«Si Sa Majesté le Sultan nous donnait la Palestine, nous pourrions nous faire forts de régler complètement les finances de la Turquie», Théodor Herzl (le théoricien du sionisme) La tragédie palestinienne aura bientôt cent ans. Tout commença véritablement en 1917 avec la fameuse Déclaration Balfour. Bref, flash-back sur l´importance de cette déclaration: Dany Ayalon, ambassadeur d´Israël à Washington, a déclaré le 31 octobre 2006 que la lettre que le président George W.Bush avait écrite à Ariel Sharon le 14 avril 2004, était "plus importante que la Déclaration Balfour" pour Israël. Pour l´histoire, le 2 novembre 1917, Arthur Balfour, ministre des Affaires étrangères britannique, publiait une lettre ouverte qui fit date dans l´histoire du mouvement sioniste. Il y écrivait au nom du cabinet de Lloyd George: "Le gouvernement de Sa Majesté voit favorablement l´établissement d´un foyer national juif en Palestine." Cette déclaration marquait une étape importante du projet sioniste et le liait à la Palestine et non plus à l´Argentine ou à l´Est africain (actuel Ouganda) comme il en était question à l´époque. Bien plus tard, le 14 avril 2004, dans une lettre à Sharon, le président états-unien, à l´instar de Dieu et de Balfour, "promet" pour la troisième fois, la "terre de Palestine " aux Juifs. Il réfute le droit au retour de 3,7 millions de réfugiés palestiniens. Ce faisant, M.Bush rompt avec la politique de ses prédécesseurs et bafoue les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations unies et l´article 49 de la 4e Convention de Genève. Israël a déjà choisi le président américain à élire par les Américains. Pour succéder à George Bush, considéré comme le "meilleur ami" qu´ait jamais eu Israël à la Maison-Blanche, le favori des Israéliens ne fait guère de doute: il s´agit du républicain John McCain. Israël fête, dit-on, le 60e anniversaire de la démolition définitive de la Palestine et de l´errance du peuple palestinien. Voyons comment cela est arrivé avec Pierre Stambul intellectuel français de confession juive. Son analyse lucide nous paraît résumer objectivement la situation. Nous rapportons quelques extraits: " Les Israéliens parlent de l´indépendance d´Israël, proclamée le 14 mai 1948 et aussitôt entérinée par l´ONU. Pour les Palestiniens, c´est la Naqba, la catastrophe, la destruction de leur société et de leurs villages suivie de l´exil de la grande majorité de la population. Aujourd´hui, il y a environ 5 millions de Juifs et 5 millions de Palestiniens qui vivent entre Méditerranée et Jourdain. Les premiers ont un Etat dit " juif " et occupent 90% de l´espace. Les seconds connaissent marginalisation, discriminations, assassinats "ciblés", misère et privation des droits élémentaires. Une injustice majeure a été commise: un nettoyage ethnique et l´expulsion de tout un peuple de sa terre. Il n´y aura pas de paix sans réparation et cette paix devra reposer sur les droits fondamentaux qui s´imposent à tou-te-s. L´histoire de la Palestine ancienne repose en partie sur les mythes bibliques...Les Juifs d´aujourd´hui sont largement les descendants de Berbères, Espagnols, Allemands, Khazars convertis au judaïsme et les Palestiniens sont un peuple autochtone, descendant de ceux qui sont restés en Palestine après la destruction du temple".