image de la situation telle que nous la voyons. D'un point de vue professionnel, la chose est claire: il existe une menace nucléaire iranienne.» Israël s'inquiète ainsi d'un prétendu programme nucléaire (militaire) iranien que rien, jusqu'ici, n'est venu corroborer quand la seule menace effective actuelle qui pèse sur le Moyen-Orient est bien celle de l'Etat hébreu qui détient cette arme nucléaire. Israël fait trop de bruit pour que cela soit innocent, comme sans doute le fait de faire oublier que l'unique puissance nucléaire de la région reste l'Etat juif. Car si l'Iran peut à terme -ce qui reste à prouver- présenter un «danger» virtuel, Israël, qui compte parmi les huit pays disposant de la bombe atomique, est en revanche un danger réel pour la sécurité aux Proche et Moyen-Orient. Cela étant, il n'en reste pas moins que le président Bush a fait de l'Iran le principal thème de sa tournée dans le Golfe, tentant d'embrigader les Etats arabes dans une guerre qui n'est pas la leur. De fait, indirectement, par presse interposée, l'Arabie Saoudite semble vouloir mettre les choses au point qui «dénie» au président américain le droit d'utiliser la monarchie wahhabite dans sa campagne contre l'Iran. L'influent quotidien Al-Riyadh, proche des milieux monarchiques, écrivait en effet hier: «Nous refusons d'être utilisés pour déclencher des guerres ou des tensions avec l'Iran d'autant qu'il est possible de régler l'affaire par les moyens diplomatiques et par le dialogue.» C'est dire combien les menaces de guerre proférées par le président Bush, ou ses collaborateurs, contre la République islamique commencent à indisposer même ses alliés les plus inconditionnels. M.Bush ne semble surtout pas mesurer toutes les implications qu'une nouvelle guerre du Golfe pourrait avoir sur le devenir de cette région. La guerre contre l'Irak est ainsi entrée dans sa cinquième année. Et d'aucuns se demandent ce qu'il pourrait alors advenir de la paix et la sécurité dans le monde si les Etats-Unis déclenchent une nouvelle confrontation armée qu'absolument rien ne justifie si ce n'est de conforter une certaine hégémonie sur le Moyen-Orient. Au Koweït où il se trouvait vendredi, M.Bush avait affirmé que la présence militaire américaine en Irak «pourrait facilement» se prolonger pendant 10 ans ou plus. Nous sommes ainsi loin de la promenade de santé qu'il envisageait et de la «liberté» qu'il promettait, en 2003, aux Irakiens. Au Koweït toujours, George W.Bush est revenu sur ce qu'il qualifie de «menace» de l'Iran affirmant que ce pays n'aurait cessé d'«attiser la violence» en Irak, le sommant de «mettre un terme à ces ingérences». Dans cette campagne contre l'Iran, il faut encore relever «l'incident» qui eut lieu jeudi dernier dans les eaux du détroit d'Ormuz, entre les marines américaine et iranienne, «incident» que le Pentagone s'est ingénié, tous ces derniers jours, à monter en épingle, accusant Téhéran d'avoir essayé d'attenter à la vie des marins américains, en menaçant de «faire exploser dans quelques minutes» le navire. Or, un autre son de cloche vient démentir quelque peu la version du Pentagone, la marine américaine admettant qu'il lui est «impossible de savoir» si la menace qu'elle dénonce émanait bien des bateaux iraniens. «Cela a pu provenir de la côte (...) ou d'un autre bateau dans le secteur», a reconnu un porte-parole de la Ve Flotte américaine, basée à Bahreïn. C'est un peu le scénario du présumé programme nucléaire irakien, jusqu'à ce que la CIA admette que ce programme est gelé depuis au moins 2003, réduisant de fait à néant les vaticinations des va-t-en-guerre du Pentagone et de la Maison-Blanche. Cependant, c'est le même engrenage qui a permis l'invasion de l'Irak -quand les USA ont focalisé sur les pseudo-armes de destruction massives (ADM) que détiendrait le régime de Saddam Hussein- qui est ainsi mis en branle. Présomption qui s'est avérée fausse par la suite, aucune ADM n'ayant été découverte en Irak. Aussi, si un Etat fait courir au monde le risque de l'implosion, c'est bien les Etats-Unis, dont les dirigeants ne semblent avoir ni compris, ni tiré les leçons de l'invasion de l'Irak et de la guerre qui s'en est suivie. Un remake en Iran ne peut être que catastrophique pour la paix et la stabilité du monde.