Le chef de l'Etat a pointé du doigt les politiques économiques irresponsables qui ont débouché sur l'éclatement de la crise financière et entraîné l'économie mondiale dans la récession. Le discours d'ouverture de la Conférence extraordinaire de l'Opep, prononcé par le président de la République, aura marqué plus d'un esprit par son objectivité et sa justesse. En une phrase, il aura remis les pendules à l'heure. «La crise actuelle est avant tout une crise financière liée au modèle économique dominant, ce n'est pas une crise de l'énergie», a mis en exergue le chef de l'Etat. Le débat est aussi vieux que la découverte de cette roche fossile transformée en ce que l'on appelle l'or noir. Dès que son prix flambe, la porte s'ouvre pour un début d'hostilités que dirigent les pays consommateurs contre les pays producteurs. Et c'est l'éternelle question de l'équilibre entre l'offre et la demande qui est mise sur le tapis. Abdelaziz Bouteflika ne pouvait trouver meilleure occasion, en cette journée du 17 décembre, pour recentrer les débats. La 151e Conférence de l'Opep, qui s'est tenue hier à Oran, avait pour objectif principal de tenter d'enrayer la sévère dégringolade des prix du pétrole en décidant d'une nouvelle réduction de la production de pétrole des pays membres de l'Opep (2,2 millions de barils/jour). Leurs économies, à l'instar de l'économie nationale, sont sérieusement menacées par un prix du baril de pétrole qui n'a cessé de se réduire en peau de chagrin (près de 40 dollars hier à New York) alors qu'il avait atteint le sommet historique de 147 dollars, le 11 juillet 2008. Le manque à gagner est énorme. Les pays consommateurs pris dans la spirale de la crise économique mondiale n'en ont cure. Et c'est en ce sens que Abdelaziz Bouteflika s'est adressé à eux. Le message est clair: «Il est bien connu que la spéculation est l'une des causes de la forte hausse du prix du pétrole, suivie d'une chute vertigineuse des prix», a déclaré le chef de l'Etat. Avant d'ajouter dans un souci d'égalité qui a toujours animé sa conception de la répartition des responsabilités: «Ces facturations importantes sont nuisibles pour tous les opérateurs économiques, pays producteurs et pays consomma-teurs.» Véritable porte-parole des pays en voie de développement, Abdelaziz Bouteflika n'a pas hésité un seul instant à interpeller ces derniers, pour ne pas compromettre leur avenir. «La baisse de la demande de pétrole causée par la récession mondiale de l'économie, doit nécessairement entraîner un ajustement de l'offre», a souligné le président de la République. «Pourquoi continuer à inonder le marché avec des quantités de pétrole brut qui n'auraient pas d'acquéreurs?», s'est-il justement interrogé. En effet, ne pas réagir en de pareilles circonstances, reviendrait tout simplement à foncer droit dans le mur ou à attendre une mort lente mais certaine. Abdelaziz Bouteflika appelle les pays producteurs à plus de vigilance: «Si les pays producteurs doivent légitimement défendre leurs intérêts, et donc préserver leurs chances de développement, ils ne peuvent pas rester aujourd'hui impassibles devant l'écroulement de leurs revenus.» Le chef de l'Etat incite à plus de vigilance. Un baril de pétrole à faible prix peut faire des dégâts. Les années 90 l'ont prouvé avec la crise asiatique. Le baril avait chuté à 10 dollars. L'économie algérienne l'a appris à ses dépens. Elle l'a chèrement payé. Deux rééchelonnements lui ont été imposés par le FMI. «Chat échaudé craint l'eau froide», dit le vieil adage. «La maturité de l'Opep me laisse confiant que toutes les décisions qu'elle prendra dans ce sens tiendront compte des implications sur l'économie mondiale, pour laquelle nous souhaitons des mesures judicieuses de la part des grands pays industrialisés, afin qu'elle puisse renouer avec le cercle vertueux d'une croissance durable et partagée par tous», a conclu le chef de l'Etat, qui a plaidé pour un juste prix du baril de pétrole et la prise en considération des préoccupations des pays consommateurs et des pays producteurs. On attendait la Russie à la Conférence extraordinaire de l'Opep, le chef de l'Etat lui aura volé la vedette. L'oeil des caméras du monde entier était braqué sur Abdelaziz Bouteflika. Le chef de l'Etat n'a pas raté sa sortie médiatique. Ce fut peut-être la plus sobre de ses deux quinquennats. Si elle s'apparente à un début de campagne électorale, on peut, d'ores et déjà, dire qu'elle fut un coup de maître.