L'hommage à un homme qui a semé le grain du 4e art dans les hauteurs du Djurdjura. La 4e édition des journées théâtrales organisée par l'association Tafat de Tifilkout en l'honneur du dramaturge Boubakeur Makhoukh, animateur culturel, dramaturge, metteur en scène et auteur d'une oeuvre passionnante et son élève, Kheirdine Amroune, a baissé rideau. Cette édition avait débuté la semaine dernière, pour ne prendre fin que dans la soirée de samedi avec la cérémonie de remise des prix et des récompenses. Une manifestation qui a vu la participation de plusieurs troupes de différentes régions du pays, venues témoigner et rendre hommage aux sacrifices de cet artiste méconnu, mais qui a tant donné au 4e art. Boubakeur Makhoukh est né en 1954 à Tifilkout (Illilten), aux environs d'Aïn El Hammam. Dès sa tendre enfance, il s'installa à Annaba avec sa famille, où sa véritable carrière artistique a démarré. Le petit Bob(nom d'artiste), prédestiné au théâtre, embrassa très jeune une carrière théâtrale professionnelle. Après une courte période d'études, il rejoindra l'école de mime corporel dramatique de Paris. De 1978 à 1985, il était animateur en art dramatique à la Maison des jeunes de Annaba, puis animateur culturel au collège Max-Marchand (école France), correspondant de la revue culturelle L'Unité et animateur culturel à la société de sidérurgie de la même ville. Le théâtre est pour lui une raison d'être, il ne cesse d'innover et d'explorer des thèmes récurrents à la vie dure des Algériens. Il travaillait en plusieurs langues allant du berbère et l'arabe algérien au français, anglais et italien. Il signe sa première pièce en 1978, avec l'adaptation des Mercenaires de Laadi Flici, suivie de sa célèbre adaptation Hafila Tassir, (l'autobus marche), du non moins célèbre écrivain égyptien Ihssen Abdelqadous en 1984, mise en scène par Ziani Chérif Ayad et interprétée par le défunt Azzeddine Medjoubi ainsi que Les martyrs reviennent cette semaine, adaptée du roman de Tahar Ouettar, produite par le Théâtre national algérien (TNA). Il décède à l'âge de la maturité le 5 juin 1998 en Belgique, suite à une longue maladie. Ce rendez-vous mérite, à l'évidence, son qualificatif au regard de la brochette des troupes participantes, des compagnies parmi les plus cotées du mouvement théâtral, à l'instar de la troupe Tachamlit Nath Djenad, les beaux arts d'Azazga (fresque), la troupe Tafat de l'association culturelle de Tifilkout, la troupe de Batna, la troupe théâtrale Iguersafen, la troupe de Baraki, la troupe de Draa Ben Khedda, Djahid, la troupe Lamine Blidi, ainsi que Kamel Bouakaz, Djahid et Mouhoub Letrach dans les «one man show». Il y a eu également des spectacles pour enfants, animés par la troupe les Rigolos. Ce rendez-vous mérite d'évidence son qualificatif au regard de la qualité des troupes participantes, des compagnies parmi les plus cotées du mouvement amateur. D'ailleurs, la plupart de ces pièces nous ont fait voyager dans la nostalgie, elles ont doublement permis d'exprimer la survivance d'une tendance qui a marqué la thématique et l'esthétique du théâtre amateur des années 1970, celle d'un théâtre contestataire, qui a eu pour souci de clamer les préoccupations et les misères des peuples opprimés. Le comité d'organisation ne s'est pas limité seulement aux représentations théâtrales, mais s'est élargi aussi à la formation de jeunes, avec des conférences-débats. On a pu remarquer l'enthousiasme de ces villageois mobilisés pour la réussite de ces journées théâtrales. Depuis sa création en 1989, L'association Tafat milite dans le sens de la promotion de la culture en général et du théâtre dans cette région en fondant cette manifestation, qui confirme l'intérêt qu'accordent, de plus en plus, ces jeunes pleins d'énergie et de volonté, en voulant glorifier cet homme qui a semé le grain du 4e art dans les hauteurs du Djudjura. Ce qui ne peut qu'augurer un avenir prometteur pour le théâtre à Tifilkout en particulier et en Kabylie en général. Cet événement a pris des échelons en un minimum de temps. D'ailleurs, c'est une manifestation à caractère local, mais qui, très vite, dès la 4e édition, a pris l'envergure d'une manifestation régionale, si ce n'est nationale et l'ambition des fondateurs ne s'arrête pas là, puisque leur souhait est qu'elle soit institutionnalisée. Dans une allocution, le président de l'association Tafat, M.Aït El Hadj Madjid, a annoncé que «la majorité des textes dénotent une maturité artistique véritable», saluant «les efforts consentis dans le cadre de ce rendez-vous». Il a, également, félicité tous ceux qui ont contribué à la réussite de cet évènement et la promotion du 4e art dans ces zones rurales, en dépit, a-t-il dit, «des difficultés rencontrées pour réunir les moyens adéquats, une étape difficile que l'association a su et pu surmonter, mais beaucoup d'efforts restent à faire, et nous sommes prêts à relever ce défi.» Et pour conclure, le président de l'association M.Aït El Hadj Madjid condamne énergiquement les responsables de deux institutions locales de l'APW et de la direction de la culture de Tizi Ouzou qui n'ont pas été à la hauteur des postes qu'ils occupent, dont la mission première est d'aider les associations telles que la nôtre pour promouvoir la culture dans ces régions déshéritées. Mais hélas, ce n'est pas le cas. L'Association en charge des préparatifs de la prochaine édition lance un appel à toutes les personnes sensibles et concernées pour prendre part à la continuité de cet événement.