Grands buildings aux murs vitrés et entourés de jardins, dotés de chambres bien équipées avec un décor ultramoderne alliant confort et luxe, les hôpitaux tels que le groupe Acibadem et Aspandos donnent une image bien plus touristique que médicale. Le secteur de la santé en Turquie est en plein boom. Voulant porter la médecine à un niveau plus élevé, les Turcs adoptent une nouvelle conception de la politique de santé. Cette politique se nourrit du tourisme, pour soigner son image de marque. Elle se base beaucoup plus sur l'aspect logistique et esthétique. Tout en développant les nouvelles technologies en matière de traitements et de soins, la Turquie met, en parallèle, le paquet sur la modernisation de ses structures. Conçues sur un modèle ultramoderne répondant aux normes internationales, de nouvelles infrastructures sont construites un peu partout ces dernières années. Ayant acquis un savoir- faire dans le tourisme et une clientèle importante, l'ancien Empire ottoman ambitionne de passer à un autre stade, à savoir allier tourisme et santé. «C'est là que repose l'avenir du secteur de la santé», a déclaré le ministre turc de la Santé, lors de son intervention au Congrès international du tourisme de la santé. «Développer uniquement les techniques de traitement ne suffit pas à lui seul, il faut mettre à profit le savoir- faire acquis dans le secteur du tourisme pour améliorer l'état de nos establishments», dira-t-il. Pour le gouvernement d'Erdogan, le tourisme allié à la santé est la seule alternative pour promouvoir le système de santé national et le rendre rentable. Des hôpitaux à l'image des «six étoiles» Ainsi, après avoir capté l'intérêt des touristes, les Turcs misent sur une autre catégorie de visiteurs qui sont les patients. C'est dans cette perspective que s'est inscrit le deuxième congrès international du tourisme de la santé, tenu du 27 au 2 mars à Antalya, dans le sud de la Turquie. Organisé par l'association tourisme de la santé, cet événement avait pour but d'ouvrir une fenêtre sur le secteur en question et le faire connaître à l'extérieur du pays. Des représentants de plusieurs pays ont été conviés à ce rendez-vous qui se veut désormais traditionnel. Le choix du thème n'était pas fortuit! «Offrir des vacances et du traitement à la fois», ce slogan résume clairement le but recherché par l'association. «La Turquie dispose d'un potentiel très riche en matière d'infrastructures médicales et une technologie avancée dans le domaine scientifique», affirme son président, Ayden Dursun. En plus de ce potentiel, la position géostratégique de la Turquie, explique-t-il, offre l'opportunité de devenir une destination incontournable du tourisme médical. Le luxe et le confort s'invitent dans les hôpitaux. Les nouvelles infrastructures sanitaires construites durant ces dernières années n'ont rien à envier aux hôtels de luxe. Grands buildings aux murs vitrés et entourés par des jardins, les hôpitaux tels que le groupe Acibadem, et Aspandos à Antalaya, donnent une image beaucoup plus touristique que médicale. La visite guidée organisée pour les professionnels du secteur et la presse en début du mois en cours à l'hôpital international d'Acibadem à Istanbul, a surpris plus d'un. «C'est magnifique», «c'est extraordinaire», disaient les uns et les autres. «Vous êtes sûrs que c'est un hôpital?», se demande un journaliste omanais avant de commenter: «C'est beaucoup plus un hôtel.» Effectivement, sur les lieux, rien ne laissait croire que c'est un hôpital. Si ce n'est les ambulances garées à l'entrée et le personnel en blouse blanche. On aurait cru un établissement touristique six étoiles. A l'extérieur comme à l'intérieur, le design est là. «J'ai visité des hôpitaux en Europe, mais je n'ai pas vu tout ce luxe et ce confort», atteste un représentant du ministère tunisien de la Santé. «On dirait un gratte-ciel», s'exclamait une journaliste de la Moldavie, émerveillée par le décor original de l'hôpital. Couleur vive, dalle de sol, granite, moquette de premier choix et literie de qualité, ce décor fait oublier les souffrances. Des chambres bien équipées et soigneusement décorées. Téléviseurs à écran plat, salon, table basse, salle de bains bien équipée, les chambres donnent sur un splendide paysage naturel. «Ici, vous n'avez pas besoin d'être soigné. Rien que de se retrouver dans ce cadre vous êtes déjà guéri», raconte notre confrère qui a fait rire le médecin guide. Ce dernier explique que le repos moral est très important pour la réussite du traitement. «Offrir au patient un cadre agréable, qui lui permet de se détendre, compte beaucoup surtout pour les maladies chroniques et graves», a-t-il précisé. Selon lui, de nombreux malades évitent l'hospitalisation parce qu'ils ne se sentent pas à l'aise. Or, dans un établissement pareil, le patient se retrouve dans la peau d'un touriste. La prise en charge des patients étrangers