A l'issue de la série de conférences animées par différents intervenants dans le domaine amazigh, depuis samedi dernier à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri, l'un des constats les plus inquiétants établis est le manque flagrant de chercheurs universitaires spécialistes dans le domaine berbère. Le Dr Abderrezak Dourari a été jusqu'à dire que le peu de chercheurs disponibles en tamazight, ne sont pas bien formés, à l'instar des autres spécialités compte tenu de la qualité de la formation dispensée par les universités algériennes. Ce bilan constitue un signal d'alarme. Ainsi, en dépit de tous les acquis politiques enregistrés par la question amazighe, il sera extrêmement difficile de les traduire concrètement sur le terrain. Même le Centre national d'aménagement linguistique pour l'enseignement de tamazight, mis en place en 2003, n'arrive pas à dénicher des chercheurs compétents à même de prendre en main le destin de tamazight. D'ailleurs, un avis de recrutement sera lancé prochainement au profit d'universitaires dotés de capacités minimales afin d'intégrer cette institution. Mais il est fort à craindre que cet appel soit un coup d'épée dans l'eau compte tenu des expériences précédentes. Le peu de spécialistes dans l'amazighité sont ou bien au département des langue et culture amazighes de Béjaïa ou bien dans celui de Tizi Ouzou. De même que si, sur le plan numérique, tout le monde se réjouit que tamazight est enseignée dans la presque totalité des régions de Kabylie, il n'en demeure pas moins que la qualité de l'enseignement dispensé, le contenu des manuels scolaires mis à la disposition des élèves sont sujets à la critique. Favoriser la quantité au détriment de la qualité n'est certes pas la meilleure parade afin de pouvoir réhabiliter la langue amazighe. De l'avis de plusieurs spécialistes interrogés lors de la semaine de l'amazighité, organisée par la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou, les méthodes mises en oeuvre dans le processus de l'enseignement de tamazight devraient impérativement être revues. Parmi les leçons à tirer de l'ensemble des conférences données à Tizi Ouzou à l'occasion du Printemps berbère, il est nécessaire de s'interroger sur l'utilité d'organiser des marches pour revendiquer une cause qui est du reste satisfaite si, en même temps, des compétences en la matière se comptent sur les doigts de la main. Cette question est d'autant plus opportune que la marche ayant eu lieu à Tizi Ouzou a, en majorité, été animée par des étudiants. Ces derniers dont la sincérité ne peut aucunement être remise en cause, abstraction faite des initiateurs de l'action vivant en famille en France, qui n'ont pas daigné venir épauler ces jeunes militants, auraient tout à gagner en s'investissant d'ores et déjà dans le domaine de la recherche inhérentes à la langue et la culture amazighes. Car, osons imaginer un seul instant si les milliers de manifestants ayant marché à Tizi Ouzou le 20 avril dernier étaient tous des chercheurs revendiquant la création d'une académie berbère! L'un des conférenciers de la semaine de l'amazighité a eu raison de dire qu'il serait impossible d'empêcher que la question amazighe soit utilisée à des fins personnelles. Mais, au moins que ceux qui militent pour son essor ne soient pas traités de traîtres. Car si une marche dure une heure, un livre ou un film en tamazight sont éternels.