L'avant-première de ce documentaire de Yasmina Adi est prévue le 7 mai prochain à la salle El Mougar. A l'occasion de la commémoration du 46e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, la salle El Mougar abritera jeudi prochain le film documentaire de Yasmina Adi, une Française originaire de Constantine qui a animé hier à la salle Ibn Zeydoun une projection-presse afin de parler de son film. Intitulé L'autre 8 mai 1945, aux origines de la guerre d'Algérie, ce documentaire, qui sera présenté pour la première fois en Algérie, a déjà fait le tour des festivals et a été projeté à différentes reprises sur France 2 et notamment sur Al Jazeera (6 fois). «Le documentaire se veut parler de ces faits historiques autrement vus que par les Français», a expliqué la réalisatrice qui fera remarquer l'absence de cette partie de l'histoire dans les manuels scolaires français. C'est pourquoi commence-t-elle son film par des images sur la célébration de la victoire par les Français sur les nazi allemands, à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour bifurquer immédiatement après sur ce qui s'est passé au même moment de l'autre côté de la Méditerranée, autrement dit ce «deuil» que connaîtront des milliers d'Algériens. Puis c'est l'enchaînement des faits, en remontant à l'espoir des Algériens croyant que le temps des colonies est fini. Comme dans le film Indigènes de Rachid Bouchareb, c'est le désenchantement des tirailleurs sénégalais et maghrébins qu'on a utilisés dans l'armée françaises. Le sentiment de tromperie ira crescendo. Messali Hadj, qui revendique l'indépendance, est jeté en prison. Alors que les Français se préparent à la fête de «la victoire», les Algériens sont en train de confectionner des petits drapeaux pour parader au milieu de tous en les brandissant. En effet, de petits drapeaux circulaient sur lesquels, nous dit-on, on pouvait lire - sur certains - «Libérez Messali» et «Algérie libre». Insurrection. La police riposte. Le porte-drapeau algérien est assassiné. Des Algériens et Français témoignent, chacun de son point de vue sur ce drame.. On entend «Sétif s'est rebellée» ou encore «Soulevez-vous, la révolte a éclaté!». A Guelma c'est pareil. Un historien français, Pascal Blanchard, commente cette «répression» en soulignant: «La volonté de mater un mouvement de rébellion, de peur qu'il se propage sur tout le pays.» Une façon de rétablir l'ordre chez les villageois. La rumeur circule incitant les Français à se barricader chez eux, tandis que la Légion étrangère, qui est venue libérer les Français, tire sur les Algériens. Les milices civiles se constituent. On utilise aussi des supplétifs, ou mitrailleurs sénégalais comme symbole de réprimande et de force pour inquiéter les populations et les faire fléchir. Dans les journaux, on ne parle que des victimes françaises, sans évoquer en aucun cas les milliers d'Algériens assassinés. Un rapport des services secrets anglais révèle le chiffre de 6000 Algériens morts et de 14.000 blessé entre le 8 et le 14 mai, tandis que le rapport des services américains dénombrent 17.000 morts. Un vieil Algérien décrit comment les soldats jetaient, selon leur humeur, pèle-mêle, les prisonniers dont les jambes étaient ligotées de fils de fer du haut des ponts de Kherrata. D'autres sont emprisonnés à vie ou séquestrés. «Si la paix semble revenir petit à petit, la déchirure est irréparable», dit la voix off dans le film. «Les Algériens comprendront irrévocablement que l'indépendance ne pourra s'acquérir que par les armes.» L'idée de faire ce film, arguera la réalisatrice, est venue suite à la loi du 23 avril 2005 sur le rôle positif de la colonisation. Pour Yasmina Adi, ce qui s'est passé à cette époque en Algérie est semblable à ce qui a eu lieu à Madagascar ou dans n'importe quelle autre colonie. «Qu'importe les chiffres évoqués ça et là, c'est toujours un mort de trop!». Et de souligner: «Mon but est de donner une dimension internationale à ce film à travers un contexte politique bien précis car beaucoup de nations à l'époque - y compris avec l'avènement de l'ONU -, qui étaient témoins, n'ont pas dénoncé ce qui s'est passé. Ce n'est pas qu'un tête-à-tête avec la France». Réalisé, il y a déjà un an, Yasmina Adi évoquera sans le vouloir l'importance des archives, a fortiori la nécessité de l'écriture de l'histoire, d'autant plus qu'une bonne partie des ces témoins qu'elle a interviewés sont maintenant disparus ou décédés après le tournage. Ce film vient à point nommé ouvrir une nouvelle page de notre histoire partagée entre l'Algérie et la France, mais au-delà des inimitiés qu'il peut provoquer, il est nécessairement urgent d'en parler pour faire avancer le débat par souci de vérité. La réalisatrice, ancienne journaliste et documentaliste, a eu cette chance-là. Mais combien d'autres l'auront après elle?