En attendant que les choses soient réglées, les familles de la rue de Bône continuent à retenir leur souffle. L'effondrement d'une bâtisse au niveau de la Haute Casbah, un drame qui a coûté la vie à quatre personnes dans la nuit de samedi à dimanche, relance le débat de l'habitat précaire. Un phénomène qui, à force de temporisation, risque de provoquer un nombre croissant de victimes. La vie de dizaines sinon de centaines de personnes dépend d'une prise en charge effective qui tarde à venir. L'antique Casbah offre, à cet effet et depuis des années, un excellent exemple. L'état de certaines bâtisses, malgré les mises en garde répétées des services techniques à différents niveaux, n'a donné lieu qu'à peu de considération de la part des autorités qui s'obstinent à s'enfermer dans le mutisme, faute de solutions. Les habitants de ces bâtisses, qui menacent d'un instant à l'autre de se transformer en tombeaux, se sont parfois regroupés en cellules, comme c'est le cas des occupants du n°6 de la rue de Bône. Un cas édifiant. Tous les rapports des services techniques et de la Protection civile, intervenus à la demande des habitants, sont unanimes à considérer que la bâtisse risque un effondrement imminent et ce, depuis le tremblement de terre d'octobre 1989. Ces rapports appellent aussi à une évacuation immédiate qui tarde. Les détails des rapports font ressortir l'état de délabrement avancé du bâtiment et les conditions de vie difficiles des familles qui y logent. Certaines y sont depuis 38 ans. Au n°6 de la rue de Bône, la partie inférieure du bâtiment s'est effondrée. Les services de la commune sont intervenus pour renforcer les piliers qui commençaient à arborer d'inquiétantes fissures, à l'aide de poutres en bois pour retarder l'échéance. La famille Bradi, 9 personnes, déclarée sinistrée après le tremblement de terre de 1989, se partage la seule et unique chambre qui a résisté. Des murs gonflés par l'humidité, des escaliers en «ruine». Le chef de famille n'a pas cessé d'attirer l'attention sur son cas et celui de ses voisins depuis 1974 auprès d'autorités changeant au gré des réformes administratives. Les auditions qu'il sollicite auprès des élus locaux donnent lieu à de véritables «ballets» de courriers et de démarches bureaucratiques qui cachent mal l'impasse. En attendant que les choses soient réglées, les familles de la rue de Bône et d'autres, pour les mêmes raisons, continuent à retenir leur souffle. L'effondrement de la bâtisse de la Haute Casbah s'est produit au milieu de la nuit, pendant que les gens dormaient.