commence à partir de l'aéroport et parfois même du pays d'origine. Hospitalisation, déplacement, transfert, tout est pris en charge. En plus des voitures ambulances, il y a même des hélicoptères ambulances. Une véritable chaîne de conditionnement. Le système de santé turc développe tout un processus pour assurer le confort aux patients et soulager leurs souffrances. Voulant offrir une destination de luxe incontournable pour les malades étrangers, les professionnels de la santé veillent au moindre détail pour rendre l'accès plus facile aux soins. C'est là le challenge de la nouvelle politique de santé turque. «Pour faciliter la tâche aux malades étrangers, nous nous occupons de toutes les procédures concernant le transfert, l'hospitalisation, la rééducation jusqu'à la fin du séjour», explique un médecin-chef du département au niveau de l'hôpital international Acibadem. Ouvert depuis une année et demie, cet établissement a acquis une notoriété à l'extérieur. «Plus de 1600 malades étrangers ont été soignés ici en 2008», indique ce médecin. Développant plusieurs spécialités, ce groupe assure des soins tenant compte des dernières découvertes dans les domaines: cardiovasculaire, pneumonie, chirurgie par laser, dépistage et identification des pathologies, soins dentaires, lesquels sont les différents services développés. Ce groupe a été accrédité par la Commission européenne de la Santé et la commission internationale de la santé. «Les techniques que nous développons sont les plus avancées dans le domaine médical, lesquelles sont d'ailleurs pratiquées aux Etats-Unis», a affirmé notre guide. Ce groupe compte actuellement une dizaine d'établissements à travers les grandes villes et se propose d'élargir davantage son réseau. Cet hôpital n'est pas le seul à avoir décroché une certification. La Turquie compte actuellement 28 établissements qui ont reçu l'accréditation de la Commission mixte internationale (JCI), c'est plus que des pays comme la Thaïlande, Singapour et la Corée du Sud. Le premier établissement accrédité JCI en Turquie, est Istanbul Mémorial Hospital en mars 2002 et ré-accrédité à deux reprises (en 2005 et 2008). En 2007, il y avait au total environ 1201 hôpitaux en Turquie dont 56 ont un caractère universitaire et 305 sont gérés par des entreprises du secteur privé y compris 3 qui sont gérés par des entités étrangères. Dix des plus grands établissements privés comptent à eux seuls près de 2357 lits. Rien que la ville d'Istanbul possède environ 190 hôpitaux et 290 dispensaires qui emploient plus de 123.000 personnes. Les prix des soins moins chers qu'en France En plus de la qualité des services et des soins assurés, les traitements coûtent pratiquement moins cher en Turquie par rapport à l'Europe. Des traitements de haute qualité, et de bonnes prestations de service sont assurés à des prix abordables. «Les soins en Turquie sont abordables par rapport à la France ou à Londres», nous confie un professionnel du domaine venu du Pays de Galles. L'avantage de la Turquie, explique-t-il, est qu'elle est très proche, ce qui n'est pas le cas pour l'Inde ou la Thaïlande. Exploitant sa position géographique, qui l'a placée comme une passerelle entre le Vieux Continent et l'Asie, la Turquie tente de devenir un concurrent potentiel dans le domaine du tourisme médical. En proposant des tarifs abordables, elle veut capter une clientèle nombreuse. «Les pays du Maghreb, l'Algérie en particulier constituent pour nous un marché important avec lesquels nous souhaitons travailler», a exprimé le président de l'association. Il ajoute: «Beaucoup d'Algériens se font soigner en France alors qu'en Turquie les soins sont beaucoup moins chers.» Avec les options des traitements médicaux, le système de santé devient une véritable source de business. Les visiteurs malades en Turquie sont de plus en plus nombreux. Ils ont été récemment estimés par l'Institut turc des statistiques à 165.000 visiteurs pour les soins de santé. Ce qui a rapporté à l'économie une recette de 360 millions de dollars. Un des plus grands marchés de la Turquie sur le plan du tourisme médical est le Royaume-Uni. Selon une étude publiée en 2007, les Britanniques considèrent la Turquie comme l'une des trois destinations du tourisme médical avec l'Inde et la Hongrie. Les soins les plus sollicités sont le remplacement de la hanche, du genou, la chirurgie oculaire au laser et la cataracte. Ainsi, les Britanniques constituent une grande aubaine pour le marché turc du tourisme médical. Les statistiques indiquent qu'ils sont estimés à 50.000 citoyens du Royaume-Uni à s'être rendus à l'étranger pour des traitements médicaux l'an dernier et y ont dépensé environ 237 millions de dollars. Avec la mise en valeur de son système de santé et en facilitant au maximum l'accès aux soins pour les étrangers, la Turquie vise à occuper une positon de leader dans le tourisme médical.