Conséquence de la crise financière actuelle, le prix du pétrole est tombé à son plus bas niveau depuis 17 mois, une chute spectaculaire face à laquelle les pays pétroliers essayent de se serrer les coudes, de parler le même langage. Après consultation avec le président de l'OPEP, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, et ses collègues ministres, le secrétaire général de l'organisation pétrolière, le libyen Abdalla Salem El-Badri, a décidé de changer la date à laquelle devait se tenir la réunion extraordinaire de l'OPEP. Consensus trouvé. Elle aura lieu le vendredi 24 octobre plutôt que le 18 novembre 2008, comme prévu initialement. L'heure est cruciale. Les pays exportateurs de pétrole vont examiner la situation du marché et décider des mesures qui s'imposent. Devant les mauvais chiffres sur la croissance économique dans les pays industrialisés, de la récession qui commence à s'installer dans certains pays, l'OPEP avait déjà fortement revu à la baisse ses prévisions de hausse de la demande de brut en 2008 dans le monde, +0,64% contre +1,02% en septembre dernier. Et les perspectives pour 2009 sont tout aussi moroses. Les craintes sont particulièrement attisées par la mauvaise santé de l'économie américaine, première puissance mondiale, qui pourrait entraîner les autres pays dans son sillage. Les Américains reconnaissent qu'il y a eu des erreurs et qu'il faut du temps pour remettre de l'ordre dans leur économie. Et, signe de fébrilité conjoncturelle, l'augmentation des stocks de pétrole brut et d'essence, plus forte qu'attendue, la semaine dernière aux Etats-Unis, a fait tomber le baril, un moment, sous les 70 dollars à New York jeudi. Avant la conférence extraordinaire dont il est question, des propositions ont été faites par des membres de l'OPEP. Pour enrayer la chute des cours, la Libye avait appelé tous les pays producteurs, Opep et non Opep, à «serrer» le robinet, avant même l'annonce de cette réunion anticipée. Le représentant iranien à l'OPEP, Mohammed Ali Khatibi, a renouvelé cet appel à l'union, jeudi dernier, incitant les producteurs non membres de l'OPEP, tels que la Russie, le Mexique, le Soudan ou la Norvège, à s'unir aux initiatives pouvant être prises par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole. Chaque fois qu'il y a enfièvrement des marchés, les pays consommateurs regardent, et ils le font souvent, du côté de l'OPEP, comme si les pays non Opep n'étaient pas concernés par ce qui se passe. Aujourd'hui que les prix dégringolent, les pays consommateurs de pétrole se complaisent dans un silence radio. Est-ce à dire que des prix bas n'affectent pas la croissance de l'économie mondiale ? Dans une déclaration récente, le ministre iranien du Pétrole, Gholam Hossein Nozari, avait estimé qu'un baril de brut à moins de 100 dollars ne convenait à personne, ni aux producteurs ni aux consommateurs, un avis qui fâche dans le carré des pays consommateurs. Le Premier ministre britannique, Gordon Brown, estime, par exemple, qu'une nouvelle baisse de la production de l'OPEP suite à celle de 520 000 barils/ jour décidée lors de la dernière réunion de l'OPEP, organisée le 9 septembre dernier serait «mauvaise» car elle rendrait les prix «potentiellement plus élevés qu'ils ne devraient l'être». Autre solution avancée par l'OPEP pour stabiliser les cours, le renforcement de la régulation sur les marchés pétroliers afin de limiter la spéculation, qui a contribué à une très forte volatilité des prix du brut cette année. En intégrant les manques à gagner et les surplus de chaque membre, l'OPEP dépassait en juillet dernier son quota officiel de 520 000 barils/jour. C'est cet excédent qu'elle s'est engagée à résorber lors de cette réunion pour revenir aux 28,8 mb/j visés. Les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui défend les intérêts des pays consommateurs, sont un peu différents. Ils mettent en exergue le fait que le surplus était évalué à 690 000 barils/jour pour les onze pays soumis aux quotas. Y. S.