(1) Le nettoyage ethnique de la Palestine "Existe-t-il un peuple juif? Les Juifs du Maghreb, ceux de l´ex-empire russe ou ceux du Yémen n´ont pas grand-chose à voir entre eux. Il y a pour les Juifs dispersés une communauté de destin liée à la religion. Les Juifs ont appris à vivre ou à survivre dans une situation de minorité. S´ils avaient un statut en pays musulman, ils ont subi en pays chrétien une longue suite de discriminations et de persécutions. L´antijudaïsme chrétien a produit l´interdiction de posséder la terre, l´enfermement dans le ghetto, les expulsions (la plus importante étant celle d´Espagne) et les pogroms. C´est dans ce contexte qu´est apparu le sionisme. C´est un projet multiforme. Il a un côté nationaliste. Il crée une notion revisitée de "peuple juif" avec une nouvelle langue (l´hébreu) se substituant aux langues de la diaspora. Les sionistes s´emparent du récit biblique pour revendiquer un prétendu retour en terre promise La Palestine est présentée comme une "terre sans peuple pour un peuple sans terre". Comment conquérir un pays? Le sionisme a incontestablement un aspect colonialiste. Depuis plus d´un siècle, la même stratégie s´applique: s´emparer des terres, institutionnaliser le fait accompli, marginaliser le peuple autochtone, détruire son organisation sociale, expulser, repousser la frontière. En Palestine, comme dans les pays voisins, existait une communauté juive qui vivait sans heurts avec les Palestiniens d´autres religions. C´est la colonisation sioniste et la volonté de créer un Etat Juif qui déclenchent, dès les années 1930, le conflit actuel. La colonisation de la Cisjordanie entreprise après 1967 n´est pas un accident de l´histoire. Elle est la suite logique des terres palestiniennes confisquées après la Naqba et de la destruction des villages".(1) "Le sionisme a également transformé Israël en pion avancé de l´Occident et de l´impérialisme au Proche-Orient. Aujourd´hui, Israël reçoit une aide colossale publique et privée des Etats-Unis et en même temps, aucun dirigeant américain ne semble en mesure de s´opposer à une décision qui ferait consensus chez les dirigeants israéliens. Le sionisme a gommé les différences idéologiques. Le sionisme utilise la peur comme un carburant: "les Israéliens ont peur de ne plus avoir peur". Le partage de 1947 de la Palestine n´était pas seulement incompréhensible pour les Palestiniens (au nom de quoi les a-t-on amputés de leurs terres ancestrales?), mais il était très inégalitaire: l´Etat juif prévu par la partition était plus grand que l´Etat palestinien alors que les Juifs étaient moins nombreux. Au coeur de l´Etat palestinien, Jérusalem était internationalisé. Un tel partage était inacceptable. La guerre israélo-arabe est présentée en Israël comme le combat de David contre Goliath, le "pauvre Israël" étant encerclé par des voisins hostiles. En réalité, il y avait un énorme déséquilibre en faveur des Israéliens. Ceux-ci ont, au début du conflit, 50.000 hommes en armes contre à peine 10.000 chez les Palestiniens. Et leur armement est beaucoup plus sophistiqué. De plus, aux côtés de l´armée israélienne et agissant de façon complémentaire, il y a les milices des futurs Premiers ministres israéliens (l´Irgoun de Menahem Begin et le groupe Stern d´Ytzhak Shamir) qui n´hésitent pas à massacrer les civils. Avant même le 14 mai, plus de 350.000 Palestiniens ont déjà été chassés de chez eux. Plusieurs documents de la Haganah (l´armée "officielle" israélienne) montrent que l´expulsion a été intentionnelle. L´historien Ilan Pappé parle du Plan Dalet qui a organisé ce nettoyage ethnique. Quand la propagande israélienne répète inlassablement que "les Arabes sont partis d´eux-mêmes" à l´appel de leurs dirigeants, il s´agit d´un mensonge fondateur destiné à masquer le crime qui s´est déroulé, il y a 60 ans."