Le constat est sans appel. La facture alimentaire s'est élevée à 8 milliards de dollars en 2008. Les exportations hors hydrocarbures ne dépassent pas les 2 milliards de dollars. Les importations en produits alimentaires pèsent extrêmement lourd sur la balance commerciale et mettent au grand jour l'étroite dépendance de l'économie nationale aux recettes engrangées par le secteur des hydrocarbures. Elles sont passées de 2,5 milliards de dollars en 2003 à plus de 8 milliards de dollars en 2008. Le secteur agricole à travers le faible taux enregistré par ses exportations, 0,2% des exportations globales, se présente comme le maillon faible de l'économie nationale dont la bonne santé financière n'est garantie que grâce aux 98% des exportations assurées par le secteur des hydrocarbures. Un scénario dans lequel semble s'être enlisée l'économie nationale et bien malin celui qui pourrait en prévoir la date de sortie. Et si l'on prend en considération les cours actuels du baril de pétrole, on ne peut que prendre la mesure d'un tel challenge et les énormes risques de voir l'économie nationale être prise en otage par les humeurs incontrôlées et déroutantes d'un marché au caractère plutôt versatile. L'économie algérienne n'est pas encore en mesure de s'émanciper de sa principale mamelle: le pétrole. Que s'est-il donc passé pour que le décollage tant attendu n'ait pas montré le moindre signe de frémissement? Les responsables chargés de lui donner l'impulsion nécessaire se sont succédé à la tête de secteurs stratégiques (industrie, agriculture, pêche, tourisme...) précédés de solides références sans qu'aucun d'entre eux n'ait obtenu de performances significatives. L'économie algérienne a volé de crise en crise (pomme de terre, huile, poudre de lait, filière avicole, pêche, tourisme...) et quand bien même les citoyens arrivent à goûter à des moments de répit, ils ne sont que de courte durée. Le phénomène ressurgit, récurrent comme ces maladies incurables qu'aucun traitement n'arrive à endiguer. Spéculation, dérégulation des marchés, sécheresse...les causes de cet échec ont été diagnostiquées, passées au peigne fin sans qu'on ne leur administre le remède adéquat. Le mal est profond. Il a pris racine dès les premières années de l'indépendance. Choix d'un mode de gestion socialiste qui a caractérisé les économies planifiées, le cap fut mis sur la révolution agraire et les usines livrées clés en main. On a redoublé d'initiatives sauf d'imagination. Des projets certes ambitieux mais qui n'eurent d'égale que leur théorie ainsi qu'une paternité avortée promise à un unique destin: celui des fonds de tiroirs de leurs concepteurs. L'Algérie de 2009 a-elle rompu avec les vieux réflexes de cette période? Cela semble en prendre le chemin, mais les attentes ne sont pas à la hauteur des ambitions, encore moins au rendez-vous des espérances. On a organisé les assises de la stratégie industrielle puis celles du tourisme, on attend celles de l'agriculture et pourquoi pas celles de... la culture. En la matière, certains responsables en charge des affaires de la nation sont passés maîtres dans l'art. Force est de constater que le secteur hors hydrocarbures demeure à l'état embryonnaire tandis que les touristes étrangers arrivent au compte-gouttes. 7000 ont visité le Tassili des Ajjers nous dit-on. Pas de quoi pavoiser lorsque l'on sait que nos voisins tunisiens et marocains en attirent cinq à six millions chaque année. Un secteur autant nourricier que cet or noir qui jaillit des entrailles du sous-sol algérien, seule garantie du pouvoir d'achat des salariés et qui offre la redoutable particularité de ne pas être une richesse renouvelable. Vers la fin de l'année 2006, Abdelhamid Temmar, à qui l'on attribue la paternité du projet de stratégie industrielle avait déclaré: «Nous avons présenté au gouvernement un projet de stratégie industrielle dont le cadre a été approuvé...» Et que nous dit-il une année après? «Nous ne possédons pas de grande stratégie industrielle», avouera le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, à l'occasion d'une rencontre organisée, à l'hôtel El-Aurassi, par l'Union nationale des entrepreneurs algériens au mois de décembre 2007. En janvier 2008, c'est de la remise en cause d'un tel projet dont il fut question. L'Office national des statistiques (ONS) venait de publier son rapport. Les secteurs sur lesquels devait s'adosser la stratégie industrielle ont tous affiché des contre- performances.-19% pour les industries mécaniques, électroniques, électriques, métalliques. -21% les industries chimiques.-8% pour celles de l'agroalimentaire... De son côté, le ministre de l'Agriculture annonçait le 9 mai dernier que «la production céréalière sera exceptionnelle cette année» et du coup affirmait que la sécurité alimentaire allait être assurée. Parler de sécurité alimentaire alors que l'objectif était de parvenir à l'autosuffisance alimentaire n'est-il pas déjà en soi un aveu d'échec? L'équipe gouvernementale est plus que jamais dos au mur. Elle aura comme priorité de promouvoir ce chaînon manquant à l'économie nationale: un secteur producteur de richesses. Sachant que les bons indices macroéconomiques ne furent, atteints en grande partie que grâce au prix du baril de pétrole qui avait fini par culminer à 147 dollars le 13 juillet 2008 et que dans la conjoncture économique actuelle, ils risquent d'être malmenés, l'équipe Ouyahia devra jouer serré. Abdelaziz Bouteflika qui, en deux quinquennats, aura réduit une dette extérieure qui affichait 40 milliards de dollars en 2000 à sa plus simple expression et mis l'Algérie sur le chemin de la paix avec la politique de réconciliation nationale tout en lui faisant reprendre sa place au sein du concert des nations, ne tolérera sans doute aucun impair.