Voilà ce qui inquiète le plus: les groupes armés, auteurs des massacres, arrivent toujours à s'enfuir. L'été n'a pas sitôt commencé qu'il s'achève pour certains. Les douze morts de Khraïcia l'ont-ils été a cause de l'éclairage? En tout cas, l'éclairage a été installé. Nous l'avons constaté hier. Les lampadaires placés en haut des maisons en bordure des oueds pourront-ils repousser les attaques terroristes? Voire...Les et les enfants semblent appréhender même notre présence. 64 morts et 180 blessés depuis le début de l'année. Il n'y a pas de quoi pavoiser. On en arrive même à penser être revenu aux schémas de 1994-95, et à comprendre le regard soupçonneux que les gens jettent sur nous. Khraïcia, enclavée entre Draria, Mahelma, Birkhadem, Baba Hassen et Saoula, est de nouveau aux aguets. Les plaines qui l'entourent donnent accès à Blida, Tipasa et, à l'Ouest, aux premiers fiefs du GIA: Bouinan, Rovigo, Larbaâ, Tablat, Souhane...Khemis Miliana, on le disait, il y a une semaine à peine, allait, encore et encore, être le théâtre de nouveaux massacres terroristes. Parce que située sur le chemin des divers groupes armés sévissant dans le pourtour de l'Ouarsenis. On n'a pas accès à la capitale sans passer par Khemis Miliana. Cette zone, que se disputaient les GIA, le Gspd et autres organisations terroristes aux contours encore mal définis, a eu sa part de violence en fin de semaine: 4 personnes assassinées, dont trois à un faux barrage. Si à partir des bureaux d'Alger, le climat sécuritaire peut prêter à lecture, sur le terrain, il n'y a pas d'équivoque : il est encore très inquiétant. Cette inquiétude se manifeste à partir d'El-Affroun, Oued Djer, Boumedfaâ, Oued Zebboudj et Aïn Torki, émaillés de guérites qui surplombent les collines, de barrages de gendarmerie, de patrouilles de gardes communaux ou de patriotes. Tout vous renseigne sur la précarité de la vie par-là et la présence des groupes armés de manière directe. Entre Oued Djer et Hadjout, une longue histoire de la terreur est entretenue. Hammam Righa et Meurad, deux petites localités pittoresques et touristiques (barrage de Meurad et station thermale de Hammam Righa) restent encore sous tension. L'explosion d'une bombe, en fin de semaine a fait deux morts et quatre blessés à Hammam Righa. Le réseau de soutien, qui y est solidement implanté, à encore sévi. Entre Khemis Miliana, Aïn Defla et Chlef, la mort vous accompagne. Les gens ont appris à la côtoyer. Les véhicules continuent à circuler même après la tombée de la nuit et l'on fait comme si l'on ne craignait rien. Les deux bombes qui ont explosé en fin de semaine, ont fait 2 morts et au moins 40 blessés. Avec les 23 bergers assassinés à Sendjas il y a près d'un mois, et la centaine d'assassinats depuis le début de l'année, Chlef se partage avec Tiaret et Aïn Defla la plus haute marche du «podium terroriste». Non, nous ne sommes pas revenus aux années 1994-95. Ce serait faux de le dire. L'avancée dans l'amélioration du climat sécuritaire a été remarquable, depuis 1997-98, bien que l'année en cours ait connu une flambée terroriste inquiétante. En fait, ce qui est inquiétant, c'est cette violence, cette terreur invisible. En 1994-95, on savait, au moins, à quoi s'en tenir. Avec des milliers de terroristes aux maquis, et autant disséminés dans le tissu urbain, la poussée de violence avait sa raison d'être. Aujourd'hui, le général-major Fodhil Cherif nous suggère que trois terroristes du GIA, et uniquement trois, activent à l'intérieur d'Alger. Et une poignée d'hommes dans la périphérie de Blida, et peut-être deux bonnes douzaines d'éléments dans le triangle Médéa-Blida-Aïn Defla. Si un groupe armé (le GIA, dans ce cas) garde intacte une capacité de nuisance aussi grande, tout en accusant une perte estimée à environ 90 % de ses moyens humains et matériels, ce serait alors une insulte aux services de sécurité. En fait, nous sommes bien en face d'un ennemi invisible, d'une terreur invisible de groupes invisibles, mais quasiment efficaces et «performants», avec 64 assassinats depuis le début du mois, et quelque 400 depuis le début de l'année. Inquiétant. Très inquiétant...