(1) "La " communauté internationale", malgré la guerre froide, a trouvé un consensus facile: se débarrasser du problème juif sur le dos d´un peuple innocent. Le peuple palestinien a été trahi par les dirigeants des pays arabes voisins. Le bilan de la guerre de 48, ce sont surtout 800.000 expulsé (es). Les villages ont été détruits et leur trace a souvent été effacée. Dès 1949, les terres des expulsé (es) ont été confisquées. Israël a reconnu formellement le droit au retour des Palestiniens au moment des armistices de 1949, mais tout a été fait pour rendre impossible ce retour. Les Palestiniens qui ont échappé à l´expulsion en 1948 forment aujourd´hui avec leurs descendants 20% de la population israélienne. Certains dirigeants israéliens regrettent "qu´on n´ait pas achevé la guerre de 48", qu´on n´ait pas expulsé tous les Arabes. Dans un Etat qui se définit comme juif, les non-juifs sont des citoyens de seconde zone. Le peuple palestinien est un peuple de réfugiés. A priori, le nettoyage ethnique de 1948 ne diffère pas fondamentalement de la conquête et des annexions de 1967. La colonisation des territoires palestiniens est devenue centrale dans le projet sioniste. Quelle issue? Quelle solidarité? La paix basée sur l´égalité et la justice passe avant tout par la fin de l´impunité d´Israël. Il faut un boycott politique, économique, sportif, moral à l´image de celui qui a fait plier le régime de l´Apartheid".(1) D´où viendrait le salut pour la cause juste des Palestiniens. Paradoxalement et devant un monde tétanisé, l´espoir viendrait autant du réveil de la conscience du monde que de celle de certains intellectuels juifs laïcs et religieux israéliens dont certains prennent des positions courageuses. Michel Warchawski, israélien de l´organisation pour la paix "Gush Shalom", ne dit pas autrement quand il milite pour un seul Etat binational, un seul Etat laïc, une Palestine-Israël dénouée de ses liens fondamentalistes avec les doctrines juives, chrétiennes et musulmanes pour que tout un chacun puisse vivre en paix dans sa culture et sa religion au sein d´une société démocratique. Ainsi, en Israël, les nouveaux historiens israéliens créent la controverse. Un certain récit de l´épopée sioniste est remis en cause par plusieurs Israéliens qui soulignent la responsabilité de Ben Gourion dans l´expulsion de plus d´un demi-million de Palestiniens. Deux cent mille ont été contraints à l´exil avant même la proclamation de l´Etat d´Israël, le 14 mai 1948. Depuis une vingtaine d´années, ce récit du vainqueur est remis en cause par une poignée de "nouveaux historiens" israéliens, notamment Ilan Pappé, dont le dernier ouvrage vient de paraître chez Fayard sous le titre choc: Le Nettoyage ethnique de la Palestine. S´appuyant, notamment sur des archives israéliennes déclassifiées, ces chercheurs affirment que l´expulsion des Arabes de Palestine en 1948-1949 a été conduite sciemment par les dirigeants sionistes, au premier rang desquels David Ben Gourion. Dès septembre 1945, trois organisations juives, la Haganah, l´Irgoun et le Lehi, lancent des attaques conjointes contre l´armée britannique. 29 novembre 1947: l´ONU adopte la résolution 181 partageant la Palestine en un Etat juif, un Etat arabe et un statut international pour Jérusalem. Alors que les deux tiers des habitants sont arabes, l´ONU attribue 56% des territoires aux juifs et 42% aux habitants arabes. "Le sionisme, en tant que courant despotique et agresseur, agit aux antipodes des enseignements du Livre saint des juifs, la Torah", estiment les membres de l´association juive de Natury Karta, groupe antisioniste aux Etats-Unis, dans un communiqué à l´occasion du 60e anniversaire de la création du régime usurpateur sioniste. Sans Israël, affirment ces rabbins, les conflits s´arrêteraient au Moyen-Orient, d´autant plus qu´au nom du judaïsme, il commet de nombreux crimes contre les Palestiniens, il les tue et les expulse de leurs propres maisons".(2) Pour sa part, le Pr Zand de l´université de Tel Aviv va plus loin pour démonter la mécanique du mythe fondateur de l´Etat juif, à savoir "le peuple juif" son ouvrage vise à promouvoir l´idée qu´Israël devrait être un "Etat de tous ses citoyens" -juifs, Arabes et autres- par opposition à son identité proclamée de "pays juif et démocratique".(3) Le journaliste israélien Tom Ségev commentant cet ouvrage écrit à ce propos: " Dans leur majorité, les Juifs dits de la "diaspora" n´ont aucune attache ancestrale avec la Palestine et que les Palestiniens ne sont pas autre chose que les autochtones de la Palestine: cet article sera surtout utile pour ceux qui persistent à voir dans le conflit palestino-sioniste un différend de nature religieuse et, entre deux légitimités dont l´une se fonde sur un droit au retour après un exil bi-millénaire. Comme on le savait, mais c´est bien de l´entendre dire par un historien, ce long exil est une fiction. Et la tragédie palestinienne n´est que le résultat d´une oeuvre coloniale tout ce qu´il y a de classique, à quelques nuances près. D´après Zand, le besoin pour le sionisme d´imaginer pour eux une ethnicité partagée et une continuité historique, a conduit à une longue série d´inventions et de fictions à côté de l´invocation de thèses racistes. Il n´y a pas de diaspora juive".(4) La fuite en avant des Arabes Comment l´Etat d´Israël a-t-il été créé? Théodor Herzl, le père du sionisme, écrivait en septembre 1897: "Si je devais résumer le Congrès de Bâle en un mot, ce serait celui-ci: à Bâle, j´ai fondé l´Etat des Juifs". Les massacres qui jalonnent la création de l´Etat d´Israël sont nombreux. Mais tout est fait pour nier la réalité par groupe de pression interposé. Israël Shamir, éminent journaliste écrit: "Deïr Yassin, c´est ce paisible village que les groupes juifs terroristes Etzel et Lehi avaient attaqué, le 9 avril 1948, en massacrant toute la population: hommes, femmes et enfants. Je ne rappellerai pas ici l´histoire sanglante des oreilles tranchées, des entrailles répandues, des femmes violées, des hommes brûlés vifs, des corps jetés dans une carrière, ni la parade triomphale des meurtriers".(5) Le Complexe de Massada a servi de carburant pour installer le sionisme. Le massacre des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands fut du pain béni pour le sionisme. "Les frontières d´Israël, disait Aba Eban, sont celles de l´holocauste" ou de la Shoah: concepts inventés spécifiquement pour décrire la "catastrophe du peuple juif, l´équivalent de la " Nakba " palestinienne. Personne en Occident ne mesure ses conséquences, c´est-à-dire l´horreur au quotidien sous le regard indifférent des puissants de ce monde d´autant que les problèmes inter-palestiniens font que la cause se dilue et que personne parmi les chefs d´Etat arabes ne lève la tête pour dire " trop c´est trop "; au contraire, chacun essaie de sauver son trône. Un comble de duplicité! On apprend que malgré de vifs débats parlementaires, l´Egypte a commencé le 1er mai 2008 ses livraisons de gaz à Israël. Elle s´est engagée à livrer 1,7 milliard de mètres cubes de gaz par an à Israël durant 15 ans. Pendant ce temps, Ghaza n´a pas d´électricité pour cause d´embargo sur les carburants de la part d´Israël!!! " Fait politique majeur du XXe siècle " selon le président Nicolas Sarkozy, la création par les Nations unies, il y a soixante ans, d´un Etat juif, n´a pas été suivie comme prévu de l´Etat palestinien. Les Palestiniens de 2008 ne peuvent plus prétendre aux 22% de leur terre, qu´ils avaient acceptés il y a quelques années! Leur destin est tragique. (*) Ecole nationale polytechnique 1.Pierre Stambul: Il y a 60 ans, la Naqba: Union Juive pour la Paix. Mille Babords 6.05.2008 2.Lundi 05Mai 2008 http://french.irib.ir mis en ligne le 4/05/2008 3.Pr Zand: Quand et comment le peuple juif a-t-il été inventé? Ed.Paris 2004 4.Tom Segev: Une invention appelée "le peuple juif " in Ha´Aretz, 1er mars 2008. 5.Israël Shamir: Les chasseurs de vampires Jaffa, le 14 mars 2001.